La paix de Westphalie

Introduction

Mettant donc fin à plus de trente années de conflits, la Paix de Westphalie, fut avant tout une paix allemande qui régla les problèmes confessionnels posés depuis plus d’un siècle, à savoir la coexistence de plusieurs confessions chrétiennes dans un même pays.

Accessoirement, pour la France, il s’agissait de briser l’encerclement espagnol et de repousser autant que faire se peut sa frontière vers l’Est, sachant que les dernières années du conflit avaient été favorables aux armées françaises.

La paix de Westphalie fut un événement exceptionnel par sa durée (quatre ans) et le nombre d’États représentés par un nombre impressionnant de plénipotentiaires. Il s’agissait de la première paix d’un niveau européen et les contemporains furent conscients du caractère extraordinaire de la chose. C’est en effet la première fois que se retrouvaient autour d’une table de négociation les grands États d’Europe. Et c’est la première fois aussi que furent définies les relations entre les États dans le respect de la souveraineté de chacun.

Il n’était plus question comme au Moyen Âge d’une chrétienté occidentale unie autour d’une foi commune sous la haute autorité du souverain pontife. Chaque monarque était désormais maître chez lui, y compris en matière religieuse !

La signature du traité de Münster le 15 mai 1648 (Gerard ter Borch)

Déroulement à partir de février 1643

Lassés par la longueur de la guerre de Trente Ans et les souffrances qui en résultent, les princes et les représentants des villes d’Allemagne, réunis à Francfort en février 1643, obtiennent de l’empereur Ferdinand III la réunion d’un congrès, qui s’ouvre en Westphalie, en mai 1644, à Münster (délégations catholiques) et à Osnabrück (délégations protestantes), et auquel participent – à la seule exception du Danemark –, des représentants de tous les belligérants, et même de Venise et de la papauté, qui se pose en médiatrice ; de plus, à la demande de la France, 150 principautés allemandes, immédiates ou médiates, sont même représentées au congrès, ce qui met automatiquement l’empereur en minorité.

Les négociations sont conduites par le duc de Longueville et surtout par ses collaborateurs, d’Avaux et Servien, pour la France ; par Bengt Oxenstierna, fils du chancelier, et Salvius pour la Suède ; par Trauttmansdorff pour l’empereur, et par Peñaranda pour l’Espagne.

Le traité de Münster: Espagne et Provinces-Unies (mai 1648)

Après quatre ans de discussions difficiles, le congrès aboutit d’abord à un traité séparé, signé à La Haye (30 janvier 1648), entre l’Espagne et les Provinces-Unies, qui redoutent la puissance croissante de la France. Par ce traité, ratifié à Münster en mai 1648, l’Espagne reconnaît la souveraineté des Provinces-Unies et leur abandonne les bouches de l’Escaut et les terres dites désormais de la « généralité », car elles deviennent la propriété commune des sept Provinces-Unies, qui se voient confirmer la possession des colonies enlevées au Portugal (Brésil néerlandais, territoires indonésiens) et même à l’Espagne.

Ceci met fin aux 80 années de guerre d’indépendance des sept provinces du Nord des Pays-Bas contre l’Espagne.

Les traités de Münster et d’Osnabrück (octobre 1648)

Pendant ce temps, les négociations se prolongent entre les principaux belligérants, et il faut la victoire de Condé à Lens (20 août 1648) et la marche conjuguée de Turenne sur Vienne et du Suédois Wrangel sur Prague pour lever les dernières hésitations de l’empereur et le contraindre à signer, avec la France, le traité de Münster (octobre 1648) et, avec la Suède, le traité d’Osnabrück.

Résultats

Clauses territoriales

France : se voit confirmer officiellement la possession des Trois-Évêchés, et reçoit en outre des droits politiques, féodaux ou judiciaires sur de nombreux territoires de Basse-Alsace. La France incorpore également Brisach et Philippsburg, et conserve Pignerol, à l’Est des Alpes.

Suède : annexant la Poméranie occidentale (ou antérieure), les évêchés de Wismar, Brême et Verden, la Suède s’assure le contrôle des estuaires de l’Oder, de l’Elbe et de la Weser, et donc celui du commerce allemand en Baltique et en mer du Nord et siège à la diète de l’Empire.

Brandebourg et Bavière : l’Électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, reçoit la Poméranie orientale, les évêchés de Kamień, de Minden et d’Halberstadt, et l’expectative de l’archevêché de Magdeburg. La Bavière annexe le Haut-Palatinat.

Clauses politiques

Le statut politique de l’Allemagne se trouve profondément modifié par ces traités qui lui donnent une véritable Constitution, dite Constitutio Westfalica : le nombre des Électeurs est porté de 7 à 8 (5 laïques contre 3 ecclésiastiques ; 5 catholiques contre 2 luthériens et un calviniste) ; l’égalité entre les villes, les Électeurs et les princes d’Allemagne est proclamée ; enfin les traités de Westphalie reconnaissent la souveraineté des 350 États allemands, qui peuvent désormais signer entre eux ou avec des États étrangers des traités ou contracter des alliances, leur conscience seule pouvant garantir le respect des droits de l’Empire.

Le Saint Empire, diminué des Provinces-Unies et de la Confédération helvétique, dont l’indépendance est officiellement proclamée, est donc réduit à une totale impuissance, voulue d’ailleurs par la France et par la Suède, qui sont désormais garantes de la paix allemande.

L’indépendance des sept Provinces-Unies est définitivement reconnue par la monarchie espagnole.

Clauses religieuses

Fixant pour 150 ans le destin de l’Allemagne par leurs clauses territoriales et politiques qui ratifient l’échec de la politique des Habsbourg d’arracher le Saint Empire à son impuissance traditionnelle, les traités de Westphalie, par leurs clauses religieuses, consacrent également l’échec de la Contre-Réforme en Allemagne : la paix d’Augsbourg de 1555 est, en effet, confirmée, sauf dans les clauses qui contraignaient les sujets à adopter la religion de leur prince (cujus regio, ejus religio) ; les calvinistes reçoivent les mêmes droits que les luthériens ; enfin les sécularisations antérieures au 1er janvier 1624 sont reconnues.

Suites et conséquences

Mettant fin à la dernière des guerres de Religion, sauvant sans doute d’une complète destruction le protestantisme allemand, ce qui explique la désapprobation de la papauté, les traités de Westphalie, ratifiés en février 1649, fondent un nouvel ordre européen, qui sauvegarde la frontière française du Nord-Est et abaisse la maison d’Autriche, comme l’a voulu Mazarin.

Par ses gains territoriaux (Metz, Toul et Verdun) qu’elle pourra fortifier, par l’indépendance des cantons suisses et par la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies d’une part, et l’existence politique internationale des états allemands d’autre part, la France est satisfaite du coup porté aux prétentions des Habsbourg : l’encerclement espagnol est largement desserré.

La guerre continue d’ailleurs avec l’Espagne qui fut exclue de la paix à la demande de la France.

En revanche, dans toute l’Allemagne et aux Provinces Unies la paix fut célébrée avec faste.

En France on était occupé à la Fronde mais l’on fêta ensuite, en 1660, la paix des Pyrénées.

En août 1660 Louis XIV fit la plus fastueuse entrée de roi dans Paris de tout l’Ancien Régime dans la ville décorée d’arcs de triomphe et illuminée de feux d’artifice. Ce fut une entrée qui célébrait tout autant le roi victorieux des Espagnols que des frondeurs.

Bibliographie

  • Dictionnaire du Grand Siècle, sous la direction de François Bluche, Paris, Fayard, 1990
  • Dictionnaire de l’Ancien régime : royaume de France, XVIe-XVIIIe siècle, sous la dir. de Lucien Bély, Paris, PUF , 1996
  • Lucien Bély, L’art de la paix en Europe. Naissance de la diplomatie moderne, Paris, PUF, 2007
  • Claire Gantet, La Paix de Westphalie, 1648. Une histoire sociale, xviie – xviiie siècle, Belin, coll. « Histoire et société ». Essais d’histoire moderne, Paris, 2001, 447 p.