Compte rendu réalisé par Ludivine Capra, étudiant(e) en Hypokhâgne au lycée Claude-Fauriel (2012-2013) dans le cadre d’une initiation à la recherche en Histoire consistant également en la réalisation d’un mini-mémoire, d’une prestation orale devant un jury et de la formation au Certificat Informatique et Internet (C2i).

Alban GAUTIER, Arthur, Paris, Édition Ellipses 2007

La légende du roi Arthur est aujourd’hui connue de tous. Fils du roi Uter Pendragon et d‘Ingerna, Arthur connaît un début de règne difficile car il est jeune à la mort de son père. Armé de son épée Caliburnus il repousse les envahisseurs Saxons et affermit son trône. Il épouse alors Guenhuuara et la Bretagne connaît une longue période de paix. Puis Arthur de nouveau en guerre, sur le continent, est trahi par Mordredus son neveu. Au retour du roi l’affrontement est mortel pour les deux hommes. Telle est l’histoire du roi Arthur écrite par Geoffroy de Monmouth, historien du début du XIIe siècle. Mythe ou réalité ? En menant son enquête Alban Gautier, maître de conférence à l’université du littoral Côte d’Opale, expose les différentes hypothèses et les démêle. Après avoir établi un contexte historique il définit une biographie possible d’un Arthur historique mais aussi celle d’un Arthur littéraire.

L’étude du contexte historique mène l’auteur aux premières sources qui mentionnent Arthur. Si Gildas et Bède le Vénérable n’en parlent jamais, quels sont alors les premiers textes ? Il y a tout d’abord eu l’Historia Brittonum du moine Nennius, écrit au moins deux cent ans après la fin du Ve siècle. L’étude de ces textes néniens offre une image de ce qu’a pu être Arthur mais ne permet que d’émettre des hypothèses. Dès le Xe siècle Arthur devient légendaire et se voit attribuer des exploits extraordinaires. Il y a alors trois hypothèses plausibles: d’abord Arthur est strictement légendaire. Dans ce cas le personnage serait victime d’ « historicisation ». Deuxième hypothèse: il a existé mais sous un autre nom et on aurait peu à peu oublié son premier nom. Mais l’auteur écarte aussi cette hypothèse. Troisièmement: il a existé mais les sources trop peu nombreuses empêchent de construire un discours historique positif. A. Gautier prend alors le pari de penser qu’Arthur a été victime de la notoriété de sa légende et d’une suspicion injuste.

L’auteur tente alors une reconstitution biographique, précisant que ceci n’est pas de l’histoire. Arthur aurait été actif entre 460 et 540 d’après le recoupement des diverses tentatives de datation. Arthur n’était pas un roi mais un chef de guerre talentueux et a conquis sa gloire au mont de Badon, aux côtés de rois bretons. La cour d’Arthur devait ressembler à celle d’un aristocrate romain en début de Ve siècle. Et après une période de paix, Arthur est tué par son adversaire Merdraut, ou Mordred. A. Gautier confronte cette hypothèses à d’autre sources et trouve la confirmation de l’ « Age d’Arthur » avec une Bretagne divisée: une partie unie sous le règne d’Arthur, l’autre sous domination saxonne. Les Bretons cherchent alors un peu de gloire dans leur passé, les historiens en brossant des tableaux plutôt négatifs. C’est ainsi qu’Arthur entre dans la légende et dépasse l’histoire, il devient un héros panbrittonique. (Panbrittonique, du grec « pan » qui signifie « tous » est l’ensemble des bretons.)

A partir du Xe siècle, Arthur et son univers sont de plus en plus présents dans la littérature. Les auteurs l’utilisent dans différents buts (politiques, idéologiques..). Arthur apparaît alors comme un personnage qui permet de transmettre des valeurs, affichant souvent les traits d’un personnage héroïque mais quelques fois d’un personnage peu sympathique appelé « ennemi de Dieu ». La diffusion de la légende se fait à échelle européenne et ainsi chaque régions apporte sa spécificité à la légende. Arthur passe rapidement au second plan dans les « romans ». Par exemple Chrétien de Troyes, auteur français, fait naître une « mode » et privilégie l’entourage d’Arthur au personnage du Roi. Le roman d’aventures arthuriennes permet de véhiculer les valeurs de la chevalerie. Puis émerge un autre genre de littérature : la courtoisie. Dans ces romans, Arthur est le mari du triangle amoureux, il est donc la représentation de l’ancienne vision du mariage et est vite dévalué voire considéré comme personnage repoussoir. En réalité, Arthur est tout à la fois, il est surtout symbolique de ces littératures de cours. L’œuvre de Chrétien de Troyes, le Conte du Graal, qui avait une grande connotation religieuse, entraîne une christianisation du mythe. On assiste à une réorientation de l’interprétation tout à fait claire et que les contemporains ne pouvaient ignorer : celle des pêchés.

Après avoir été utilisé par Édouard Ier comme moyen de propagande royale, le mythe s’essouffle au XVe et XVIe siècle. Puis au XIXe siècle, le romantisme permet la renaissance de la légende. Avec l’époque victorienne le Royaume-Uni voit le retour d’Arthur opérer, notamment avec l’œuvre de Tennyson après 1855 Les Idylles du Roi dans laquelle le poète se sert de la matière pour faire une propagande. Le mythe est de retour, un retour confirmé par l’inspiration qu’en tire Mark Twain, notamment dans A connecticut Yankee in King Arthur’s court en 1889 qui représente une nouvelle lecture de la légende : satirique et comique. La renaissance du mythe avec le romantisme marque les siècles suivants et le cinéma la renforce. A. Gautier distingue trois tendances de l’écriture arthurienne: en France elle est « onirique et fantastique », dans le monde anglophone l’écriture est « classique » et certains auteurs font apparaître une vision pacifiste ou féministe de l’œuvre. Certaines œuvres restent inclassables, comme les comédies purement divertissantes, ou les œuvres a but politique. Mais ce qui est notable c’est qu’à travers ces nouvelles représentations, la figure du roi Arthur s’efface au profit de son univers qui devient plus important.

Si le mythe a failli disparaître et n’est plus utilisé de la façon initiale, il est cependant toujours présent. C’est en cela que comme A. Gautier le fait, on peut déclarer que la quête d’historicité dans cette légende est bien moderne et légitime. Son œuvre permet de survoler toutes les dimensions de la légende dans un ouvrage où la plupart des questions sont abordées, et si elles ne sont pas toutes résolues, cela signifie qu’à ce jour nous ne disposons pas des sources et ressources nécessaires.