Résumé d’un article pour la question d’histoire contemporaine (Travail en Europe occidentale, années 1830-1930) :

  • HISTORIOGRAPHIE

D’abord un bref rappel sur la différence entre industrialisation et « révolution industrielle » : renouvellement historiographique, débats sur la révolution industrielle dans les travaux de Patrick VERLEY (dont L’Echelle du monde). L’industrialisation ne fait pas disparaître les artisans d’Europe occidentale mais transforme les métiers et leurs pratiques. Pas de bouleversements soudain (d’où le rejet de l’expression canonique « révolution industrielle », laquelle était employée par Adolphe Blanqui en 1837 par contraste avec l’Angleterre).

Ce qu’entend démontrer l’auteur = Artisanat : transformations, réactions, adaptations à ces nouvelles modalités productives.

Pour Marx et Engels, les artisans sont promis à sombrer dans le prolétariat car leur habileté technique ne peut rivaliser avec la grande industrie capitaliste. Là encore, démenti par l’histoire.

Après la Seconde Guerre mondiale, les historiens s’intéressent peu aux artisans, mais davantage à ladite révolution industrielle, souvent avec une approche marxiste (ouvriers VS bourgeois). En Allemagne : Karl BÜCHER : chef de file de l’histoire de l’économique politique. Angleterre : Si le livre de THOMPSON (1963) s’avère fondamentale, force est de constater que les artisans sont peu présents dans son maître-ouvrage.

Dans les années 1980-90, sans focaliser leurs travaux sur l’artisanat, les historiens ont davantage pensé les porosités et les mobilités, la double-activité, la proto-industrialisation, les comparaisons régionales.

Ex : MAYAUD sur les horlogers de Besançon par ex.

Recherches de l’auteur de l’article : sur les artisans, les petites entreprises, l’apprentissage.

  • MUTATIONS

Artisan : du latin ars => celui qui maîtrise son art / l’homme de métier.

Dans le Dictionnaire du XIXe s. de Poitevin (1856) : l’artisan se distingue de l’ouvrier par sa qualification, non pas par son indépendance. Si l’indépendance n’est pas encore un critère distinctif, c’est parce qu’avec le louage et le tâcheronnage, l’ouvrier n’est pas forcément salarié. De plus, entre artisan et ouvrier, fluidité des statuts, contours incertains, pluri-activité – surtout en milieu rural.

Dénombrement difficile : pas de statut juridique en Angleterre ; quant à la France, statuts industriels centrés sur les grands établissements – alors qu’En France et en Allemagne les établissements de moins de dix travailleurs sont majoritaires entre 1870 et 1914.

D’après l’auteur, il est faux de penser que l’industrie et l’artisanat s’opposent, se concurrencent au détriment des seconds. Tout au long de la période, bâtiment, alimentation et confection concentrent l’artisanat. Cf. maçon Martin Nadaud par exemple.

Evidemment l’industrialisation ne fait pas péricliter la boulangerie ou la boucherie.

Cependant, concernant le textile il y a une tendance à la marginalisation des artisans tisserands dont l’activité connaît effectivement l’industrialisation, tandis que résistent mieux les tailleurs.

L’industrialisation a davantage d’effets sur le travail du métal (forges), du cuir, du bois, de l’imprimerie.

Certaines spécialités artisanales se maintiennent : couteliers de Thiers.

Sans disparaître, certaines activités artisanales mutent, d’adaptent : les cordonniers fabriquent moins, réparent de plus en plus.

Enfin, des branches industrielles nouvelles vont naître de nouveaux métiers de l’artisanat : l’industrie automobile crée les artisans garagistes pour l’entretien ou la réparation des premières voitures.

Donc pas d’approche simpliste : variété des situations dans les branches d’activité.

  • GENRE ET FAMILLE

Artisanat = milieu très genré. Bâtiment : très masculin. Au contraire : lingères, modistes… Métiers d’aiguille réputés féminins.

Travail en famille dans certains secteurs en particulier : alimentation, puisque l’homme produit et l’épouse tient la boutique.

Rare dynasties d’artisans (rien de comparable avec les dynasties de mineurs).

  • DU TRAVAIL MANUEL A LA MECANISATION

Tisserands inquiets du machinisme.

L’artisanat, n’ignore pas l’innovation technique ; il n’est pas le conservatoire des techniques pré-industrielles. Cf. premières machines à coudre à pédale, puis avec moteur thermique, puis moteur électrique fin XIXe s.

Donc nouveaux gestes, nouveaux rapports au corps.

  • UN MONDE QUI S’ORGANISE

Allemagne, fin XVIIIes . : moitié des artisans hors de toute corporation. Corporations moribondes avant même la diffusion du code civil en Allemagne.

Bismarck : pour conduire sa politique anti-socialiste, cherche le ralliement de l’aile corporatiste et conservatrice des artisans, lesquels sont malmenés par la Grande Dépression. Création de nouvelles corporations qui organisent notamment l’apprentissage. 1897 : création des Chambres de métiers qui chapeautent toutes les corporations d’une région. Plus tard, le régime nazi les centralise sous la direction d’un Reichhanderwerkmeister.

France : chambres des métiers sur le modèle allemand en Alace-Moselle. 1918, leurs dirigeants militent pour conserver ces institutions et les présentent même comme un modèle à étendre à toute la France.

De fait, il y avait quand même bien, avant 1914, des associations d’orientation professionnelle, les artisans étant alors représentés par des syndicats de métiers.

1922 : CGAF : Confédération générale de l’artisanat français. 1924 : les Alsaciens quittent la CGAF pour fonder une organisation concurrente, ce qui illustre les débats dans l’artisanat français, avec une tendance plutôt à gauche et syndicaliste (dans cette perspective, le patron doit travailler au côté de ses ouvriers, et limiter sa main d’œuvre pour ne pas créer peu à peu une grande entreprise capitaliste), une autre tendance plus à droite et corporatiste (plus fidèle à l’héritage allemand).

La CGAF, reconnue par l’Etat, obtient des lois sur la fiscalité, le crédit, l’apprentissage pour les petits ateliers.

  • Conclusion

L’industrialisation du XIXe – mi XXe s. entraîne donc des mutations sur l’artisanat, mais avec de grandes différences selon les contextes, les métiers, les régions… En tout cas pas de disparition de l’artisanat, contrairement à une crainte antérieure. Si le mot artisans existe depuis longtemps (cf. sa racine latine), le mot « artisanat », lui, apparaît dans les statuts de la CGAF puis la loi de 1925 sur les Chambres des métiers et de l’artisanat.