Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés au XVIe – XVIIe siècle
La question posée est plus difficile qu’il n’y paraît, car elle oblige à un décentrement intellectuel. Dans un monde contemporain très technicisé, marqué par le courant positiviste du XIXe siècle et où la science a acquis une dimension majeure, la difficulté principale est de ne pas étudier cette période avec les schémas intellectuels du début du XXIe siècle. Ne pas juger et analyser les hommes de ces deux siècles avec nos critères contemporains, mais avec les leurs. Se méfier des analyses téléologiques et prendre le train de l’histoire en route. Les hommes et les savants des XVIe – XVIIe siècle ont d’autres préoccupations que les nôtres, d’autres intérêts, d’autres visions du monde. Pour les comprendre, et pour comprendre cette période, il nous faut mettre de côté nos habitudes mentales pour entrer dans les leurs, ce qui n’est pas chose aisée.
Science et magie
Au XVIe siècle, il n’y a pas de réelle distinction entre la science et la magie. Toutes les deux sont des tentatives de comprendre le monde et de le maîtriser. Toutes les deux visent à découvrir les arcanes cachés des événements. La mère de Tycho Brahe a été condamnée pour sorcellerie et lui-même est tout autant astronome qu’astrologue. C’est ce que démontre Clive Staples Lewis Clive Staples Lewis (1898-1963), fut professeur de littérature anglaise du Moyen Âge à Cambridge. Il est aussi connu pour Les Chroniques de Narnia., romancier et surtout historien médiéviste, à propos des liens entre la science et la magie :
« Il y avait très peu de magie au Moyen Âge ; c’est au seizième et au dix-septième siècle que la magie a atteint son apogée Et avec elle la chasse aux sorcières. Ce n’est pas à l’époque médiévale que l’on poursuit et que l’on brûle les sorcières, mais à l’époque moderne. Ce phénomène est essentiellement présent en Europe de l’Est et du Nord, notamment en Allemagne..
L’investigation magique et l’investigation scientifique, menées avec sérieux, sont deux entreprises jumelles : l’une était malade et mourut ; l’autre était vigoureuse et a prospéré. Mais c’étaient bien des sœurs jumelles. Elles sont nées du même désir. (…) Il y a quelque chose qui unit la magie et la science appliquée tout en les séparant toutes les deux de ce que les siècles précédents appelaient la ″sagesse″. Pour les sages d’autrefois, le problème essentiel était de mettre l’âme en conformité avec la réalité, et les moyens d’y parvenir étaient principalement la connaissance, l’autodiscipline et la vertu. Pour la magie, aussi bien que pour la science appliquée, le problème principal est de soumettre la réalité aux désirs humains ; et la solution est une technique ; dans la mise en pratique de cette dernière, toutes les deux sont disposées à faire des choses considérées jusqu’alors comme repoussantes et impies —comme déterrer et mutiler les morts . C.S. Lewis, L’abolition de l’homme, Éditions Raphaël, page 92, livre paru en 1943»
La magie n’est donc pas l’opposée de la science, mais sa sœur jumelle.
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