La fiche de lecture du vaste ouvrage L’age d’or capétien dans la collection « Histoire de France » des éditions Belin. Une somme, très pratique pour commencer à entrer dans la question d’histoire médiévale-moderne.
Elle peut être accompagnée, afin d’élargir la maîtrise de la chronologie du sujet, à une fiche sur l’Italie, les îles britanniques et les Espagnes au Moyen-Age et d’une fiche sur l’Atlas de la France médiévale: hommes, pouvoirs et espaces, du Ve au XVe siècle (Antoine Destemberg – Fabrice Le Goff, Guillaume Balavoine.
Chapitre 1 : Temps nouveaux: le règne de Philippe Auguste (1180-1223)
La grande époque de l’architecture gothique correspond au règne de Philippe Auguste. Alors s’achèvent les cathédrales de Laon et de Paris et commence la construction des cathédrales de Chartres, Bourges, Soissons, Rouen, Amiens ou Reims.
En 1204 en effet, Philippe II choisit une titulature nouvelle. Au titre de «roi des Francs», rex Francorum, il substitue celui de rex Franciae, «roi de France», évolution significative d’une mutation fondamentale : l’autorité royale a dorénavant pour base un territoire.
Héritages
Le futur Philippe II naît le 21 août 1165 à Gonesse. On le surnomme «Dieudonné». C’est un enfant du miracle. Antérieurement en effet, les épouses successives de Louis VII ne lui ont donné que des filles. C’est le cas d’Aliénor d’Aquitaine, dont il a divorcé pour d’autres raisons, celui de Constance de Castille, qu’il a épousée en 1154, et puis celui d’Adèle de Champagne, son épouse depuis 1160.
Après cinq années de mariage, celle-ci accouche d’un garçon au soulagement et à la satisfaction du roi. Jusqu’à lui, en effet, les Capétiens ont toujours eu des héritiers mâles qui leur ont survécu. Il sort de l’ombre le jour de la Toussaint 1179, lorsque son oncle maternel, l’archevêque Guillaume aux Blanches Mains, procède à son sacre dans la cathédrale de Reims, car il se trouve majeur, ayant quatorze ans révolus, et son père est paralysé depuis deux mois. Louis VII décède l’année suivante, le 19 septembre 1180.
Son héritage s’avère largement positif. Sous son règne, la monarchie a commencé de construire un Etat, en utilisant les ressources du système féodo-vassalique, qui se trouve entièrement territorialisé. Tout baron relève désormais du roi, non en vertu d’une fidélité personnelle, mais en raison de la situation de ses terres, de ses fiefs dans le royaume. Suger, abbé de Saint-Denis, sanctuaire fondamental de la monarchie, a développé l’idée qu’il existe une pyramide féodale, qui, de fief en fief, conduit à son sommet, occupé par le roi, qui n’est le vassal de quiconque et ne prête hommage à personne. Une pyramide aussi régulière n’existe pas dans la réalité, mais la théorie de Suger montre que la monarchie s’appuie sur les liens féodaux pour asseoir l’idée d’une suzeraineté royale proche de la souveraineté. L’État monarchique se construit ainsi, non pas contre la féodalité, mais en ordonnant celle-ci et en la contrôlant.
Henri II Plantagenêt lui a prêté hommage pour l’ensemble de ses terres en 1151. En juin 1155, à Soissons, Louis VII a également édicté une ordonnance de paix pour tout le royaume. Et puis, autant par sa vie personnelle qu’avec l’appui de Saint-Denis, il a fixé sur sa dynastie une auréole religieuse, d’autant qu’il a pris l’initiative de participer à la croisade. En outre, la monarchie contrôle une vingtaine d’évêchés, dits royaux. Le roi les gouverne et en perçoit les revenus en cas de vacance du siège épiscopal ; l’élection d’un nouveau titulaire
Il peut se faire sans son autorisation et le résultat de celle-ci se trouve soumis à son approbation.
Louis VII laisse cependant son fils face à un contentieux redoutable. D’une part, le conflit avec le Plantagenêt, dont les domaines sont immenses comparés au domaine royal, demeure latent. D’autre part, les maîtres des deux régions les plus riches du royaume, la Flandre et la Champagne, tendent à l’autonomie dans leurs terres et cherchent par ailleurs à contrôler le pouvoir royal.
Une décennie difficile (1180-1190)
Dans la phase terminale du règne de Louis VII, la famille de Champagne, celle de la reine Adèle, exerce une influence dominante. Pour la contrebalancer, Philippe enlève le sceau à son père, totalement invalide, et s’appuie sur son parrain, le comte de Flandre, Philippe d’Alsace. Ce dernier marque un point lorsque, le 28 avril 1180, il fait épouser au jeune roi sa nièce, Isabelle de Hainaut. La dot de la nouvelle reine, couronnée en mai à Saint-Denis, correspond au futur comté d’Artois. Les Champenois cherchent alors l’appui d’Henri II Plantagenêt, fort heureux de s’introduire dans le jeu en tenant le rôle d’arbitre. Le traité de Gisors (28 juin 1180) renouvelle la paix entre les rois de France et d’Angleterre, qui concluent une alliance offensive et défensive.
Les hostilités se déroulent conformément aux usages de la guerre médiévale : les victimes principales en sont les paysans, dont on pille les biens et ravage les cultures. Les belligérants évitent les sièges longs et les batailles rangées. Il reste que la guerre coûte cher en matériel et en soldes. L’expulsion des juifs, décrétée en avril 1182, qui s’accompagne de la saisie de leurs biens, apparaît au premier chef comme un moyen de financer en partie l’effort de guerre
La coalition se disloque au fil du temps et, par le traité de Boves (juillet 1185), le comte de Flandre reconnaît au roi l’expectative de l’Artois, du Vermandois et d’Amiens; il en résulte un gain futur très considérable pour le domaine royal. Alors, Rigord, son biographe, confère à Philippe II le titre d’Auguste, qui dérive du latin augere, acccroître, augmenter: le roi est celui qui développe son domaine.
Flandre et Champagne désormais rabaissées dans leurs ambitions, le Capétien peut tourner son attention contre celui qui vient de lui faciliter la tâche: Henri II Plantagenêt, l’héritier des comtes d’Anjou. Ceux-ci se sont montrés particulièrement entreprenants dès le XIe siècle, et leurs successeurs ont eu de la chance : Geoffroy Plantagenêt, en épousant en 1128 Mathilde, la fille du roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc, a pris une option sur un fabuleux héritage, à savoir le royaume d’outre-Manche et le duché de Normandie, qu’il contrôle en 1144. Henri, fils de Geoffroy et de Mathilde, élargit en 1152 l’«empire Plantagenêt» par son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, titulaire du domaine des comtes de Poitiers, juste divorcée de Louis VII Le vassal paraît ainsi beaucoup plus puissant que son seigneur, le roi capétien, toujours confiné aux vieilles terres de son domaine. Cette impression se trouve encore renforcée si l’on compare le niveau de civilisation des deux cours : alors que le Plantagenêt entreprend la construction d’un véritable Etat avec une législation finalisée dans des codes de lois ou assises, avec un quadrillage administratif et judiciaire assuré par des sénéchaux, responsables chacun d’une circonscription aux limites arrêtées, le mode de gouvernement du roi des Francs semble infiniment plus fruste. Cet avantage comparatif résulte, pour partie, de la systématisation des pratiques ayant cours en Normandie, sans doute la principauté la mieux organisée dès le temps de Guillaume le Conquérant. Elles ont été perfectionnées en Angleterre lorsque, après 1066, il fallut tenir solidement le pays. S’y ajoute un raffinement culturel sans égal puisque la cour des Plantagenêts attire les talents de clercs comme de musiciens d’exception et entretient un milieu intellectuel brillant, dont Jean de Salisbury, l’auteur du Polycralicus, sans doute le premier ouvrage de science politique, n’est qu’une des illustrations.
Philippe peut porter la guerre sur les limites occidentales et méridionales de son domaine, soit principalement le Vexin, en bordure de la Normandie, et le Berry. En 1187 Philippe attaque, assuré qu’Henri II ne parviendra pas bien longtemps à contrôler les lionceaux sortis des flancs d’Aliénor d’Aquitaine, à savoir Richard, Geoffroy, le comte de Bretagne (qui disparaît dès 1186, tué lors d’un tournoi donné en son honneur par le roi à Paris) et Jean, le maître de l’Aquitaine, trois frères qui, de plus, se jalousent. Deux années durant, les chevauchées alternées traversent les frontières des dominations rivales ; elles ne connaissent pas de grands résultats sur le plan militaire, mais sont marquées parfois de combats violents impliquant cependant des effectifs limités ; bien souvent, elles sont suspendues par des trêves et des conciliabules entre belligérants, qui permettent au Capétien de nouer des relations privilégiées avec Richard, inquiet de voir son père sembler lui préférer Jean et, peut-être, même songer à le déshériter. En novembre 1188, ce même Richard rompt avec son père et porte son hommage à Philippe pour la Normandie et l’Aquitaine… qu’il lui reste néanmoins à saisir et contrôler.
Henri II refuse d’affronter les coalisés et fuit devant eux, voyant brûler Le Mans, sa ville natale, et ravager l’Anjou de ses pères; il se réfugie, presque seul désormais, à Ballon près de Tours, où il meurt le 6 juillet 1189. Richard hérite la totalité des droits et prérogatives du grand souverain défunt.
Au cours de ce même été, les maisons de Flandre et de Champagne s’affirment loyales envers leur seigneur ; elles s’efforçaient depuis quelque temps de jouer les médiateurs entre Capétiens et Plantagenêts afin que les hostilités prennent fin : c’est qu’en Terre Sainte, Saladin a écrasé les Latins à la bataille de Hattin en juillet 1187. La nécessité d’organiser une contre-offensive sous la forme d’une croisade pour sauver ce qui reste des États latins d’Orient s’impose comme une priorité absolue à tous les princes chrétiens ; elle postule au préalable l’établissement d’une paix universelle en Occident, ainsi que le rappelle le pape. Richard a, le premier, répondu à l’appel du «saint voyage», prenant la croix, à Tours, en novembre 1187 ; Philippe et Henri II, adjurés par le légat du pape et les envoyés de la Terre Sainte, la prennent à leur tour, avec évêques et barons, lors d’une entrevue à Gisors au début de 1188.
La disparition d’Henri II retarde un peu plus encore la concrétisation de son vœu de croisade : il est convenu que Richard et lui se dirigeront dans le même temps vers «l’héritage du Christ», mais Richard doit d’abord passer en Angleterre pour se faire couronner, reprendre en main son royaume, et organiser son gouvernement pour une absence qui promet d’être longue.
La première constitution écrite de la monarchie capétienne
Les terres conquises par le roi sur les Plantagenêts au cours de la décennie 1180-1190, se limitent à quelques fiefs sis dans le Berry, autour d’Issoudun. Toutefois, les assises de la royauté ont gagné en fermeté, ainsi que le démontre le document que l’usage qualifie de «testament de Philippe Auguste». Il s’agit de la première grande ordonnance capétienne comportant des dispositions valables pour l’ensemble du royaume. Elle entérine la structuration en cours du domaine, montrant qu’il existe déjà dans ce dernier une administration hiérarchisée et centralisée.
Il organise le gouvernement du royaume pendant qu’il accomplira son «pèlerinage» en Terre Sainte. La reine Isabelle étant décédée, la régence est dévolue à la reine douairière, Adèle de Champagne, et à son frère, l’archevêque de Reims, Guillaume aux Blanches Mains. Mais, pour les aider et les contrôler, le roi leur adjoint des personnages de son conseil privé, notamment Pierre le Maréchal, un grand officier, Guillaume de Garlande, un chevalier, et Adam, un clerc de sa chapelle. Le Trésor est confié aux Templiers et les clés en sont remises à Pierre le Maréchal et à six notables parisiens, qui ont également la garde du sceau royal.
Un nouvel officier royal apparaît dans cette ordonnance : le bailli, qui a reçu «le bail» des droits du roi, «dans les terres qui sont désignées par des noms particuliers». Ses fonctions sont précisées, ainsi que les limites de ses pouvoirs. Il rend la justice en des assises mensuelles et, seul le roi détient la capacité de le relever de sa charge. Il a le contrôle des prévôts, mais le jugement éventuel des délits commis par ces derniers appartient au souverain.
Philippe Auguste institue une haute cour de justice, aux sessions trimestrielles, qui étend son autorité à l’ensemble du royaume. Cette ordonnance témoigne des progrès considérables de l’administration monarchique et d’une première forme de centralisation, puisque tous les comptes sont rendus à Paris.
Surtout, Philippe Auguste confirme ou donne de nombreuses chartes de commune. Il poursuit, ce faisant, la politique de son père, Louis VII Ce dernier a favorisé la formation dans les villes de gouvernements autonomes, pour faire pièce au pouvoir des seigneurs et des prélats, en particulier dans les cités épiscopales.
Les villes dotées du régime communal avec l’appui du roi se trouvent ensuite sous le patronage de la couronne, ce qui élargit l’influence royale. Philippe Auguste favorise la multiplication des communes. Entre 1180 et 1190, il octroie 28 chartes à diverses communautés urbaines. Il en tire des revenus financiers, car chaque ville de commune s’engage à lui servir une rente annuelle; il y trouve des avantages militaires, puisque les villes avec leurs remparts puissants et leurs milices nombreuses représentent des points d’appui.
Fleurs de lis contre léopards: le printemps de l’État monarchique (1190-1200)
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