- Enjeux scientifiques
En 2008, la mort du dernier poilu français, Lazare Ponticelli, signe la disparition du dernier soldat français de la Première Guerre mondiale. Pour autant, l’intérêt et l’étude de ce conflit n’ont pas été relégués au second plan dans l’espace public. Les célébrations du centenaire sont l’occasion de mobiliser à la fois l’école, les historiens et les citoyens. La Première Guerre mondiale reste comme un conflit inédit au XXème siècle qui a vu la mise en place d’une guerre totale et d’une violence sans précédent. En outre, la mission du centenaire[1], créée en 2012 par le gouvernement, est chargée « d’organiser les commémorations » et de soutenir « l’ensemble des initiatives publiques et privées mises en œuvre en France ou par la France ». L’historiographie profite de ce dynamisme avec la diffusion de nouvelles sources, la publication de nombreux ouvrages et l’abondance de nouveaux colloques sur le sujet.
Dès le début de la guerre, les historiens allemands et français sont mobilisés pour défendre leur pays. Selon N. Offenstadt[2], « la Grande Guerre fut aussi un combat d’historiens ». Avec le Traité de Versailles, l’historiographie (notamment, Pierre Renouvin en France) est chargée de trouver les causes et les responsabilités de la guerre. Ces débats sont aujourd’hui clos, les historiens s’accordent sur des responsabilités partagées des belligérants.
Les années 1990 marquent un tournant historiographique avec une remise en cause de l’histoire politique et militaire prônées par leurs prédécesseurs. Les historiens intègrent « l’histoire culturelle » et « l’étude des représentations des contemporains de la guerre »[3], les individus (soldats comme civils) sont placés au centre des études. La création de l’Historial de Péronne (en 1992) et de son Centre de Recherche International ont soutenu cette vitalité historiographique. L’ouvrage d’A. Becker et de S. Audoin-Rouzeau[4] est déterminant. Les deux historiens rejettent l’idée que les soldats soient uniquement des « victimes non consentantes » et reprochent aux anciens d’avoir occulté « l’importance de la culture dans le maintien des hostilités ». Ils mettent en avant la notion de « culture de guerre »[5], un « consentement » des combattants et des civils dans la poursuite de la guerre animée par la haine de l’ennemi et le patriotisme. Cette « culture de guerre » serait à l’origine de l’acceptation de la violence et de la durée de la guerre. Ils reprennent à l’historien américain G. Mosse[6], le terme de « brutalisation » des comportements pour expliquer cette acceptation de la violence par les soldats et les civils.
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