Cette fiche porte sur un aspect particulier de la question d’agrégation: la souveraineté politique des femmes dans les Etats européens et le pouvoir des souveraines d’Europe à la Renaissance. Elle fournit des précisions sur les aspects juridiques du pouvoir féminin, sur des concepts liés à leur place auprès de leur mari, sur la réalité de l’exercice du pouvoir politique. Les exemples ne concernent pas uniquement la France, mais la connaissance d’autres situations politiques peut être bénéfique pour effectuer des comparaisons.

Introduction

Intérêt du sujet

– Genre (ou sexe social, gender en anglais) : ensemble du système d’attendus qui pèse sur les femmes et les place en situation d’infériorité sociale et politique. Construction sociale susceptible d’évoluer.
– Identité construite dans la relation aux autres. Les femmes sont une minorité, elles  ne correspondent pas au modèle social dominant masculin qui définit leur nature de manière restrictive.
– On peut adhérer aux idées reçues liées au groupe auquel on est identifié.e par le groupe social dominant, ou  les rejeter, les détourner, chercher à s’en échapper à s’en excuser, se présenter comme l’exception.
– Le livre aborde les femmes qui ont eu le pouvoir en charge ou sont sensées l’avoir eu, des années 1470 à 1630 environ.
– Les femmes placées en situation de pouvoir ont toujours eu à faire leurs preuves. Ce qui fait ressortir le rôle des hommes et la place du genre dans les sociétés. Etudier les femmes au pouvoir : vision plus objective de leur place dans la société que l’étude d’artistes et d’œuvres d’art.
– Les souveraines ont eu à faire face à des réactions plus violentes et plus ouvertes que les hommes : élargit l’accès à des observations de relations entre un souverain et ses sujets.
– La société médiévale étudiée s’éloigne du « Mâle Moyen Age » de Duby (1988) : dans la France capétienne et au XIIIème s. hommes et femmes semblent à parité dans les cours, les échoppes.
– La « Querelle des femmes » éclate au XIVème s., contradiction entre :
+ Conception médiévale qui met l’accent sur la charité chrétienne, le rôle des abbesses… donnant capacité aux femmes à avoir une autorité spirituelle
– + Conception venant de l’Humanisme italien du XIVè s. laïc, fondée sur l’éducation, l’autorité intellectuelle, et donc mise en place par des hommes, masculine « par nature ».  Conception vite transposée au clergé et à la famille. Point positif : elle vise l’éducation du plus grand nombre ; négatif : c’est au masculin. Les femmes qui font preuves de virtù sont ramenées à l’homme : les viragos. Pendant la Renaissance la peur des femmes se développe parmi les élites cléricales (Delumeau 1978, voir 1ère partie)
– Pour la France l’ouvrage de référence est La France, les femmes et le pouvoir d’Eliane Viennot.

Première partie : La Renaissance face aux femmes

1. L’apprivoisement des « mégères ». Des maîtresses de maison aux épouses soumises

• Des femmes encore fortes confrontées aux exigences nouvelles de la phallocratie moderne

Pièce de Shakespeare La mégère apprivoisée 1594 : la femme doit être obéissante, sujette de son seigneur, la dot est au service du mari. Même si Shakespeare nuance cette affirmation : la femme peut avoir un certain recul sur sa condition. Constat : l’Angleterre est un peu en retard sur le continent et la situation évolue lentement, les femmes en sont conscientes.

• Sociétés traditionnelles et rôles féminins valorisés

– Il ne faut pas confondre modernité et progrès de la condition féminine.
– Les femmes sont dépendantes
+ Souvent les femmes exerçant une activité sont désignées par leur rapport à un homme (femme, fille…). Dans presque toute l’Europe les femmes sont soumises à leur père ou sous la puissance de leur mari, les épouses peuvent disposer de biens selon le contrat de mariage (en Angleterre puis en France). Quand l’autorité d’un homme est remise en cause, on (clients, apprentis…) s’en prend d’abord à sa femme
+ Jusqu’au XVIème les femmes peuvent diriger des ateliers (quasi monopole de la brasserie), les veuves continuent les activités de leurs maris si elles héritent de biens suffisants, avec quelques contraintes (pas de nouvel apprenti, conditions au remariage), beaucoup s’associent avec leurs fils.
+ La maison est le domaine de la femme, dans la noblesse elles gèrent les affaires en l’absence de leur mari et mènent une vie sociale en conséquence (visites entre elles, rencontres au four, au lavoir, au marché…).
– Les femmes peuvent être dangereuses
En France une femme ne peut commettre de crime de lèse majesté par nature mais les femmes sont poursuivies pour sorcellerie (apogée de la chasse entre 1540 et 1630) : les hommes craignent que les femmes utilisent l’aide de Satan pour renverser l’ordre du monde (Jean Bodin 1576 Six livres de la République et 1579 Démonomanie des sorciers).
– Les femmes doivent être protégées
+ Des violences excessives de leur mari, en fonction de leur rang social et si la femme est bien soumise, la soumission demandée dépendant des positions sociales des époux.
+ Lors de l’attribution d’héritage les us hésitent entre hiérarchie sociale et hiérarchie de genre (que peut hériter une veuve sans enfants ? Comment garder son rang, qui épouser ?).
+ Des commérages (poursuites en diffamation) puisqu’elles dépendent énormément de leur réputation. Une femme dont la réputation est mauvaise est très exposée au viol. Le viol est ainsi un crime social plus que sexuel.
– Le physique d’une femme est le reflet de son âme.

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Epilogue : de la Renaissance à l’âge classique : la défaite des souveraines

Catherine de Médicis a été gouvernante de France
Marie de Médicis a été régente en chamboulant l’ordre des cérémonies
Anne d’Autriche est déclarée régente sans problèmes
Ca pourrait laisser penser que les femmes affirment leur pouvoir. Mais c’est plutôt le titre de régente qui a été vidé d’une grande partie de son sens : l’exercice du pouvoir par une femme semble de moins en moins envisageable puis impossible.
Dès 1515 c’est la femme de François Ier, fille de Louis XII et duchesse de Bretagne qui reçoit les requêtes des consuls de Lyon, puis seulement la mère du roi. Anne n’a pas été sacrée, et les reines suivantes ne l’ont pas été non plus jusqu’en 1789, alors qu’avant seules Marie Stuart, Louise de Vaudémont (et Marguerite de Valois), ne l’avaient pas été.
Anne d’Autriche a été une mère attentionnée, aimante et ferme pour ses 5 enfants, suivant le modèle de son père Philippe III d’Espagne, ce qui était assez rare chez les souverains. Elle a reçu le soutien de Richelieu pour cela, à la surprise de Louis XIII. Cet  amour maternel est une raison pour laquelle Louis XIV ne commence son exercice personnel du pouvoir qu’à la mort de Mazarin. Anne n’en tire qu’une fierté maternelle. Elle prévient aussi l’opposition entre Louis et son cadet Philippe en réglant l’éducation de celui-ci.
Louis XIII mourant consent à contre cœur, mais sur les conseils de Mazarin, que sa veuve devienne régente et son frère lieutenant général du Royaume. Il justifie son choix sur les qualités de mère d’Anne, et se sent un peu coupable de la mort de sa mère à l’étranger. Il respecte aussi la tradition d’associer les héritiers les plus directs de la couronne : ses fils, son frère mais il lie les décisions de sa femme et son frère à la majorité d’un conseil de régence.
Anne change de politique du tout au tout au décès de Louis XIII, privilégiant la politique d’indépendance nationale, contre les intérêts des Habsbourg.
Grâce à Mazarin, à qui elle fait totalement confiance, elle fait casser le testament de régence pour augmenter ses prérogatives : le pouvoir royal ne peut être partagé, mis au vote du conseil. Et contrairement à Marie de Médicis qui a voulu s’imposer devant son fils, Anne s’efface et Louis, 5 ans, tient son premier lit de justice. Il  prend la parole en 1er pour s’en remettre à l’appareil d’Etat (chancelier).  Gaston garde le pouvoir militaire, il appuie la demande de sa belle sœur comme Henri II de Condé à qui on a promis une somme d’argent.  Le chancelier accepte alors le changement, comme à la demande de Louis XIV, considérant que la précipitation liée à l’agonie de Louis XIII a été mauvaise conseillère. Ainsi on sauve la face en cassant le choix d’un roi.
Anne devient gardienne du roi mineur, administratrice du royaume et en retour demande les bons conseils du parlement. Anne admet qu’elle ne connait rien au gouvernement, c’est Mazarin qui va gouverner pour elle. Elle adopte une attitude opposée à celle de Marie de Médicis : pleine de déférence envers son mari et son fils, pieuse, dévouée, répondant aux attentes de la mâle Modernité et le faisant savoir (gravures, peintures…).
Ce pouvoir exercé de façon conforme aux lois du genre a été contesté pendant la Fronde (1648-1653), Mazarin a été contraint à l’exil, Anne et ses fils isolés. La vertu de la reine est remise en cause. La marche à la centralisation du pouvoir, le placement de l’Etat au dessus des oppositions religieuses sont contestés alors qu’Anne continue la politique de Louis XIII et Richelieu.
A la mort de Mazarin Louis XIV annonce son pouvoir personnel mais continue à associer sa mère à a vie de la cour.
Anne soufre son agonie (cancer du sein) comme un modèle catholique, avec une réflexion sur la vanité de la vie, expiant ses péchés,  stoïque. Elle montre qu’elle a intégré toutes les exigences politiques et religieuses de son temps.
Une reine devient digne d’admiration alors même qu’elle renonce à la part politique de son rôle pour se concentrer sur la famille, la morale, la religion.
Ensuite Marie Thérèse d’Autriche, Marie Antoinette n’ont pas accès au pouvoir et les maîtresses des rois n’ont eu qu’une influence limitée (mécènes par exemple). Marie Antoinette  cherche à défendre la politique de l’Autriche, faire ou défaire les ministres, mais frivole, elle est très vite critiquée. Sa modestie, sa sexualité sont mises en cause jusqu’à sa transformation de l’image de la reine en animal (autruche, truie, tigresse…). Devant le tribunal révolutionnaire elle rappelle qu’il ya loin du conseil à l’obtention de ce qu’elle demandait, que le roi n’était pas faible de caractère. La révolution a donné aussi lieu à des campagnes de dénigrement du roi, présenté comme faible face à sa femme, soumis à elle, renversant les valeurs sociales et religieuses, donc méritant d’être renversé.
Pendant la révolution, la défense de la reine s’est organisée en grande partie autour de son rôle de mère, blessée par la mort du Dauphin.

Les femmes ont été progressivement exclues de l’exercice du pouvoir à la Renaissance.
Plus que la paix, la clémence, le sens du dialogue, buts de tout gouvernement, la spécificité du pouvoir au féminin, tel que perçu aujourd’hui, est la difficulté à participer à la gloire et la puissance de l’Etat à cause d’un problème de reconnaissance de l’autorité.
C’est à cette époque qu’à commencé à se mettre en place une représentation des femmes qui imprègne encore nos sociétés. Etre femme de pouvoir implique encore de jouer avec ces codes, de les détourner, de les refuser et surtout de se justifier pour exercer une autorité.