Ce compte rendu de soutenance peut intéresser les étudiants qui préparent l’épreuve d’histoire des relations internationales du concours de l’EMIA, filière lettres.
Le 26 novembre dernier, dans les locaux du Campus Saint-Jean d’Angély I de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Igor Delanoë a soutenu une thèse intitulée « La flotte de la mer Noire, de Catherine II à Vladimir Poutine : un outil de puissance au service des ambitions méditerranéennes de la Russie (1783 – 2012).

Le jury se composait de Pierre-Yves BEAUREPAIRE, (Nice-Sophia Antipolis & Institut Universitaire de France), qui avait dirigé la thèse, Francine-Dominique LIECHTENHAN (Directrice de recherche au CNRS, Centre Roland-Mousnier, Université de Paris IV Sorbonne), Anne MILLET-DEVALLE (Maitre de Conférence HDR en droit public, Nice-Sophia Antipolis), Eric SCHNAKENBOURG, (Maitre de Conférence HDR, Nantes & Institut Universitaire de France), Michel VERGE-FRANCESCHI, (Professeur d’histoire moderne, Tours) ainsi que T. Anthony JONES, (Harvard & Northeastern University) qui participait aux débats grâce à une liaison en visio-conférence avec Harvard.

La présentation du travail par Igor Delanoe lui permit de souligner tous les enjeux géostratégiques que présente la Méditerranée pour la Russie et de montrer « l’espace méditerranéen en tant que théâtre d’affirmation de la puissance russe » grâce à la flotte de la mer Noire malgré les géographies politiques changeantes et les changements de régimes autour de la mer Noire.
Un des intérêts, mais pas le seul de cette thèse, est de s’inscrire dans un temps long. Son auteur peut ainsi montrer la continuité de l’intérêt des Russes pour ce secteur, pour des raisons de protection de leur territoire d’abord, puis pour affirmer leur puissance, montrer leurs ambitions que l’on peut percevoir dès Pierre le Grand, le véritable fondateur de la marine de guerre russe.

Le XVIIIe siècle est, sous le signe de l’affaiblissement ottoman, une période d’affirmation de la présence des grandes puissances en Méditerranée. La Russie cherche alors à contrôler de mieux en mieux la mer Noire notamment par la construction de ports, de bases, de navires, ce qui se manifeste par l’intérêt porté à la Crimée, à la citadelle de Sébastopol, qu’Igor Delanoë qualifie « d’épicentre des ambitions méridionales de l’Empire Russe ».

Cette montée en puissance progressive de l’outil naval russe ou soviétique selon les époques fait l’objet de la deuxième partie de la thèse dans laquelle sont montrés à la fois les efforts successifs mais aussi les hésitations dans la politique navale d’une grande puissance avant tout continentale. L’activité des unités russes en Méditerranée clôture cette partie et surtout prépare la dernière réflexion, consacrée aux enjeux auxquels la marine russe doit faire face depuis la fin de l’U.R.S.S. et la désagrégation du bloc de l’Est. Le départ de Républiques jusque-là stratégiques et plus généralement les modifications des conditions géopolitiques ont entraîné d’importants changements d’orientation. La construction navale, très importante en Ukraine depuis Catherine II est désormais essentiellement concentrée dans les chantiers du Nord de la Fédération. La base de Sébastopol est partagée entre Russie et Ukraine et des ports secondaires sont désormais ukrainiens, géorgiens ou dans des pays que le Pacte de Varsovie ne relie plus. La flotte de la Mer Noire a donc la charge de protéger le flanc sud de la Fédération de Russie. Déchargée de la tâche de « marquage » systématique des flottes occidentales en Méditerranée par la détente entre l’Est et l’Ouest, la flotte russe peut aussi manifester à nouveau la présence d’une très grande puissance après une éclipse que les bouleversements en ex-U.R.S.S et plus généralement dans les pays de l’ancien bloc de l’Est ont provoqué. L’importance de bases directement méditerranéennes ne peut qu’en être renforcée, même si les relations actuelles avec la Turquie ne rendent plus problématique le passage des Détroits.

Après avoir relevé toutes les pistes qui, d’après lui, resteraient encore à explorer, tout comme les domaines documentaires qu’il n’a pu exploiter, Igor Delanoë a répondu avec aisance aux questions et aux remarques intéressées de la part des membres du jury. Après la délibération qui a suivi, le jury lui a décerné le titre de Docteur en Histoire avec mention « très honorable à l’unanimité et avec les félicitations des membres du jury ».

Gageons que les publications issues de ce passionnant travail offriront tout autant d’intérêt.

Compte rendu fait par Alain Ruggiero (MCF-HDR retraité)