Olivier FAURE

Les Français et leur médecine au XIXe siècle

Paris, Belin, 1993

Fiche réalisée par Solène Eymaron, étudiante en Khâgne au lycée Claude-Fauriel en 2011-2012.

Processus amorcé par les Lumières au XVIIIe siècle, c’est au cours du XIXe siècle que les Français se familiarisent véritablement avec la médecine scientifique, qui devient peu à peu un élément indispensable de la vie quotidienne des riches comme des pauvres. C’est justement ce « processus » qu’Olivier Faure décrit, en montrant dans une première partie qu’une réelle « demande de la santé » émerge de plus en plus distinctement du peuple, puis en étudiant le système de santé qu’engendre une telle demande.

En effet, longtemps restés « terrés » dans leurs croyances ancestrales, ce n’est qu’à l’aube du XIXe siècle que les Français commencent à s’intéresser réellement aux sciences médicales, et ainsi à leur propre santé. Dès le début du siècle, l’État, afin de répondre à cet intérêt croissant, attribue le monopole médical à deux ordres de médecins : c’est la loi de Ventôse (1803). Les docteurs, coûteux et surtout présents en ville, et donc auprès des classes aisées, se distinguent alors nettement des officiers de santé qui, moins bien formés et donc moins coûteux, sont plus présents en campagne et auprès des plus pauvres : une « médecine à deux vitesses » se met en place. Le plus important est d’être soigné, et non pas forcément d’être « bien soigné ». C’est dans ce contexte de précipitation à trouver un « personnel soignant » en nombre suffisant pour le « peuple réclamant », que vont apparaître charlatans et guérisseurs de toutes sortes. Les plus célèbres sont les guérisseurs ambulants qui, annoncés par des affiches tapageuses aux slogans hyperboliques, s’installent temporairement dans une ville pour apporter des remèdes « miraculeux » mais inefficaces aux aveugles, aux sourds, etc. Ces charlatans, pourtant illégaux, sont souvent tolérés par les autorités pour qui la priorité est de satisfaire un peuple réclamant toujours plus de remèdes à leurs maux divers. Cette « volonté générale » va également se traduire par une explosion du succès du médicament, vendu partout : officines, drogueries, épiceries… Les pharmaciens connaissent ainsi un triomphe encore plus fulgurant que celui connu par les médecins dont le vocabulaire complexe et les pratiques douloureuses (telles que la saignée par exemple) font souvent peur aux Français.

C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle le nombre de sages-femmes s’accroît autant au XIXe siècle. Intermédiaires entre les médecins et les officiers de santé, elles étudient non seulement l’obstétrique, mais aussi des notions supplémentaires, comme panser et vacciner. L’avantage de ces sages-femmes est qu’elles sont « proches du peuple, mais frottées de médecine officielle » (p. 21), s’attirant ainsi la confiance des habitants du village dans lequel elles s’installent. De plus, elles exercent souvent là où les médecins, trop peu nombreux, sont absents. Elles ont donc une importance capitale puisqu’elles permettent au peuple d’avoir accès à une médecine à laquelle il a confiance et qui n’est pas charlatanerie. Les religieuses, encore plus nombreuses que les sages-femmes, détiennent elles-aussi un rôle extrêmement important : même si leurs connaissances médicales sont loin d’être irréprochables, elles apportent un réconfort moral et quelques secours techniques aux nombreux malades qui n’ont pas les moyens d’accéder à un « professionnel », manifestant ainsi les « vertus chrétiennes de Charité et de Compassion » (p. 32).

Au cours de son ouvrage, Olivier Faure va cependant mettre en évidence la prise de conscience des Français qui comprennent peu à peu que soigner, par le biais des médicaments ou des techniques médicales diverses (opérations chirurgicales, etc.), ne suffit pas : « il vaut mieux prévenir que guérir ». C’est la naissance de l’hygiène, et l’avènement d’autres techniques préventives comme la vaccination, et ce d’autant plus avec la menace du choléra qui pèse sur la France entre 1831 et 1854. La vaccination va notamment nécessiter une organisation administrative colossale, et la mobilisation des hôpitaux, des médecins, des bureaux de bienfaisance, etc. Les Français comprennent peu à peu l’intérêt du vaccin, phénomène accentué avec les découvertes pasteuriennes. Le peuple a également beaucoup à apprendre de l’hygiène qui apparaît comme l’ultime phase de la révolution sanitaire du siècle. La France doit en effet rattraper le retard qu’elle a prit par rapport aux pays voisins : son taux de mortalité est plus élevé, et les naissances sont de moins en moins nombreuses, ce qui fait peur à la veille de la guerre. L’hygiène devient une mesure incontournable. Et si certaines de ces nouvelles mesures, qui viennent souvent troubler les habitudes quotidiennes (précautions alimentaires, isolement en cas d’épidémies contagieuses, etc.) sont mal perçues par les Français, l’une d’elle connaît un accueil triomphal : la désinfection.

Mais qu’il s’agisse de la médicalisation, des consultations chez le médecin ou des techniques de prévention, le problème est le même : l’État doit permettre aux plus pauvres d’accéder aux avancées médicales du siècle, et, donc, trouver un moyen de financer celles-ci. Des systèmes de médecine gratuite sont mis en place dans 38 départements en 1861. Après un bref succès, ce système sera rapidement en déclin car les subventions de l’État sont de plus en plus maigres, d’autant plus que les malades coûtent de plus en plus cher. Ce n’est qu’en 1893 qu’une loi permet « à tout Français malade privé de ressources de recevoir gratuitement l’assistance médicale à domicile ou à l’hôpital » (p. 171). Les sociétés de secours mutuels, qui reposent sur l’épargne populaire, ont de plus en plus de succès : c’est le début de notre système de santé actuel.

A travers cet ouvrage, Olivier Faure dresse donc le tableau d’un siècle en pleine mutation. Il montre comment les Français réagissent et s’organisent face à des fléaux tels que le choléra ou la tuberculose.

– Compte rendu réalisé dans le cadre de la préparation du concours de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, suite au colloque organisé au lycée Claude-Fauriel, en octobre 2011, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (EN3S) et le Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale (CHSS).

– Compte rendu publié dans F. Thénard-Duvivier (coord.), Hygiène, santé et protection sociale de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Ellipses, 2012 : extrait et sommaire.