L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée

Une fiche de lecture dense sur le dernier ouvrage publié par Jérôme Fourquet, sondeur et analyste politique, directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP). Il se concentre sur une nouveauté du paysage politique, culturel et social de la France récente: l’archipel français. Jérôme Fourquet dresse une longue analyse de ce qu’il nomme l’archipélisation de la société française: un éclatement de la nation en plusieurs communautés différentes et qui tiennent à se différencier, à la fois dans ce qui fait leur identité et leur destinée future. Cet essai publié en 2019 a alimenté les réflexions sur le communautarisme, sur la France périphérique, sur la déconnexion des élites. 

Pascal Boniface écrit du livre: « Avec son livre L’archipel français, Jérôme Fourquet n’a pas seulement publié un best-seller et reçu le prix du livre politique. Il a également forgé un concept qui s’impose dans le débat public, celui d’un pays dont les habitants vivent sous le même drapeau national, mais dans des îles différentes et distinctes ».

Préface

14 juillet 2019→ l’archipélisation de la société française s’est donnée à voir :
– Défilé militaire (corps constitués et autorités rassemblés pour regarder les composantes de l’armée française) = respect des traditions + souci du protocole.
– Manifestation des gilets jaunes + ultragauche → dégradation de mobilier urbain + barricades ;
– Fête de la victoire des Fennec = supporters de l’équipe d’Algérie sur les Champs Elysées → mer de drapeaux algériens (scènes de liesse + débordements et affrontements).
= allégorie de la France d’aujourd’hui
Rappel : 14 juillet 1790 = fête de la Fédération → célèbre l’union de la nation.

Elections européennes de juin 2019 → phénomène de décomposition/recomposition du paysage électoral français : avènement d’un nouveau clivage : front macroniste/bloc frontiste. LR a littéralement implosé car ne s’adresse qu’à son électorat catholique et conservateur (rétrécissement de son assise sociologique) + effondrement de la France Insoumise + percée des EELV (mouvement en recomposition).
Poussée des Verts → peut être phénomène solide politiquement, sociologiquement et politiquement : résultats électoraux (européennes + municipales 2020) + changements dans le mode de vie de toute une frange de la population.
« Déstructuration du paysage électoral » : LREM + FN ne parviennent pas à s’implanter au niveau local /les formations politiques traditionnelles ne s’imposent plus sur la scène nationale.

Décembre 2019 →Echec du mouvement contre la réforme des retraites → incapacité à bâtir un large front à vocation majoritaire contre un projet visant l’ensemble de la société.
Grève plus longue que le mouvement de 1995 mais échec car manque de soutien aux corporations syndiquées (SNCF RATP).
Confinement : Mise à l’arrêt inédite du pays pendant 2 mois et demi. Au début large consensus+ gestes de fraternité mais sur le long terme → révélateur de fractures en matière de décrochage scolaire ou d’inégalité de logement et de condition de travail + défiance à l’égard des autorités constituées à propos du vaccin contre valorisation du pragmatisme « de terrain ». Confinement = parenthèse + que rupture car reprise des fractures après (Dijon, violence policière, mouvement hospitalier).
Période de confinement = incubateur à de nouveaux modes de vie : e-commerce, télétravail, réseaux sociaux, sensibilité accrue aux discours écologiques.
Polarisation croissante de la société française = séquelle laissée par la crise du Covid.

Introduction

Paysage électoral français marqué par une grande volatilité (détournement des soutiens rapide après une victoire aux élections), dysfonctionnement dû à une fragmentation de plus en plus marquée de notre société rendant l’agrégation des intérêts insurmontable = archipélisation du corps social : lignes de faille éducative, sociale, géographique, générationnelle, idéologique, ethnoculturelle.
Principale cause : dislocation de la matrice catholique de la société française. Influence du catholicisme déterminante dans la constitution de notre pays. Fonctionnement de la société structuré par l’opposition catholicisme/anticléricalisme = ossature sur laquelle s’organise la dualité politique.
Maurice Duverger : « le champ politique doit s’organiser sur un couple de force dont l’opposition est centrale et structurante ». Ex : victoire du Front populaire en 1936 –Georges Dupeux – la carte qui correspond le mieux à la géographie de l’opposition Front populaire / Bloc des droites et celle de la pratique religieuse + que celle de la répartition des catégories sociales.
La société était alors composée par des classes sociales hétérogènes mais matrice puissante pour agréger les intérêts divers : opposition catholiques/laïcs.
Marcel Gaucher → les sociétés européennes ont été frappées par un processus de sortie de la religion.
Emmanuel Todd- Hervé Le Bras, Le Mystère français : « catholicisme zombie » pour décrire l’action persistante du catholicisme en France. La puissance holistique et structurante de la matrice catholique n’est plus →Ere post chrétienne.
Diminution des « messalisants » + références à la foi catholique évanouies dans la société (prénom, évolution des mentalités sur l’IVG ou l’homosexualité, augmentation des crémations, des tatouages, du véganisme →symptômes d’un basculement civilisationnel et anthropologique).
Deux matrices culturelles cohabitent dans la société française : les plus anciens demeurent fidèles à la matrice séculaire / les jeunes adhèrent à la nouvelle vision postchrétienne du monde.
Parallèlement à la dislocation de la matrice catholique structurante notre pays connaît une immigration significative →passage d’une société démographiquement homogène (jusque années 1970) à une société ethno-culturellement diversifiée.
Pour analyser ces processus→ recours aux enquêtes d’opinion et à la cartographie = analyse spatiale via la cartographie + analyse sociodémographique via les sondages → depuis André Siegfried la cartographie s’attache à décrire l’espace et les spécificités territoriales + étude de l’anthroponymie.
Archipélisation du corps social français avec lignes de faille sociale, culturelle, géographique, générationnelle, idéologique et ethnoculturelle :
– Election européenne de 2019 : nouveau clivage politique ;
– Confinement révélateur des fractures éducatives, de logements, de travail, de mobilité ;
Cause : puissance holistique de la matrice structurante catholique disparaît => plusieurs matrices culturelles cohabitent.