Scarlett Beauvalet-Boutouyrie

Naître à l’hôpital au XIXe siècle

Paris, Belin, 1999

Fiche réalisée par Romane Coutanson, étudiante en Khâgne au lycée Claude-Fauriel, 2011-2012.

Scarlett Beauvalet-Boutouyrie part d’un exemple particulier, celui de l’Hospice de la Maternité (actuelle maternité de Port-Royal) pour expliquer la naissance à l’hôpital au XIXe siècle. Elle en explique les conditions déplorables en matière d’accueil et d’accouchement tout en montrant aussi l’évolution de ce dernier en établissement médicalisé, assurant la meilleure sécurité des couches.

L’ouvrage se compose de trois parties qui visent à montrer en quoi l’« histoire de l’accouchement hospitalier, est le passage d’un acte gratuit mais mortel à un geste salvateur » (p. 12). S. Beauvalet rappelle la nouvelle attitude face à la naissance qui s’est opérée au cours du XVIIIe siècle. Elle découle d’une conception de la vie qui se soucie davantage du bien-être de l’individu en refusant progressivement la fatalité de la mort ou de la maladie. Craignant la dépopulation, les pouvoirs publics prennent conscience de la nécessité de sauvegarder l’individu dès sa naissance. Ainsi, ils affirment au XIXe siècle la volonté de médicaliser l’accouchement pour assurer la survie de la mère et de l’enfant. La santé devient donc une priorité et un devoir. L’auteure suit la concrétisation de ces idées au travers de l’histoire de la maternité citée car l’étude de ses fonctions d’assistance, d’enseignement et de soin permet de mieux cerner les mécanismes intimes de la mutation hospitalière au XIXe siècle.

L’évolution de l’Office des accouchées aboutissant à l’Hospice de la Maternité montre la mise en place d’un établissement spécialisé, novateur et expérimental. En effet, au début du XIXe siècle, seules les femmes indigentes se résolvent à accoucher à l’hôpital car malgré la gratuité, les conditions sont déplorables (manque d’hygiène, méconnaissance des moyens de contagion et de traitement des fièvres puerpérales) et donnent lieu à une forte mortalité et mortinatalité (enfants morts-nés) jusqu’en 1871 ; elle peut dépasser les 20% en période épidémique alors que le risque encouru à domicile est de 1%. D’emblée, le nouvel établissement se définit comme modèle expérimental. En plus d’un service d’obstétrique, on profite de la présence des femmes pour former des sages-femmes et des élèves en médecine par la mise en place d’un enseignement clinique et d’une école. Elle fait donc fonction de « laboratoire » de recherches où les techniques et les méthodes nouvelles s’éprouvent. Elle a aussi pour but de limiter la mortalité des enfants trouvés (par le recours possible à l’anonymat, ce qui montre que la Maternité est utilisée comme un asile). Pour financer leurs frais de séjour, leur sont distribués des travaux ménagés considérés comme un moyen de redressement et de réinsertion, l’asile entreprenant ainsi de socialiser les femmes.

La Maternité est aussi le modèle d’un combat pour la santé par une volonté d’hygiène. Dès les années 1950, en tant « qu’institution pilote », la Maternité se trouve au cœur des débats sur les causes de l’excessive mortalité maternelle en milieu hospitalier. S. Beauvalet note l’importance de Stéphane Tarnier, son directeur dès 1867 qui est l’un des principaux artisans de la réforme des maternités. Les résultats encourageants de son projet d’une maternité modèle est renforcé par les découvertes des chirurgiens sur les germes, notamment ceux de Pasteur. La laborieuse mise en place de diverses mesures prophylactiques et antiseptiques (un médecin allemand, Ignace Philippe Semmelweis, oblige ses étudiants à se laver les mains avant tout accouchement) permet de commencer à lutter efficacement. Il est reconnu que la fièvre puerpérale est éminemment contagieuse, par tiers ou instruments ou par l’air ambiant. L’asepsie, centrée sur ces derniers permet de vaincre la maladie en 1879.

L’enseignement dispensé améliore les conditions d’accouchement, ce qui à long terme incite les femmes à accoucher à l’hôpital. La Maternité est en effet la première école nationale d’accouchement, proposant un enseignement clinique au lit des parturientes, se faisant ainsi le symbole de l’association, encore rare à l’époque, de l’étude théorique de la médecine et de la pratique clinique. Véritable modèle pour les écoles départementales, l’établissement est admiré et copié par de nombreux pays européens. Grâce à la formation délivrée, les sages-femmes peuvent accéder à un réel savoir théorique, et donc à une valorisation de leur statut dans le domaine médico-social qui comporte un rôle moral et social important (car elles sont proches des populations et on a ainsi leur confiance). Leur enseignement associe théorie et pratique en privilégiant la non-intervention et l’observation. La formation des élèves commence dès l’arrivée des femmes à la Maternité, par l’apprentissage des soins et les attentions à donner aux femmes avant l’accouchement et par la pratique de l’accouchement par chaque élève.

Les mutations de l’accouchement à la Maternité furent donc nombreuses en un siècle ouvrant ainsi ses portes à des couches plus favorisées de la population. En 1900, un peu plus du tiers des naissances se déroulent à l’hôpital. Cette évolution rendue possible par la « victoire » sur la fièvre puerpérale, qui a entraîné la transformation de l’hôpital en lieu véritablement médicalisé, devenant le plus propre à assurer la sécurité de la mère. Mais cette victoire n’aboutit pas au seul triomphe des maternités. Elle préfigure le modèle de l’hôpital pour toutes et tous, l’obstétrique ayant joué un rôle pionnier dans cette transformation car l’accouchement fut le secteur principal d’application et d’innovation médicale, notamment de la médecine clinique au milieu du XIXe siècle.

– Compte rendu réalisé dans le cadre de la préparation du concours de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, suite au colloque organisé au lycée Claude-Fauriel, en octobre 2011, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (EN3S) et le Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale (CHSS).

– Compte rendu publié dans F. Thénard-Duvivier (coord.), Hygiène, santé et protection sociale de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Ellipses, 2012 : extrait et sommaire.