Jacques Boquet, ingénieur à la retraite. Passionné d’ornithologie. En faisant des recherches aux États-Unis, il s’est rendu compte que les archives présentaient de nombreux villages Landais. Par curiosité il s’est penché dessus et c’est ainsi qu’il a découvert l’ampleur du rôle des forestiers dans la Grande Guerre et notamment dans la forêt Landaise et dans les Vosges.

 Les forestiers étaient surtout composés d’Etats-uniens et de Canadiens

Petits rappels: le 1er février 1918 marque le début d’une guerre sous-marine à outrance, 7659 bateaux de toutes nationalités sont coulés ou mis hors d’usage. En 1915, le Tuscania est coulé, 125 américains meurent, cela est décisif dans la décision des Etats-Unis de s’engager dans le conflit mondial. En 1918, les forces allemandes coulent le 6e bataillon du génie forestier, ce sont les seuls forestiers qui périssent dans des conflits armés.

Anecdote: En Octobre 1918, le Cazengo, un navire portugais fait naufrage au large de Biscarosse, ce cargo était plein de bouteille de Porto qui s’échoue sur toute la côte landaise, un forestier américain écrit: « Le naufrage d’un bateau portugais transforme la plage en bar. » Il paraît que les forestiers américains présent dans les Landes se sont précipités sur les plages afin de faire le stock d’alcool, alcool interdit par la prohibition aux Etats-Unis.

Le 6 avril 1917, les Etats-Unis entrent en guerre, l’Etat pour cela crée en mai 1917, 32 camps de préparation afin de renforcer l’armée qui était extrêmement faible et de préparer les soldats à combattre. Un camp est crée à Washington pour exclusivement former des forestiers. Les troupes sont alors acheminées vers l’Europe grâce à des navires allemands saisis dans les ports américains. C’est le cas du Leviatan, ce bateau a une capacité de 4000 hommes mais en a transporté 12000. Cela pose la question des conditions des voyages et révèle la force navale allemande qui avait déjà une flotte performante et moderne. Toutes les troupes américaines partent de New-York.

Le 26 octobre 1917, les premiers forestiers arrivent dans les Landes, à Pontenx-les-Forges. Un autre régiment arrive le 25 janvier 1918 à Mimizan.Ils arrivaient dans les Landes grâce aux chemins de fer car les routes n’étaient que très peu praticables et le voyage trop long. Ils utilisaient sur les chemins de fer les voitures « Pullman », aussi appelées « 40 hommes ou 8 chevaux ».

Avant la guerre, la France était une grande importatrice de bois, mais avec l’éclatement de la guerre, les importations étaient bloquées, il fallait donc exploité les forêts françaises. Les plus vastes forêts disponibles étaient les Vosges et les Landes. Le 3 mai 1917 est crée le Comité franco-britannnique des Bois de guerre afin de suppléer au manque qui se faisait ressentir. Le bois était essentiel pour les constructions de routes ou d’autres infrastructures, dans les tranchées mais aussi essentiel pour chauffer l’ensemble des soldats. C’est ainsi que le R-U et la Fr ont décidés de faire appel aux forestiers Américains et Canadiens qui sont réputés pour avoir des techniques bien plus modernes qu’en Europe. Alors, 101 compagnies sont envoyés en Europe : 41 aux R-U et 60 en France dont 14 compagnies dans les Landes dont 9 dans les pays du born (Parentis-en-Born, Ste-Eulalie-en-born,St-Paul-en Born)

D’ailleurs, le Général Pershing demande l’envoi urgent de forestiers avant tout envoi de troupes en Europe. Cela révèle que la logistique est parfois plus important que le front, le front dépend de la logistique, et ce sont les Etats-Unis qui assurent cet apport logistique. C’est ainsi que 19753 hommes sont envoyés en France pour l’exploitation des bois. Ce sont surtout des volontaires âgées de 18 à 21 ans et de 31 à 40ans. Il y a aussi des appelés des métiers liés au bois âgés de 21 à 31 ans selon les quotas et ils doivent nécessairement être blanc . Les officiers sont 25% des experts en foresterie, 25% des officiers militaires et 50% des spécialistes en scieries et en exploitation forestière.

Pourquoi avoir choisi les Landes? Dans les Landes, il y a des bois en quantité, c’est une zone éloignée du front, il y a une proximité de grands axes de communication, l’approvisionnement en eau est facilité et le réseau ferré est de bonne qualité. Dans le district de Mimizan, 150000 arbres ont été coupés, dans celui de Pontenx, 400000 et au total dans les Landes 1 425 309 arbres ont été coupés. Les forestiers Américains ont apportés avec eux de nouvelles techniques comme l’utilisation de la scie « passe-partout » et l’utilisation de machine à vapeur pour remorquer les rondins imposants des pins. Cela s’oppose totalement aux techniques ancestrales des résiniers Landais et révèle un véritable processus d’américanisation.

La vie dans les camps est très difficile pour les soldats. Le climat est très compliqué, il ne cesse de pleuvoir, ce qui rend les terrains encore plus humides. Cela pousse les forestiers à innover et à améliorer leur campement. Ils créent de nouvelles tentes avec au centre un poêle Sibley, des planchers en bois et des structures résistant au vent. Les sources écrites des forestiers Américains révèlent une véritable amitié entre les Landais et les Américains. Les jeunes enfants étaient en admiration devant les soldats qui leur apprenaient à jouer au Basket ou au Baseball. Les soldats ont véritablement importés eur culture dans les Landes, ils fêtent même le 4 juillet dans les rues de Mimizan. Ce mélange de culture est aussi souligné par des mariages mixtes comme Balzer(USA) avec Duverger ou Baillie(USA) avec Dubrana. Par ailleurs, les soldatz, s’ils ne sont pas morts au combat ont été décimés par des épidémies et notamment par la grippe espagnole. Une trentaine de bûcherons en ont été victimes.Il y a aussi un retour d’expérience qui est très intéressant. Effectivement, les chefs du Service National des Forêts Américaines, Graves & Greeley, ont préparés et fait adopter des lois en faveur de la préservation et de la gestion des forêts sur le même modèle que celui des Landes.

Un Général Américain conclut que « menacée de destruction, la France a été sauvée par sa sylviculture. » Pourtant, 75% des bois exploités dans les Landes n’ont pas été plus loin que Bordeaux et que La Rochelle.

« Il y a 100 ans … des Forestiers Américains dans les Landes »