Fiche succincte sur un ouvrage essentiel de l’historiographie française.
Problématique : Quel est l’impact de l’expérience de la mort de masse de 1914-1918 sur les sociétés européennes ? Comment cette expérience mène-t-elle à la « brutalisation » des sociétés ?
Démarche de l’auteur : L’auteur a voulu, en premier lieu, interroger l’impact, sur les sociétés européennes, de l’expérience de la mort de masse faite entre 1914 et 1918. D’autre part, il livre une première étude capitale de l’invasion, consécutive à la Grande Guerre, du corps social par une violence exacerbée qui transpire dans les pratiques quotidiennes des sociétés d’après-guerre. Le paroxysme de violence que représente la Grande Guerre n’est que partiellement canalisé, ce qui le conduit à forger le concept de « Brutalization », qu’il faudrait traduire par « rendre brutal », pour tenter de rendre compte du processus d’imprégnation des sociétés européennes par la violence.
Biographie de l’auteur :
George L. Mosse (1918-1999), est un historien des mentalités : issu d’une famille de la grande bourgeoisie juive berlinoise, il n’a d’autre choix que l’exil à l’arrivée de Hitler au pouvoir, le 30 janvier 1933. Le jeune homme vit d’abord en Suisse, puis à Paris, avant d’être accueilli comme pensionnaire à York, où il poursuit sa scolarité. En octobre 1937, il entreprend ses études d’histoire à Cambridge, où il fait son apprentissage politique à travers le soutien aux républicains espagnols. À l’approche de la guerre, sa famille quitte l’Europe pour les États-Unis. Diplômé de Haverford College (Pennsylvanie), puis docteur de l’université Harvard en 1946, George Mosse enseigne d’abord à l’université d’Iowa à l’université de Wisconsin-Madison où il devient, en 1965, titulaire d’une chaire d’histoire qu’il occupera jusqu’à sa retraite, en 1988. Il enseigna par ailleurs également à Stanford, à l’Université hébraïque de Jérusalem, à Munich, Cornell, Amsterdam, Tel Aviv, ou encore Cambridge. Bien qu’antimarxiste, il joua un rôle important dans le mouvement étudiant américain des années 1960. George Mosse était un très grand enseignant, exerçant sur ses auditoires une impression profonde. À l’origine, George Mosse est un historien du phénomène religieux au XVIe siècle. Un tournant se produit avec la publication, en 1961, de son premier ouvrage d’histoire contemporaine The Culture of Western Europe : the Nineteenth and Twentieth Centuries. Le suivant Les racines intellectuelles du Troisième Reich : La crise de l’idéologie allemande en 1964 sera délibérément centré sur ce qui deviendra, désormais, le vrai sujet de George Mosse : l’Allemagne, le nazisme, le racisme et l’antisémitisme. Tous ses autres ouvrages y auront trait, de près ou de loin. Il est en particulier à l’origine du concept de « brutalisation » appliqué aux sociétés qui sortent de la Guerre 1914-1918. Mosse y voit la « matrice des totalitarismes ». Une autre spécificité de l’œuvre de George L. Mosse est qu’il n’hésite pas à se placer « dans l’œil du cyclone », en participant (sous une fausse identité) à des réunions d’anciens nazis en Allemagne, ou en dialoguant avec Albert Speer, l’architecte de Hitler, pour mieux comprendre l’esthétisme du nazisme.
Il se range clairement dans le camp historiographique des intentionnalistes (représentants d’un courant historiographique qui s’attache à démontrer que la Solution finale de la question juive a été le résultat d’une décision consciente des autorités nazies. Autrement dit, si les Juifs de l’Europe occupée furent exterminés, c’est que les dirigeants du Troisième Reich, et en premier lieu Adolf Hitler, en avaient décidé ainsi, et donné des ordres correspondants) opposés aux fonctionnalistes (les intentionnalistes leurs reprochent de vouloir atténuer les responsabilités allemandes dans l’extermination des Juifs d’Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale), dans le cadre de la querelle des historiens (Historikerstreit), qui est une controverse historiographique et politique en Allemagne de l’Ouest durant les 1980’s.
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