Cet article est tiré de la revue électronique VertigO qui traite de l’environnement et plus particulièrement dans ce numéro de Décembre 2014, de la transition énergétique. Michel Deshaies, géographe spécialiste de l’Allemagne et enseignant à l’Université 2 de Nancy, propose ici de se pencher sur le rapport de l’Allemagne aux énergies renouvelables. Il va analyser les différentes avancées de l’Allemagne mais aussi les nombreux inconvénients que pose la politique de transition énergétique, notamment à propos de l’inégale répartition des infrastructures mais aussi de l’inconstance de ces énergies.

La politique allemande sur les ressources énergétiques a pour but de supprimer le nucléaire pour 2022. Cela la mène à de nombreux aménagements mais aussi des quelques problèmes quant à l’intermittence des énergies renouvelables, l’acceptabilité des infrastructures ou encore le déséquilibre de la production.
Dans un premier temps, la mise en œuvre de la transition énergétique qui a commencée dans les années 1980 avec de nombreuses initiatives privées va se concrétiser avec l’arrivée de Gerhard Schröder en 1998 en programmant la cessation du nucléaire pour 2022. S’en suit une politique d’encouragement aux énergies renouvelables, dont les mesures vont s’accélérer suite à la catastrophe de Fukushima. Ainsi la création de centrales de gaz et de charbon se met en place pour palier à l’intermittence de ces énergies.
L’article traite dans un deuxième temps du déséquilibre entre les régions que provoque le développement de ces énergies. En effet, dans les régions du Nord, l’énergie éolienne est très présente et représente parfois plus de 50 % de la production électrique. Mais ce sont des régions rurales et peu peuplées tandis qu’au Sud, dans les régions urbaines, malgré le développement du photovoltaïque chez les particuliers, la part du renouvelable ne dépasse pas les 20 %. De plus, les énergies fossiles restent majoritaires car le mode de production du renouvelable reste instable, dépendant de nombreux facteurs. La réalité n’est donc pas aussi réussite qu’on pourrait le croire.
La production électrique tout particulièrement a été chamboulée par cette transition énergétique, et les objectifs à atteindre nécessitent encore de nombreux aménagements. Tout d’abord, un doublement de la production est prévu pour pouvoir se séparer du nucléaire, entraînant d’une part l’installation d’éoliennes off-shore, mais reposant aussi d’autre part sur le remplacement des infrastructures actuelles pour augmenter leur efficacité. Cette solution ne satisfait pas tout le monde puisqu’elle suppose un impact important sur le paysage. Le déséquilibre Nord/Sud sera de toute manière accentué puisque le nucléaire constitue une bonne partie des ressources pour l’électricité au Sud. Un réseau de transfert du courant est organisé malgré le coût exorbitant des installations.
L’imprévisibilité des énergies renouvelables provoque à certains moments un surplus qui oblige à exporter parfois à prix négatifs, et à d’autres moments l’importation ou la mise en route de centrales thermiques pour ne pas manquer. Ce problème pourrait être résolu si l’énergie en surplus pouvait se stocker. Malheureusement, les seules solutions sont trop coûteuses et ne contiendraient pas assez d’espace. Les centrales thermiques continuent donc à palier aux manquements mais elles se font de moins en moins rentables, et l’utilisation du charbon, paradoxalement à cette volonté de protéger l’environnement, pollue. Un lien entre l’Allemagne et la Norvège qui peut stocker une grande quantité d’énergie est envisagé, cela resterait la solution la plus simple.
Finalement, cette transition ne profite pas non plus aux ménages qui ont vu le coût de l’électricité doubler au cours de ces dix dernières années et qui doivent donc financer ceux qui gagnent de l’argent sur ce système, même si depuis Août 2014, une nouvelle loi tente de gérer ces inconvénients.
En conclusion, cette politique obsédée par l’accélération de la production par les énergies renouvelables n’a pris que tardivement conscience des nombreux problèmes qu’elle posait. Le plus important reste ici celui du stockage qui ne pourra se résoudre à l’échelle de l’Allemagne seule mais plutôt grâce à une politique européenne commune.

Cet article touche avec justesse aux problèmes que pose en Allemagne la radicalisation de leur politique contre le nucléaire. Tout miser sur les énergies renouvelables semble redoubler le nombre de problèmes, entre le transport, les infrastructures ou encore la nature même de l’exploitation de ces ressources qui reste instable. Les limites de cette décision apparaissent avec clarté, illustré de nombreux exemples précis. Avec la COP21, il est apparu combien le charbon pouvait produire de CO2 ce qui a confirmé l’utilisation des énergies renouvelables pour éviter cette voie. Néanmoins, ce sont aussi elles qui provoque l’utilisation du charbon pour faire face à l’intermittence de ces énergies, l’Allemagne se retrouve donc dans une situation paradoxale où elle émet plus de CO2 que la France simplement par le charbon, alors qu’elle tentait de préserver la planète. Les solutions qui apparaissent génèrent souvent d’autres questions, et donc d’autres solutions à trouver.

Jeanne Pilet, HK Sainte-Marie-Lyon