Le travail en Europe occidentale des années 1830 aux années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et questions sociales

François Bédarida, La Société anglaise du milieu du XIXe siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1990, 545p.
Directeur de recherche au CNRS, secrétaire général du Comité international des sciences historiques, François Bédarida a consacré une partie de son activité d’enseignant et de chercheur à l’histoire contemporaine de l’Angleterre. De 1978 à 1990, il a dirigé l’Institut d’histoire du temps présent.

Sommaire :
• La puissance et la gloire (1851-1880)
• Le vieux monde résiste (1880-1914)
• Crises, secousses, stabilisation (1914-1955)
• Fin de la vieille Angleterre ? (1955-1975)
• Une société floue (1975-1990).

« On peut ne pas aimer les Anglais, il est impossible de ne pas les estimer », disait Lamartine.

Les Dandies portent un monocle : À l’époque, le port d’aides visuelles était un signe d’érudition ou d’un niveau élevé dans la société (caricature anglaise de 1824). Photographie, Fondation Hallauer, Berne.

Première partie : la puissance et la gloire 1851-1880

Le travail et la société anglaise

I. L’industrialisme conquérant
A) Le festival de l’industrie et du travail

1er mai 1851 : c’est l’exposition universelle de Londres (1ère des expositions universelles : elle dure 6 mois et accueille 6 millions de visiteurs) = Victoria : prière solennelle = « lien de paix & d’amitié entre les nations »
= Victoria : « jour le plus grand de notre histoire »
= Palmerston : « un jour glorieux pour l’Angleterre »

Pour le pays qui a donné naissance à la révolution industrielle, 1851 marque une consécration et un tournant (officiellement l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’ère de la société industrielle). C’est également le début d’une grande phase de prospérité économique et de tranquillité sociale qui fait contraste avec la période 1840-1850 : A une décennie chaotique, conflictuelle, dominée par la peur et la faim « the hungry forties » succède une décennie prospère, confiante, émaillée de mille merveilles « the fabulous fifties ».

Raisons du succès de l’exposition :
 Climat de paix (ext. : compétition pacifique entre les nations & int. : concorde retrouvée) ;
 1851 : période de reprise éco (1846 : introduction du libre-échange) ;
 Le chartisme est en plein reflux, l’agitation irlandaise est cassée (échec de la jeune Irlande et Grande Famine) : les partis n’ont ainsi plus les mêmes motifs de s’affronter ;
 Enfin, les Anglais sont quasiment les seuls en Europe à avoir échappé aux secousses des révolutions de 1848.

L’Exposition est un prodigieux festival technologique. Ruskin : la vielle Angleterre se transforme en « terre du Masque de fer ». Michelet = île = « bloc de houille & de fer » = La machine est reine. Ambition technique, esthétique et morale = réaliser la trilogie de l’Utile, du Beau & du Bien. À l’entrée de l’exposition, on trouve une statue géante de Richard cœur de Lion (symbole du chevalier & du héros) et en face, un bloc de charbon de 24 tonnes (symbole de puissance).

À l’intérieur de l’exposition le spectaculaire palais de Cristal correspond à l’exploit de l’âge technicien. Elle a été construite par un ancien jardinier devenu un self-made man, Paxton. On y voit : « le plus grand temple jamais élevé aux arts de la paix ». Pour un visiteur allemand il correspond au sanctuaire par excellence de la Weltkultur (« culture monde » littéralement). Un Français y voit même la réalisation du rêve antique de Babel. On est parvenu à la « fusion des intérêts et des esprits ». « Nouvelle Jérusalem » (Américain).

On croit fermement que 1851 préfigure un âge de bien-être, de paix & de bonheur universels. L’homme serait parvenu à maîtriser la matière sans tomber dans le matérialisme son action se réfère sans cesse au Tout-Puissant.

Le triomphe de la machine inaugure l’ère des masses.

Sur le plan humain, c’est l’avènement du nombre = les progrès généraux techniques & le train = concentration des foules comme on n’en avait jamais vu.

L’exposition confère à un capitalisme confiant et dominateur un visage radieux, paré uniquement de vertus créatrices. Le grand historien whig Macaulay qualifie de « mémorable » l’année 1851 et d’«année singulièrement heureuse de paix & d’abondance, de bons sentiments, de plaisirs innocents & de gloire nationale ».

Revers de la médaille : victimes = la masse des opprimés et des écrasés. Afrique : sanglants combats pour annexer à l’Empire le pays de la Cafrerie & chasser de leurs terres de pauvres paysans noirs…

Les Clionautes multi-écran

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