Andrée Fortin and Carole Després, « Le choix du périurbain à Québec. Nature et biographie résidentielle », Articulo – Journal of Urban Research [Online], 5 | 2009, Online since 31 December 2009, connection on 08 November 2014. URL : http://articulo.revues.org/1416 ; DOI : 10.4000/articulo.1416

Cet article a été écrit en 2009 par Andrée Fortin, professeur au département de sociologie à l’Université Laval au Québec, et Carole Després professeur, aujourd’hui retraitée, à l’Ecole d’Architecture de l’Université Laval. Ces deux auteurs font partie du Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRBA), dont Carole Després est co-fondatrice. Créé en 2001, ce groupe de recherche rassemble des chercheurs au profil varié dans le but de faire le lien entre personne et milieu dans la banlieue vieillissante du Québec. Ce texte porte par ailleurs sur le périurbain au Québec. On peut définir ces espaces comme « des espaces plus éloignés et séparés de l’agglomération centrale […] un domaine caractérisé par des densités plus faibles […] des vides, des discontinuités et des hiatus plus marqués avec une part importante des espaces agricoles ou naturels. C’est le domaine privilégié de l’habitat individuel », d’après Rémy Allain, en 2012, dans Morphologie Urbaine. Québec est une ville qui connait depuis peu un vieillissement démographique, une faible croissance de sa population et une réorganisation morphologique avec le développement de nouveaux quartiers au détriment d’anciens, une dépopulation des banlieues pavillonnaires, et l’ouverture de la campagne aux secteurs périurbains. Cet article répond ainsi à trois questions, une sur l’explication des choix résidentiels où l’on peut lire l’importance de la proximité avec la nature. Une seconde qui explique l’origine de ce rapport avec la nature. Et enfin une dernière portant sur des questions plus environnementales dans un contexte de changement climatique.

L’article est fondé sur une enquête réalisée durant l’été 2005 à partir d’entretiens semi-directifs, c’est-à-dire que le discours des personnes interrogées est orienté autour de thèmes préalablement choisis: choix et histoire résidentielle, représentation, pratiques, rapport à l’automobile, mode de vie et caractère sociodémographique. Cette enquête regroupe 132 ménages dans 6 secteurs différents de la commune métropolitaine du Québec dont 2 sur la rive Sud du Fleuve Saint Laurent dans les plaines agricoles, 4 sur la Rive Nord et 2 près d’un lac ou d’une montagne dans d’anciens lieux de villégiature. Les ménages ont un salaire de 50 000 $ à 80 000 $ par an. Ils habitent dans des maisons individuelles variées (constructions neuves, cottages, demeures ancestrales,…). Sur ces 132 ménages, 73 vivent avec un enfant, 50 sans enfants vivant sous le même toit, et enfin, 9 sans enfants. ¾ des répondants ont des origines périurbaines ou rurales.
Dans l’explication du choix résidentiel pour les milieux périurbains, la proximité de la nature est un facteur important pour 8 répondants sur 10. Elle s’oppose à la ville polluée et recensant des problèmes sociaux. Les rapports à la nature peuvent être actifs, 60 des répondants pratiquent une activité sportive. On peut retenir le ski, les activités nautiques, le vélo, la pêche, la chasse, la marche et la promenade. Pour ces deux dernières activités, elles peuvent aussi être classées parmi les rapports contemplatifs. En ce qui concerne les enfants, le texte, ne parle pas de sport mais de jeux dans les parcs. Contrairement aux idées reçues le vieillissement n’influe pas sur les activités sportives puisque dans les secteurs les plus actifs la moitié des interrogés ont 50 ans et plus. Les rapports à la nature peuvent aussi être, de manière moins importante, contemplatifs, 3 répondants sur 10. L’article retient principalement la vue, le paysage parfois champêtre et le panorama. La vue n’est pas le seul sens abordé on retrouve l’ouïe (le bruit des cascades, le silence). Pour conclure, les espaces périurbains construits dans des zones agricoles permettent un rapport actif à la nature plus important que les lieux de villégiature offrant une vue peut-être plus intéressante et qui génèrent un rapport plutôt contemplatif.

Pour expliquer ce rapport à la nature, Andrée fortin et Carole Després, montrent qu’une large majorité des répondants est née ou a grandi à la campagne. Les auteurs parlent alors « d’habitus résidentiel » pour qualifier le comportement qui consiste à vouloir retrouver un milieu analogue à son milieu d’origine. Le choix résidentiel s’explique alors par les représentations qui influent notre manière de penser tel lieu ou tel autre, la proximité familiale et l’enracinement dans le secteur. Les auteurs classent les origines résidentielles en cinq types. Les natifs et ex-villégiateurs (45/132 répondants) qui ont grandi ou passé leur enfance dans le secteur où ils vivent aujourd’hui. Les ruraux (56/132 répondants), dont la volonté était de se rapprocher de la ville. Les ex-suburbains (22/132 répondants) qui ont grandi proche de leur lieu d’habitat actuel. Les ex-urbains (9/132 répondants) fuient la ville. On constate dans ce classement l’importance du nombre de répondant dont l’expérience en ville est minime.

Le rapport à la nature est pourtant contradictoire avec les questions environnementales. En effet, l’envie de protéger la nature ne coïncide pas avec le développement résidentiel. De façon globale, certains craignent le développement de banlieues pavillonnaires, la disparition de l’agriculture ou encore le déboisement. Ces préoccupations touchent principalement le paysage que les répondants sont venus chercher et qui semble muter au point que les habitants pourraient imaginer déménager encore plus loin. Malgré tout, les habitants montrent une confiance envers les politiques actuellement mises en place notamment en ce qui concerne les règlements de l’usage de l’eau. Un paradoxe reste celui de la voiture qui pose des problèmes écologiques mais qui est quasiment inévitable compte tenu du manque d’autres moyens de déplacement.

Ces questions environnementales listent ainsi des défis en matière d’aménagement durable dont le point crucial est de comprendre les représentations des habitants. Aujourd’hui, 90% des enfants au Québec grandissent dans des banlieues, ce qui devient problématique si on suit le principe d’ « habitus résidentiel ». Les auteurs proposent ainsi de prévoir des recherches sur l’ancrage et l’attachement au milieu à travers des méthodes quantitatives et qualitatives. En guise de conclusion, l’article montre qu’il faut que les politiques de développement durable prennent en compte les envies des futurs acheteurs et proposent à l’intérieur des espaces déjà urbanisés, des espaces qui permettent à la fois des rapports actifs et contemplatifs avec la nature pour éviter au périurbain de continuer de s’accroitre sur les campagnes environnantes.

Par conséquent, ce texte nous explique le périurbain en nous montrant que son attractivité vient d’un rapport avec la nature mais surtout de l’envie de retrouver un milieu de résidence analogue à celui de son enfance. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’environnement. Pour ma part, je pense qu’il y a en effet une corrélation entre notre milieu d’enfance et notre futur choix résidentiel. Vivant dans le périurbain depuis ma naissance je sais que mon idéal serait d’habiter plus tard dans une résidence individuelle dans le périurbain qui reste non loin d’une grande ville, en l’occurrence de Paris. Le paradoxe entre l’envie de protéger son environnement et le développement de l’habitat est clairement apparent. Afin de limiter l’utilisation des modes de transports individuels, un travail sur les moyens de communication est important, mais de manière contradictoire cela ne rendrait-il pas ces zones encore plus attractives ? Le travail sur les représentations semble alors effectivement primordial. Redynamiser les villes en offrant des milieux qui ressemblent à ce que l’on attend d’un milieu périurbain en travaillant notamment sur le panorama pourrait être une solution. Il faudrait aussi essayer de comprendre l’attrait des ex-urbains pour des milieux périurbains qui pourrait notamment venir de l’image un peu caricaturale et idéalisée que nous renvoi les séries télévisées voire les jouets pour enfant, où le périurbain serait le lieu « rêvé » pour s’établir en famille. Cette vision idéalisée pour la famille est aussi mise en avant par Sandra Breux et Laurence Bherer en 2009 dans Modes de vie et politiques municipales : regards sur le milieu périurbain montréalais, où les habitants de Sainte-Julie voient cette ville périurbaine de Montréal comme un lieu favorable à la vie de famille.

Roxane Lopez, L3 Géo et aménagement Paris IV