source : http://www.courrierinternational.com/dessin/climat-pays-du-sud-pays-du-nord-meme-combat
Pour la clôture de la COP 21, en réalité « 21th Conference of the Parties » ou « 21e conférence des parties », un accord sans précédents a été signé à Paris par 195 pays. Ce succès diplomatique peut-il être associé à un véritable succès climatique ?
Six ans après l’échec du rendez-vous de Copenhague un accord a enfin été signé, qui prend en compte les différents défis climatiques auxquels le monde est aujourd’hui confronté. Ce texte réunit presque 200 pays et constitue donc une véritable réussite du point de vue diplomatique, montrant une bonne volonté générale de la part de tous les pays participants. Cependant certaines ONG dénoncent la faiblesse de cet accord, qu’elles jugent insuffisamment contraignant ou trop tardif. Elles soulignent ainsi la question de savoir si ce succès diplomatique est aussi vraiment une réussite climatique. Avec l’aide de la presse tant française qu’étrangère nous tenterons une analyse de cette question.
Présentation des articles :
– Mediapart est un site web d’information et d’opinion créé en 2008. Il est l’un des rares « tout en ligne » grand public payant du marché français de l’information, cette formule a été choisie pour assurer l’indépendance des journalistes. Le site Mediapart a publié le 12 décembre 2105 un article de Jade Lindgaard intitulé Climat :Un accord historique est signé à la COP21, mais…. La journaliste y souligne les aspects ambigus et peu satisfaisants de l’accord signé à la clôture de la COP 21, « un accord technique, de faible ambition, peu contraignant et insuffisant pour que s’effondrent les gaz à effet de serre en temps voulu pour endiguer la hausse dangereuse des températures. » Tout en reconnaissant l’avancée diplomatique réalisée ainsi que la volonté de tous les pays de prendre des décisions, elle souligne les différents éléments qui ont handicapé l’élaboration d’un texte efficace, des réticences des pays riches au « lobbying intense qui s’est déployé ». L’article met en outre en valeur les insuffisances du texte adopté.
– Le Bien public est un quotidien régional français diffusé en Côte-d’Or. Il est tiré à près de 55 000 exemplaires. Sur le site du journal provincial Le Bien Public un article publié le matin du 13 décembre 2015 intitulé Environnement Cop 21 : le monde entier est d’accord Élodie Bécu souligne, s’opposant en cela à Médiapart, la réussite que représente cet accord pour le monde, en tant que « premier accord universel des négociations climatiques ». Elle juge que « la France a réussi un tour de force politique » et, tout en reconnaissant que « il reste à écrire la suite » l’article met en valeur l’efficacité du « mécanisme de rendez-vous réguliers » mis en place.
–El País est le quotidien généraliste payant ayant la plus grande diffusion en Espagne, avec une diffusion moyenne de 391 816 exemplaires. Ce journal a publié le même jour un article intitulé Una meta global ambiciosa pero sin objetivos de emisiones vinculantes, qui reprend différents éléments-clef de l’accord auquel sont arrivés les pays.
Les différentes opinions :
- Température et gaz à effet de serre : les objectifs
El Pais s’attache à démontrer l’écart entre le plan théorique de cette Cop21 et la mise en pratique concrète. Selon le quotidien, ce congrès a « un but environnemental » mais « sans objectifs d’émissions obligatoires ». Bien qu’il reconnaisse un objectif effectif, celui d’atteindre un équilibre entre les émissions et la capacité d’absorber ces gaz, il attire l’attention sur le « détournement » et la « conservation » du dioxyde de carbone, que les pays pétroliers défendent pour ne pas couper court aux combustibles fossiles. De plus, le journal met l’accent sur la question financière, qui est en réalité au cœur du débat : « le principal instrument sur lequel se construit l’accord, ce sont les dénommées « contributions »(sic) nationales ». Dans sa formulation, il reste assez sceptique sur la manière de répartir ces contributions ainsi que leur efficacité concrète.
Le Bien Public a une vision très positive de l’accord. En effet, il parle d’ « accord historique », de « tour de force politique » pour qualifier la Cop 21 : les représentants du Bourget ont évité une « catastrophe ». Il met en valeur la coopération unanime des pays présents qui « reconnaissent l’objectif » de réduction de la température, tout en saluant les « trésors de la diplomatie » mise en œuvre par la présidence francaise à la Cop21. Son article s’intitule d’ailleurs, de manière assez ambitieuse « Environnement Cop 21 : le monde entier est d’accord ». Pour renforcer son propos, le quotidien cite le Directeur de Greenpeace ou encore le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot qui qualifie la Cop 21 de « bon accord ».
Dans l’article de Mediapart la journaliste y souligne les aspects ambigus et peu satisfaisants de l’accord signé à la clôture de la COP 21,« un accord technique, de faible ambition, peu contraignant et insuffisant pour que s’effondrent les gaz à effet de serre en temps voulu pour endiguer la hausse dangereuse des températures. » La présence d’un « impératif moral », le souci des Etats insulaires est certes pris en compte mais selon eux « cet engagement est purement théorique » car « il défend de grands principes mais ne se dote pas d’outils opérationnels, reconnaît des obligations formelles mais sans grand contenu. »
- Le temps de mise en place des mesures adoptées
Si un accord a fini par réunir tous les pays, les mesures concrètes qu’il appartient à chaque état de définir ne seront normalement pas mises en place avant 2020. En attendant la première analyse en 2018 puis la mise en place progressive de régimes économiques plus respectueux de la planète les pays devront se réunir tous les cinq ans pour faire le bilan des décisions mises en place et en contrôler les effets. Pour El Pais cette mesure devrait permettre de pallier les insuffisances encore présentes dans le texte adopté, conférant ainsi une grande souplesse tout à la fois qu’une certaine précision de contrôle aux initiatives des pays : « Etant donné que les compromis actuels sont insuffisants, l’accord établit que les contributions seront révisées tous les cinq ans à la hausse » Cela permettrait aux pays moins avancés de prendre le temps nécessaire pour adapter à leur politique de nouvelles mesures. Cependant le journal souligne que, si tous les pays se sont engagés à faire quelque chose, « on n’a pas fixé d’année concrète ». En effet, ceci est aussi souligné par l’article de Mediapart. Pour lui, les délais apportés à la mise en place de mesures pour le climat sont trop importants et enlèvent toute sa valeur à cet accord. Selon les spécialistes, « les dix – et même les cinq – prochaines années sont cruciales » et, si l’on tarde trop, « le cycle de révision des émissions polluantes commencera trop tard ». En revanche, le journal Le Bien public voit dans cette décision un point important « qui fait dire à Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, que Paris est un “bon accord”, même si le militant aurait aimé que la revue des ambitions commence avant 2020, date fixée par le texte ».
- L’implication de chaque pays : Face à une juriciction floue, des inégalités se font voir au niveau des exigences financières et politiques
El Pais s’interroge sur la légalité de ce texte : apparemment les objectifs ne seraient pas « légalement obligatoires ».
El Pais accuse cet accord d’une certaine ambivalence : d’une part Laurent Fabius souligne que cet accord est obligatoire mais d’autre part il fait des concessions à certains pays comme les États-Unis, « le deuxième plus grand émetteur mondial » pour éviter que celui-ci ne soit exclu de l’accord, étant donné les difficultés qu’il rencontrerait à imposer ces réformes environnementales. El Pais attire donc l’attention sur cette contradiction : les États-Unis, qui possèdent le monopole économique, seraient privilégiés alors que des pays moins riches sont tenus de respecter obligatoirement les réformes. C’est pourquoi le journal espagnol parle de « force légale ». De plus, une « aide internationale », qui met à contribution les pays développés, est mise en place. Celle-ci est relative et laissée au plein contrôle de ces derniers pusique chaque année la décision du budget est révisée.
Le Bien Public reconnaît une réelle dissonnance dans les discours d’ONG, qui jugent certaines « formulations trop floues » ainsi que des déceptions à propos de la mise en œuvre temporelle.
De manière générale, il évoque rapidement les sujets qui fâchent, comme les Etats-Unis, peu enclins à participer à l’accord ou l’Arabie Saoudite, « peu décidée à abandonner le pétrole qui fait sa richesse ». Toutefois, la Cop 21 est un succès démocratique car « les plus vulnérables » des pays sont pris en compte. Tout en restant prudent sur le mise en place effective de ces objectifs, « il reste à écrire la suite de l’accord », précise-t-il, Le Bien Public énonce « une mobilisation sans précédent » de tous les citoyens et des lendemains heureux pour notre planète.
Tout en reconnaissant l’avancée diplomatique réalisée ainsi que la volonté de tous les pays de prendre des décisions, Mediapart souligne les différents éléments qui ont handicapé l’élaboration d’un texte efficace, des réticences des pays riches au «lobbying intense qui s’est déployé». L’article met en outre en valeur les insuffisances du texte adopté, l’accord « défend de grands principes mais ne se dote pas d’outils opérationnels, reconnaît des obligations formelles mais sans grand contenu. »
La COP 21 nous offre donc un bilan mitigé sur le plan environnemental malgré son succès diplomatique évident. En effet, d’un côté, cet accord se concrétisera uniquement dans des délais qui risquent de lui ôter toute efficacité, d’autant plus que si l’on a fixé un objectif assez précis, ne pas augmenter la température mondiale de plus d’1.5°C, les moyens pour y parvenir sont laissés à la discrétion de chaque état. Et si un budjet assez important doit être consacré à la défense de la planète le caractère vague du texte et le manque d’obligation légales précises permettrait aux pays récalcitrants de prendre bien peu de mesures pour le climat. Cependant la réussite diplomatique indéniable que cet accord représente montre un investissement général de tous les pays qui, lors des rendez-vous qui vont suivre, pourrait se révéler productif.
Maylis Payet et Claire Cazaumayou, HK Sainte-Marie Lyon