État, pouvoirs et contestations dans les monarchies française et britannique: et dans leurs colonies américaines (vers 1640-vers 1780)
La banqueroute de l’État royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences sociales EHESS, 2011. 324 pages Marie-Laure Legay
Cette fiche de lecture quasi exhaustive de près de 50 pages a été très largement complétée et enrichie par des apports iconographiques, mais également des articles difficilement accessibles, qui sont pourtant particulièrement éclairants pour disposer, dans le cadre de la construction d’une réflexion pour une copie de concours, d’une certaine hauteur de vue. Au-delà des trajectoires des personnages qui ont essayé, avec des fortunes diverses, de réformer le fonctionnement financier de l’État royal, ce sont des conceptions spécifiques qui parfois s’opposent. elles sont soumises à différents arbitrages, le Roi décide en dernier ressort, mais subit également un certain nombre de pressions, ceux de ses propres services, avec les exigences de la marine et des affaires étrangères par exemple.
On notera aussi au passage l’importance d’une réforme à base territoriale avec cette tentative de municipalisation des dépenses, qui se heurte encore et toujours à différentes résistances. On y retrouve celle des rentiers qui voient ainsi leurs rentes fiscalisées, les rentiers ne sont pas forcément parmi les plus riches d’ailleurs.
Dans cette France diverse, celle des États, l’unification d’un système de gestion lorsqu’en dernier ressort la décision échappe à la logique comptable, devient possible, cela explique tout simplement les différentes manipulations « de cavalerie », ou l’on reporte sans cesse les paiements, même si les exécutions restent financées, ce qui conduit inévitablement à la banqueroute.
Introduction
L’opinion publique naissante au milieu du XVIIIe demande des comptes. De plus, la nation commence à confier massivement son épargne à l’État ce qui explique l’inquiétude sur le poids de la dette publique et sa gestion.
D’autres travaux ont abordé les origines financières de la Révolution : John F. Bosher (1970), Michel Morineau (1980) et Alain Guéry (1978) mais ne font pas le lien entre tous les éléments constitutifs des finances publiques dont l’opinion publique. Trois obstacles sont retenus : l’ampleur de la dette (pourtant identique à celle anglaise), le poids de l’intermédiation financière (de plus en plus concurrencée par le crédit national), les défauts de la fiscalité sans rapport avec la richesse nationale.
17. Du don à l’impôt. Libéralité et finances de la monarchie française d’Ancien Régime
Alain Guéry
Dans La société vue du don (2008), pages 255 à 271
Mais quel est le poids des aspects structurels et conjoncturels ? quelle place donner aux éléments techniques ? Doit-on suivre la tendance de l’historiographie des vingt dernières années qui réhabilitent les finances de la monarchie (royaume bien géré jusqu’en 1783) et rejette la responsabilité de cette crise sur le politique ?
Pour Michel Morineau, la détérioration de la situation financière s’explique par l’absence de volonté politique, l’impuissance d’un régime confronté « à un quarteron de grincheux qui se prenaient pour l’élite de la nation ». Gail Bossenga met en cause l’absolutisme du roi qui ne consulte pas les élites. Ce sont des considérations générales et contradictoires. Pas de prise en compte du rôle joué dans le débat et les actions des gouvernements par l’opinion publique et plus particulièrement les rentiers. Cet ouvrage explore trois aspects peu exploités : il cherche à identifier les caractéristiques structurelles de la gestion hérités de Colbert, les grandes étapes qui ont infirmé ou confirmé ces choix et conduit à l’échec et insiste sur le rapport entre pouvoir central et les corps intermédiaires pour saisir la rupture du dialogue entre l’État et les élites sur ces choix.
Il s’agit d’un système qui fonctionne sur le principe de l’assignation des dépenses sur toutes sortes de caisses publiques dans un contexte de pénurie monétaire. La France institutionnalise ce système qui est utilisé dans toute l’Europe. La gestion officière perdure mais fonctionne de moins en moins. L’échec du Contrôle général est aussi décisif. Les ministères dépensiers (Guerre, Marine) sont à l’origine d’un dérapage des dépenses qui oblige à recourir aux anticipations. Le remboursement de ces emprunts pèse sur les dépenses ordinaires et aliène les impôts. Cela renforce le rôle des officiers. L’État perd le contrôle de ses dépenses. Le financement des guerres ajoute à la confusion d’autant que le système ne le prévoit pas. Le suivi de la trésorerie, le contrôle administratif dans comptes ne fonctionnent pas, renforçant le recours aux anticipations. Les retards de paiement sont fréquents et la confiance dans le système est mise à mal.
Le mécontentement des élites politiques empêche le gouvernement d’agir. En refusant la participation des élites à la gestion des comptes, le pouvoir se maintient dans une gestion archaïque et capitalistique. Ainsi les efforts de rationalisation voulus par Necker semblent vains : les conditions de la mise en place d’une nouvelle science administrative ne sont plus réunies.
La monarchie est incapable de lâcher les élites traditionnelles pour construire une nation de propriétaires et les porter à la tête des municipalités. Mais ces choix provoquent le mécontentement de tous : du parti provincial réclamant la gestion locale, du parti parlementaire voulant contrôler les 20e, des propriétaires qui réclament une reconnaissance politique.
1- L’idéal de gestion voulu par Colbert qui demeure une référence au XVIIIe.
2- Les renoncements à une science administrative et la réaffirmation d’une gestion traditionnelle et patrimoniale.
3- Les étapes du cheminement de la gestion française vers la gestion publique.
DROIT DE SUITE
Rendez-vous de crise : banqueroute : qui doit payer ?
Première Partie
États – Ordre et désordre comptables
Chapitre premier
L’idéal comptable
Permanence des principes de Colbert qui sous-tendent la gestion publique.
La formation et l’exécution du « budget »
Le système des états
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