L’Autriche mise en pièce !

Le 4 novembre 1988,

au Burgtheater à Vienne,

par Thomas Bernhard

Extrait de la pièce

“Les Viennois et les Autrichiens sont bien pires que ce qu’imaginait votre père. Il vous suffit d’écouter ces gens en parler, de les écouter. Quand on les croise, il nous regarde avec haine et mépris, que ce soit dans la rue ou dans un café. Être juif en Autriche, c’est être condamné à mort en permanence. Les gens peuvent écrire et dire ce qu’ils veulent, le fait est que la haine des juifs est innée chez l’Autrichien, c’est sa nature profonde.

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Contexte

Thomas Bernhard est un des écrivains et dramaturges les plus connus d’Autriche. Souvent, il utilise son art pour réveiller les consciences et bousculer les choses. Place des Héros (la pièce) est une commande de Claus Peymann, directeur du Burgtheater de Vienne pour le centième anniversaire en 1988 de l’ouverture de son théâtre. Mais l’année 1988 est également l’anniversaire d’une autre date… bien plus sombre, celle-là. C’est le cinquantenaire de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, l’Anschluss. En effet, le 5 mars 1938, sur la  Heldenplatz, énormément d’autrichiens étaient venus applaudir le Führer qui annonçait dans un discours l’annexion du pays. Après la 2GM, l’Autriche chercha à tout prix à occulter ce sombre passé et n’en parlait pas. Au moment de la pièce, il règne pourtant dans le pays un fort antisémitisme… C’est ainsi que Bernhard a l’idée d’écrire cette pièce. Avant même qu’elle ne soit annoncée et qu’il y ait représentation, elle fait déjà scandale. Un journal autrichien qui a eu vent de l’intrigue écrit qu’il s’agit d’une pièce à scandale. Le président autrichien de l’époque s’en mêle en la qualifiant d’insulte au peuple autrichien. Pourquoi fait-elle autant de bruit?

Car elle constitue un réveil des mémoires, la mémoire de ce sombre passé qu’on a cherché à oublier!

Sujet de la pièce

Elle a pour volonté de cesser de présenter l’Autriche comme la première victime du nazisme. L’intrigue se déroule justement en 1988. Une personne de confession juive se suicide ,en se défenestrant de son appartement, qui donne sur la place des Héros. Ce dernier estimait que “l’Autriche d’aujourd’hui est pire qu’en 1938!”. La pièce commence avec son enterrement et l’on souvient du défunt. Thomas Bernhard, au travers de ses personnages, se livre à une critique très violente d’une Autriche plus que jamais « antisémite », d’une Autriche où il ne pouvait « écouter Beethoven sans penser à Nuremberg », où « il ne prévoyait pas que les Autrichiens après la guerre seraient beaucoup plus haineux et encore plus antisémites qu’avant la guerre ».

Réactions et postérité

lors de la première, la pièce est acclamée! C’est un immense succès pour T. Bernhard, mais c’est  le dernier, car il décède quelques mois après (santé fragile). Cependant, cela n’a pas empêché que quelques personnes avaient manifesté lorsque la pièce a été jouée! La place des héros a été jouée par la suite dans le monde entier (Paris, Buenos Aires, Saint Pétersbourg..). Elle est transposable dans d’autres lieux et contextes. Par exemple, si on la jouait à Broadway aujourd’hui, les protagonistes se jetteraient par la fenêtre à cause de Donald Trump…

Souvent, les autrichiens se réunissent sur la Heldenplatz pour se souvenir et lutter contre la xénophobie ambiante dans le pays → manifestation du 23 janvier 1993, 200.000 personnes présentes. En 2017, le FPE (parti nationaliste) est au pouvoir !!! Preuve qu’il va falloir faire un nouveau travail pour lutter contre les extrémismes.