AFGHANISTAN et PAKISTAN depuis 1979

Introduction

Remarque préliminaire : la Ligne Durand est le nom donné à la frontière entre l’Afghanistan et l’Empire indien britannique, établie le 12/11 1893 par un accord entre l’émir Abdur Rahman Khan et sir Mortimer Durand représentant l’Empire britannique. Elle divise artificiellement des tribus pachtounes qui partagent la même langue et la même organisation sociale ; de ce fait elle s’avère difficile à contrôler. C’est la première raison pour laquelle il est très difficile de séparer Afghanistan et Pakistan.

SITUATION de 1971 à 1979

En décembre 1971 une guerre sanglante sépare Pakistan Occidental et Pakistan Oriental.
Le Pakistan Oriental devenu Bangladesh déclare son indépendance le 17/12 et s’allie à l’Inde.
Le 20/12 Ali Bhutto, fondateur du PPP (Parti du peuple Pakistanais) prend le pouvoir jusque 1977.
Il y a deux axes : Pakistan/Etats-Unis/Chine contre un axe Inde/U.R.S.S./Bangladesh.
En 1977, l’armée prend le pouvoir au Pakistan; et Zia-Ul-Haq condamne à mort et fait pendre Ali Bhutto le 4 avril 1979.
Ces 2 pays sont liés depuis l’invasion par l’U.R.S.S. en décembre 1979 de l’Afghanistan.
En effet l’Afghanistan est l’arrière-pays du Pakistan, qui en a besoin pour affronter le géant indien.
Dans la revanche de la géographie Robert Kaplan, en 2014, considère que le Pakistan est une chimère géographique mais qu’il fait sens en tant que « territoire intermédiaire entre les civilisations indienne et moyen-orientale ».

Quant aux États-Unis, ils ont besoin du Pakistan pour contre-attaquer en Afghanistan; d’où la naissance de l’acronyme AFPAK,donné en 2008-2009 par l’administration américaine à la zone conflictuelle qui comprend l’Afghanistan et déborde sur le Pakistan.
Le 15/12 1979, 1500 parachutistes soviétiques occupent déjà la base de Bagram. Le Pakistan pro-américain se sent menacé !

 

I – AFGHANISTAN et PAKISTAN pendant la Guerre Froide 1979/1989

 

1)Invasion de l’Afghanistan par l’U.R.S.S.Pour avoir accés aux mers chaudes, fantasme de la géopolitique soviétique, Léonid Brejnev, le 24 Décembre 1979, lance l’Opération Bourrasque 333, avec la 105ème division aéroportée et 40.000 hommes. C’est la première invasion directe de l’Armée Rouge depuis 1945. A Paris, Georges Marchais, premier secrétaire du PCF, approuve cette libération du pays.
L’objectif de l’URSS, après l’invasion de l’Afghanistan était de prendre le Pakistan, pour avoir accés à l’Océan Indien. Mais après la présidence faible de Jimmy Carter (janvier 1977/janvier 1981), qui ne sait que boycotter les J.O. De Moscou en 1980, et échouer dans un embargo sur le blé, car Argentine, Australie et France vendront le blé dont l’U.R.S.S. a besoin, le président Ronald Reagan (janvier 1981/janvier 1989) lance un slogan fameux : « America is back ! ».

2)La réponse des Etats-Unis de 1981 à 1987.Cela va amener les États-Unis, via le Pakistan, à armer les « freedom fighters » afghans, dont un certain Oussama Ben Laden travaillant pour la CIA et les Saoudiens.

Les Mudjahidine (combattants du Djihad) sont donc les premiers « Frankenstein » des Américains.
En octobre 1984, les Américains leur fournissent des roquettes et des mortiers. A l’automne 1986, ils leur donnent des missiles Stinger, missiles Sol/Air qui permettent d’abattre les hélicoptères soviétiques.3)Le tournant : 1988 et 1989.Le 17 août 1988, Zia-Ul-Haq meurt dans un accident d’avion. Benazir Bhutto, fille d’Ali, prend alors le pouvoir jusqu’en août 1990. De 1993 à 1996, elle est à nouveau au pouvoir mais elle finit destituée et s’exile à Dubaï et à Londres.Mais en février 1989, les Soviétiques quittent l’Afghanistan.Selon les statistiques officielles, la guerre afghane a coûté la vie à 15.400 soldats et officiers soviétiques et il y a eu 75.000 bléssés.
C’est le « Vietnam » de l’U.R.S.S. et le début de la fin de la guerre froide qui se confirmera par la chute du mur de Berlin le 9/11 1989.

II – Un Afghanistan déchiré entre Talibans pro-pakistanais et Massoud. 1989/2001

La prise de Kaboul par les mudjahidines le 16 Avril 1992 ne met pas fin à la guerre civile qui dure jusque 1996.
A partir de 1996, le pays sera déchiré entre les Talibans qui occupent presque tout le territoire et les forces du commandant Massoud, réfugiés dans une vallée montagneuse : le Panshir, d’où son surnom de « Lion du Panshir ».1) Les Talibans.
Au départ ce sont des étudiants dans des madrasas (écoles coraniques), ils sont créés au Pakistan en octobre 1994, ils sont formés et financés par les services secrets et l’armée pakistanaise qui tiennent à l’arrière pays afghan.Leur financement: l’Afghanistan est le 1er producteur d’opium avec 70% de la production mondiale.
Sous les Talibans, en 1999, on atteint le maximum avec 4500 tonnes d’opium.
D’ailleurs s’ils interdisent sa culture en 2001, c’est uniquement pour écouler les stocks des années précédentes et ne pas faire baisser les prix mondiaux…Avec Hamid Karzaï, dont le demi-frère est un « parrain » de la drogue, on passe de 3400 tonnes en 2002 à 4100 tonnes en 2005. L’invasion américaine d’octobre 2001, n’a donc en rien ralenti la production, bien au contraire…Leur leader: c’est le mollah Omar de 1994 à sa mort en avril 2013. Il protégera et soutiendra Oussama Ben Laden.Les Pachtounes, 42% de la population ont vu naître le mouvement des talibans de 1994 à 1996, soutenus par le Pakistan et par les Etats-Unis jusque 1998 au moins. Ils tiennent plus de 75% du territoire. En septembre 1996, ils prennent Kaboul.Attention ! Les Pachtounes existent aussi dans les zones tribales du Pakistan, ils représentent 10 à 12% de la population pakistanaise. De par et d’autre de la frontière, ils se soutiennent.2) L’Alliance du Nord.Dans l’opposition de l’Alliance du Nord, on trouve les 27% de tadjiks dont le chef est le commandant Massoud et les 9% d’ouzbeks dont le chef est le général Dostom. Ils ne tiennent que 25% du territoire afghan en 1997.3) Le général Musharraf (1999/septembre 2001).

Le 12 Octobre 1999, Musharraf fait un coup d’état et prend le pouvoir jusque 2008. Il sera le ferme soutien des talibans de 1999 à septembre 2001.
Il y aura alors 2 Axes : un axe Pakistan/Arabie Saoudite/Etats-Unis contre un Axe Russie/Iran/Inde.
La Chine/Bangladesh/Birmanie est un troisième groupe neutre.

III – Le renversement d’alliance des États-Unis 2001/2017

Pourquoi les États-Unis lâchent ils le Pakistan et s’allient-ils aux troupes de Massoud et à l’Inde ?1)L’assassinat de Massoud, le 9/09 2001 et les attentats du fameux 11/09 changent la donne ! Désormais les Américains se méfient des Pakistanais. L’alliance Talibans/Pakistan/Etats-Unis vole en éclats; George W Bush s’allie aux troupes de Massoud (décédé) qui s’appelle l’Alliance du Nord, composée surtout d’ouzbeks et de tadjiks. Voir carte des ethnies en Afghanistan.
La Nouvelle Alliance va être Inde/Etats-Unis/Hamid Karzai; et le Pakistan va se tourner vers la Chine, la Birmanie et le Bangladesh de plus en plus.D’octobre 2001 à octobre 2007, Musharraf lâche les Talibans « officiellement » et soutient la guerre anti-terroriste des Etats-Unis. Malgré cela les Talibans reviennent en force, ils contrôlent environ 25% du territoire afghan en novembre 2007 et environ 33% fin 2008.2)L’assassinat de Benazir Bhutto.(décembre 2007). Le 18/10 2007 Benazir rentre d’exil et est victime le jour même d’un attentat qui fait 130 morts, mais dont elle sort indemne. Musharraf ne la protège pas et elle meurt dans un second attentat, le 27/12 2007, qui fait 13 morts. On accuse les services secrets pakistanais de l’avoir organisé.

Des élections ont lieu en février 2008, le PPP du clan Bhutto les gagne avec 30.6% des voix contre Musharraf qui perd avec 23% des voix. Le 18/08 2008, Musharraf démissionne et le mari veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari est élu président de la République le 8/09 2008 avec 70.9% des voix.3)La liquidation de Ben Laden. (mai 2011). Le 2/05 2011, c’est d’ailleurs au Pakistan que Ben Laden est liquidé par 77 hommes des forces spéciales US, sous les ordres de Barack Hussein Obama. Le président Obama déclare : « Justice was done ! ». Conception plus que far-west de la justice punitive et expéditive. Même Saddam Hussein en 2003/2006 a eu droit à un procès !Le Pakistan n’est même pas averti que les Etats-Unis attaquent, c’est un « viol » de leur espace aérien; et cela prouve qu’Obama n’a plus aucune confiance dans le gouvernement pakistanais.

Pour l’armée pakistanaise, Zardari est sous influence américaine et brade la sécurité nationale.
Pour Zardari, l’armée est putschiste et anti-américaine primaire. Elle est un « Etat dans l’état » et il faut impérativement réduire son influence. Qui gagnera ce « bras de fer » ??

Le 9/09 2013, c’est la fin du mandat de Zardari. L’actuel Premier ministre Nawaz Sharif depuis le 5 juin 2013 à la suite des élections législatives de mai 2013 remportées par son parti, la Ligue musulmane du Pakistan. Il est le seul à avoir occupé ce poste trois fois. Mamnoon Hussain, un proche du Premier ministre, a lui été élu Président de la République en septembre 2013.

À la fin 2014, après la victoire du premier ministre Nawaz Sharif aux élections pakistanaises, celui-ci a commencé à négocier avec les taliban, poursuivant ce que le gouvernement du Parti du peuple pakistanais (PPP) avait commencé avant lui. Il a négocié avec les taliban pour mettre un terme à cette guerre longue, aux nombreuses victimes, coûteuse pour l’État, car se déroulant dans des zones tribales, à l’accès difficile et où les gens sont attachés à leur autonomie qui existait avant même la création du Pakistan.

Au Pakistan, l’armée et les services de renseignements jouent un rôle important sur le plan politique. Le chef de l’armée est Qamar Javed Bajwa depuis novembre 2016, et le chef des services secrets de l’Inter-Services Intelligence (ISI) est Naveed Mukhtar depuis décembre 2016.4) La liquidation par drone du Mollah Mansour.Le 13 août 2015, le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri annonce prêter allégeance au mollah Akhtar Mansour.

En novembre 2015, des combats éclatent entre les partisans de Mansour et de Mohammed Rassoul, qui lui dispute le titre de chef de l’organisation.
Il est annoncé comme tué le 21 mai 2016 à la suite d’une attaque de drones de combat américains dans une zone éloignée le long de la frontière du Pakistan et de l’Afghanistan.

Conséquence : le mollah Haibatullah Akhundzada, né en 1961, devient le chef des talibans le 25 mai 2016, à 55 ans.CONCLUSION :La guerre d’Afghanistan a coûté 800 milliards de dollars depuis octobre 2001 et 3500 morts pour l’OTAN dont 2400 américains, 453 anglais, 158 canadiens et 89 français.
En mai 2017, il y a toujours 8400 militaires US et une force internationale de 13.000 hommes.
Malgré toutes ces dépenses, les Talibans progressent, avec l’aide de l’ISI, le puissant service de renseignement militaire pakistanais. Ils contrôleraient 40% du territoire afghan.Enfin, il y aurait entre 40.000 et 45.000 combattants extrêmistes en Afghanistan, dont 30.000 talibans et 15.000 étrangers.

Peut-on négocier la paix avec des « talibans modérés » ? La position américaine est centrale : Les Etats-Unis ont largué jeudi 13 avril 2017 leur plus puissante bombe non-nucléaire, surnommée la « mère de toutes les bombes » en Afghanistan contre le groupe Etat Islamique.

Que fera par la suite Donald Trump ?

La réalité du continuum afghano-pakistanais est plus forte et complexe que jamais.Il y a là un théâtre de guerre, chevauchant une frontière mal définie, la ligne Durand. A l’ouest de cette frontière, l’OTAN et d’autres forces sont à même d’opérer. A l’est se trouve le territoire souverain du Pakistan. Mais c’est là que ce sont localisés le mouvement terroriste international al-Qaïda et d’autres organisations de même sorte.
Lorsqu’on parle d’Afpak, on souligne le caractère fondamentalement tribal, plus que national, des deux pays. Les deux conflits successifs, en 1979/1989 et en 2001/2017,auxquels ces pays ont été confrontés n’ont pas provoqué de cristallisation nationale, et la construction d’un Etat moderne n’a pas beaucoup progressé ni en Afghanistan, ni au Pakistan.

La position russe est plus complexe :

Bien que les relations russo-pakistanaises se soient réchauffées suite au rapprochement indo-américain, il est fort probable qu’après le départ de l’OTAN, la Russie continuera de soutenir, comme ce fut le cas par le passé et plus récemment avec l’Inde et l’Iran, un régime politique fortement dominé par les minorités tadjikes, ouzbèkes et turkmènes plutôt qu’un régime consacrant le retour des talibans, majoritairement pachtounes, et de leurs protecteurs pakistanais.

 

La position indienne est la suivante :

Le 4 octobre 2011, l’Inde et l’Afghanistan ont signé un accord de partenariat stratégique. Leur alliance vient clairement prendre en tenaille le Pakistan. Elle n’est pas qu’une coquille vide puisque l’Inde contribue depuis peu au budget de formation de l’ANA et se propose de former dans ses écoles d’officiers des cadets afghans. Le Pakistan y perd sa profondeur stratégique et y gagne la menace d’un deuxième front en cas d’affrontement avec l’Inde.
En plus d’autres donateurs afghans, l’Inde a joué un rôle clé dans la reconstruction et le développement en Afghanistan durant l’ère post-taliban en offrant une assistance au développement de 2 milliards de dollars destinée aux infrastructures, à l’éducation, la santé ainsi que l’agriculture.La position pakistanaise s’y oppose:Le Pakistan, de son côté dépendant de l’assistance américaine et chinoise n’a jamais été en mesure d’offrir de contributions considérables à son voisin afghan. Le Pakistan s’est néanmoins montré méfiant envers ce rôle actif de l’Inde et s’efforce de jouer son propre jeu. Effrayé à l’idée d’être encerclé par l’Inde sur ses arrières afghans, Islamabad s’efforce de contrôler les Talibans afghans ainsi que ses propres Talibans et agit en sous-main à Kaboul. Il le fait par l’intermédiaire de son service spécial l’Inter-Services Intelligence (ISI) qui, effectivement, pèse d’un grand poids, depuis les origines, dans la genèse de la crise afghane. Le Pakistan est, de toute façon, bien plus favorisé que l’Inde pour envisager une action en Asie centrale : son potentiel « sunnite » est réel dans ces pays d’islam fervent que sont l’Ouzbékistan, le Tadjikistan .

Un succès des talibans, militaire ou politique, ne constituerait ainsi qu’une victoire illusoire pour le Pakistan : la contestation afghane et pachtoune de la ligne Durand persistera. À terme, un succès des taliban pourrait même se transformer en revers pour Islamabad : à force d’entretenir la porosité de la ligne Durand comme condition de réussite de sa stratégie, le Pakistan a permis aux taliban – c’est-à-dire à des Afghans – de réinvestir les zones tribales pakistanaises et le Baloutchistan. C’est là le grand paradoxe de la stratégie pakistanaise : souhaitant protéger son intégrité territoriale et garantir la pérennité de sa frontière occidentale, le Pakistan a en fait participé à l’effacement symbolique et à l’affaiblissement de la ligne Durand, désormais plus contestée que jamais.On rappellera que le Pakistan, dans le livre de Samuel Huntington sur le Choc des Civilisations, était le responsable d’une attaque nucléaire qui pouvait déboucher sur une troisième guerre mondiale. Il est, pour lui, le symbole d’un islam agressif et rétrograde, qui d’ailleurs ne contrôle absolument pas ses naissances…