Liminaire
Jamais un lieu n’a autant été rattaché à la mémoire d’un seul homme.
Jamais un lieu n’a autant symbolisé à la fois le pouvoir, l’art et l’opulence.
Jamais un lieu n’a autant fasciné, dérouté, fait rêver que le château de Versailles jusqu’à être « imité » mais jamais égalé par quelques « répliques » ici et là en Europe auxquelles les amoureux de Versailles se revendiquent pour distinguer eux aussi leurs demeures.
A l’origine modeste pavillon de veneurs, Louis XIV décide après la célèbre fête de Nicolas Fouquet, d’édifier ici le centre de la machine politique de la France. Après de longs travaux, Versailles est le château le plus admirable de l’époque, tant il contient en son lieu les plus grandes prouesses du bon goût à la française. Ainsi, les Yvelines peuvent aujourd’hui se targuer d’être le département le plus royal de France, mais aussi le plus ambitionné ??? d’Europe, tant les tentatives de répliques de Versailles ont été nombreuses.
La date de 1789 sonne le glas de l’âge d’or versaillais. Depuis, aucun souverain n’ose habiter le château, témoin d’une époque révolue, et le domaine se retrouve esseulé à de nombreuses reprises. Cependant, les conservateurs successifs du château ont compris que Versailles possédait de véritables atouts. Ambassadeur de l’art et de la technique en France, symbole de l’hégémonie mondiale passée, lieu et décors sollicités pour sublimer de nombreuses œuvres d’artistes du Grand Siècle à ce jour, Versailles est un lieu qui ne laisse personne indifférent.
Une seconde naissance est donc envisageable au XXe siècle, grâce au phénomène de tourisme de masse. Les gloires du Roi Soleil ressuscitent toujours et encore aujourd’hui grâce aux 7,7 millions de visiteurs, venus des quatre coins du globe.
En effet, Versailles rivalise avec Le Louvre et la Tour Eiffel, le rang de monument le plus visité de France.
Mais Versailles et ses fragiles parquets de l’Ancien régime n’a pas imaginé supporter le poids de tous ces touristes trépignants. Sous Louis XVI, 16 000 courtisans foulaient les pavés de la cour de marbre. Nous sommes donc loin du nombre de visiteurs par an ! Il y a donc nécessité d’aménager le site, de le remodeler pour de nouvelles contraintes, de nouvelles priorités, de nouvelles prestations. Avec autant d’admirateurs, le château a dû aménager plusieurs portes d’entrée, des toilettes, des vestiaires, des salles de restaurant, des salles d’accueil, des accès pour les personnes en situations de handicaps… Tout ceci est le signe d’une transformation géographique continue du lieu. En clair, le château de Versailles n’est pas mort, il n’a jamais autant vécu.
La photo que je propose est une vue intérieure du Pavillon Dufour. Construit par Louis XVIII dans la première moitié du XIXe siècle, il est le seul vestige d’une transformation totale du château qui devait avoir lieu alors. Aujourd’hui, le pavillon est l’entrée principale dédiée à la file de touristes.
Plus le nombre de touristes augmente, plus les espaces doivent s’accommoder. On voit bien que c’est à l’environnement de revisiter sa configuration pour s’adapter à la population. Mais on ne peut reconstruire un Versailles plus grand, ne serait-ce par fidélité à la mémoire de son concepteur. Il faut donc réaménager et optimaliser l’espace.
En 2003 est né le « Grand Versailles », vaste projet de réaménagement visant deux objectifs nécessaires : la sécurité et l’amélioration de l’accueil des visiteurs. Le Pavillon Dufour n’a pas d’autre choix que d’être remodelé. D’autant plus que les espaces touristiques sont aujourd’hui soumis à des règles strictes provenant de l’organisme des Monuments Historiques.
Nous pouvons ainsi trouver sur le cahier des charges du projet la liste des objectifs de l’entreprise en 2004:
1. Simplifier l’entrée des visiteurs dans le château
2. Créer un seul tarif d’accès
3. Donner aux visiteurs des clés de compréhension supplémentaires
4. Offrir des services de qualité
5. Mieux accueillir les scolaires
6. Mieux accueillir les personnes handicapées
Les espaces que nous voyons ici sont le fruit du travail de Dominique Perrault, architecte et urbaniste. Avec un bâtiment XVIIIe siècle, il choisit d’intégrer des éléments modernes. En effet Dominique Perrault intègre : « Lustreries, tapisseries et métalleries contemporaines, dessinées par variation, déclinaison, géométrisation et abstraction à partir de certains détails tirés des représentations célèbres qui nourrissent l’imaginaire du château de Versailles, meubleront le futur pavillon Dufour. » François Hollande, président de la République, venu inauguré le lieu en 2016, résume l’enjeu géographique : « ne rien dénaturer et faire en sorte que le public puisse être encore mieux accueilli ». Le président n’a pas oublié de souligner la beauté esthétique qui se conjugue harmonieusement avec une nécessité d’ordre technique.
Cette image ne prouve-t-elle pas que modernité et patrimoine font bon ménage ? Les objectifs sont atteints, tant le nombre de visiteurs persiste, malgré la crise touristique consécutive aux attentats survenus sur notre sol. Ainsi, la géographie du lieu est amenée à évoluer avec prudence mais force, dans un souci constant de garder l’authenticité du lieu et offrir des commodités praticables et sécurisées. Les priorités de 2017 sont différentes que celles de 1682, année où la cour s’installe définitivement à Versailles.
Augustin Mari, HK 2017-2018, Sainte-Marie Lyon