Photographie de Auriane Poussou réalisée avec un Lumix Panasonic DMC-FZ28
Venise, quartier Castello

La photographie est prise depuis un pont à l’embranchement d’une ruelle et d’un canal, ce qui permet d’avoir en parallèle deux points de fuite différents, séparés par une maison dont l’angle centré divise l’image en deux.
A gauche une « calle » où nous voyons un magasin de souvenirs avec des étalages de cartes postales. Les personnes qui déambulent dans les ruelles sont en grande partie des touristes, c’est le cas des deux personnes au premier plan.
A droite un « rio » où du linge sèche aux fenêtres. Les immeubles semblent être des appartements ou des maisons particulières (et non des hôtels). Les portes donnent directement sur le canal se qui témoigne du mode de vie vénitien dans sa contrainte de l’eau qui lui donne son originalité.
La maison en premier plan est de type traditionnel vénitien, en brique avec des détails recherchés comme cette fenêtre d’inspiration antique style temple avec un fronton et des colonnettes en marbre. Les jardinières suspendues apportent de la verdure.
Le reflet dans le canal donne à la maison de l’arrière-plan un reflet presque symétrique.

Cette photo révèle deux réalités de Venise. La première est la Venise touristique illustrée par la « calle », celle qui vit de sa façade pittoresque et romantique, du poids de son histoire, de ses trésors artistiques. Venise est menacée par son succès. Faisant rêver le monde entier, la ville est depuis longtemps considérée comme incontournable et l’expansion du tourisme fait considérablement augmenter son nombre de visiteurs. On parle de tourisme de masse (23 millions de touristes en 2011) mais la réputation et le succès de la ville des Doges ne contribue pas forcément à sa prospérité et sa sauvegarde. Si le tourisme est sa principale activité économique, c’est aussi la principale menace de son écosystème et de son patrimoine. Les bateaux de croisière qui déversent des milliers de touristes chaque mois endommagent les fonds de la Lagune et le système de pilotis sur lequel repose la ville sans vraiment rapporter à la ville car ces visiteurs ne sont que de passages, ils ne résident pas en hôtel, profitent de l’atmosphère vénitienne une journée mais prennent rarement le temps de courir les musées.
La seconde est la Venise des Vénitiens, celle de l’envers du décor dont certains touristes recherchent l’authenticité, comme cet homme qui se penche vers le rio. Elle est encore plus fragile, la ville n’est pas économiquement dynamique en dehors du tourisme et elle est désindustrialisée. Vivre à Venise est un vrai défi, la multiplication des aqua alta et l’invasion touristique font fuir un nombre croissant de Vénitiens. La ville est donc en déclin démographique, sur ses 50000 résidents, elle en perd mille par an. Le colossal système Moïse sauverait Venise des eaux et simplifierait la vie des Vénitiens mais ne retiendra pas le flot de Vénitiens qui fuit le navire.

Venise est une ville aux multiples visages, ce qui renforce son charme et en fait un objet d’étude intéressant. Elle a une urbanisation hors du commun.
La photo illustre un sentiment qui m’a frappé durant ce voyage, celui d’une Venise sans Vénitiens. C’est une ville que l’on découvre sans approcher sa population, ce que je trouve dommage. Seules ses petites ruelles et ses canaux révèlent la vie authentique vénitienne. Je vois le linge qui pend aux fenêtres comme preuve que la ville n’est pas qu’un décor. C’est pour cela que j’ai préféré cet aspect aux grandes places attrapes-touristes. La calle mis en parallèle avec le rio montre le fragile équilibre vénitien, l’eau à la fois source de vie et danger de mort pour la mythique cité de la Lagune.

Auriane Poussou HK A/L