Prologue

Chapitre 1er. Naissance d’un sultan, renaissance d’un empire

Abdul Hamid est né le 22 septembre 1842 à Istanbul. Il est le second fils du sultan Abdülmecid. Son nom signifie « l’esclave de Dieu ». Cette annonce est proclamée après plusieurs coups de canon. Il naît trois ans après le 3 novembre 1839, lorsque ces mêmes canons avaient retenti à Istanbul pour célébrer la proclamation d’un rescrit du sultan annonçant de grandes réformes dans l’empire. C’est trente-trois premières années de vie coïncident donc presque exactement avec la période de réformes connues dans l’histoire ottomane sous le nom de tanzimat.
Si Abdul Hamid est un « enfant des tanzimat », il est également un enfant de la question d’Orient. En 1841 s’est achevée la crise d’Orient qui faillit dégénérer en une guerre entre l’Angleterre et la France à cause de l’Égypte. Et en 1876, il accède au pouvoir en pleine crise orientale, dans les Balkans. Pendant ce tiers de siècle, la question d’Orient ne cesse d’occuper les chancelleries européennes et de mobiliser le gouvernement ottoman.

Question d’Orient et réformes Ottomanes.

L’expression désigne l’ensemble des problèmes posés aux grandes puissances par le recul territorial de l’ empire ottoman dans les Balkans et en Méditerranée orientale. Ce recul a commencé après l’échec du siège de Vienne en 1683. Les ottomans ont dû abandonner aux Habsbourg plusieurs territoires en Europe. Désormais, c’est la Russie qui représente la plus lourde menace, en se posant en protecteur des orthodoxes et des slaves dans les Balkans, et en voulant s’emparer des détroits et de Constantinople pour avoir accès aux mers chaudes. L’empire russe se revendique aussi l’héritier de l’empire byzantin. A ces menaces extérieures s’ajoute un nouveau phénomène, encore mal compris par les ottomans, le nationalisme qui entraîne une série de révoltes dans les années 1810 et 1820 et aboutit à l’autonomie de la Serbie et de la Grèce.
À la naissance d’Abdul Hamid, l’empire ottoman sort de la crise égyptienne. Mehmet Ali, d’origine albanaise, gouverneur de la province d’Égypte, a établi un pouvoir autonome. Il a d’abord lancé un vaste plan de réformes et de modernisation de l’Égypte. Puis, il a défié militairement Istanbul est occupé la province de Syrie. En 1839, une nouvelle guerre avec l’Égypte tourne au désastre pour les ottomans et l’empire ne doit son salut qu’à l’intervention des grandes puissances qui imposent un règlement de paix à Mehmet Ali.

L’autorité de l’empire ottoman est rétablie sur la Syrie. Mais l’Égypte, tout en demeurant nominalement ottomane, a acquis un statut privilégié, le firman (décret royal) de 1841 reconnaissant à Ali possession héréditaire de la province.
Comme le montrent les cartes, le recul de l’empire ottoman est incontestable. Pour autant, est-il pertinent de parler de déclin et de décadence puisque ce recul est étalé sur plus de trois siècles de la fin du 16e au début du XXe siècle? L’empire ottoman s’est en effet maintenu en dépit du voisinage d’une Europe en pleine expansion.
La proximité de l’Europe est un élément-clé de la question d’Orient. L’empire ottoman se trouve depuis fort longtemps engagé dans des relations de toutes sortes, diplomatique, politique, économique, avec ses voisins européens. Ces relations fonctionnent dans le cadre de capitulation. Ces capitulations sont des privilèges concédés par le sultan aux étrangers afin de faciliter l’exercice de leur activité dans l’empire : marchand, ambassadeurs, membres de congrégations religieuses. Ainsi de nombreuses colonies d’étrangers se sont constituées à Istanbul, Salonique ou Smyrne. Et les privilèges se sont transformés en droit exorbitant dont profitent les ressortissants européens et de nombreux sujets non musulmans protégés par les ambassades et consulats, ce qui donne lieu à des abus innombrables. Les capitulations sont devenues au XIXe siècle instrument de la domination…

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