La guerre du Golfe a-t-elle changé les relations internationales ?
Introduction
*Accroche
Alors que l’exercice de l’OTAN « Able Archer 83 » cristallisait l’attention sur une possible confrontation directe entre USA et URSS, l’Irak de Saddam Hussein utilisait la même année, pour la première fois depuis le début du conflit et dans une relative indifférence, des armes chimiques pour faire face à l’opération iranienne Valfajr-2. C’est peu de dire que huit années plus tard, la situation a profondément évolué ; la guerre froide est achevée et l’Irak devient le cœur de toutes les attentions. Seul le Golfe persique semble touché par l’inertie des tensions armées.
*Redéfinition
Le sujet invite a se positionner sur la nature des bouleversements induits par la seconde guerre du Golfe, du mois d’août 1990 au mois de mars 1991. Alors que la première guerre du Golfe avait vu Irak et Iran s’entredéchirer pendant huit ans (1980-1988), ce second conflit dépasse largement un cadre régional. C’est donc ici clairement de l’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990 dont il est question, ainsi que de ses prolongements diplomatiques et opératifs. La résolution du conflit est aussi remarquable que brutale, à défaut d’être véritablement durable. La question est ici de nature géopolitique et place clairement au centre de la réflexion deux acteurs majeurs : les USA tout d’abord, seule Superpuissance au point que Hubert Védrine les qualifiera en 1998 d’Hyperpuissance face à une URSS disparue et une Russie en pleine recomposition. La communauté internationale ensuite et notamment l’ONU qui doit affronter de manière multilatérale la première crise majeure libérée du carcan des tensions EST-OUEST.
*Problématique
Dans quelle mesure la guerre du Golfe 1990-1991 place-t-elle les USA en situation d’hégémonie apparente au sein d’un Nouvel Ordre mondial aux forts accents de multilatéralisme ?
*Idée maîtresse
Pour le président Georges Bush la victoire est claire au 6 mars 1991 : « La guerre est finie. C’est une victoire pour tous les pays de la coalition, pour les Nations unies […]. C’est une victoire de la loi et du droit. »
Cette affirmation devra être questionnée dans le sens d’une réelle prise en compte du multilatéralisme dans la résolution des conflits, multilatéralisme encadré par les USA et leurs alliés du fait de leur domination militaire. La question de la pertinence de cette approche est donc centrale, car ce multilatéralisme semble de facto largement favorisé par l’éclipse russe et repose sur une victoire du droit, certes, mais surtout sur une coalition dont les bases politique, militaires et morales sont occidentales.
*Annonce plan
J’organiserai mon exposé autour de deux idées directrices :
1 – La guerre du Golfe est une victoire du multilatéralisme onusien ce qui constitue un changement majeur dans les relations internationales depuis 1945.
2 – Cette victoire ne peut néanmoins être séparée des intérêts de puissance particuliers et cristallise les USA comme Gendarmes du Monde, avec tout ce que ceci peut impliquer de positif et négatif.
Développement – La guerre du Golfe a-t-elle changé les relations internationales ?
1 – La guerre du Golfe est une victoire du multilatéralisme onusien ce qui constitue un changement majeur dans les relations internationales depuis 1945.
3 idées secondaires (IS)
1 exemple par IS
• IS1 : C’est strictement le droit international qui est à l’origine de l’intervention de la coalition internationale de 940 000 pour libérer le Koweït de l’invasion irakienne : *Condamnation de l’agression 10 août / résolution 662 // *Autorisation de l’usage de la force pour maintenir l’embargo décrété contre l’Irak 25août / résolution 665 // *Tous les moyens nécessaires sont autorisés pour que l’Irak se retire du Koweït 29 novembre / résolution 678 avec ultimatum expirant au 15 janvier 1991.
• IS2 : Alors que les USA et l’URSS ont bloqué toute utilisation efficiente de l’ONU par leur droit de Veto, à l’exception particulière de la Guerre de Corée (1950-1953), la Russie de Michael Gorbatchev soutient l’intervention. De la même façon, la Chine ne s’oppose en rien.. Les puissances s’accordent donc dans une gestion multilatérale de cette crise. Il y a même, de manière symbolique, la présence de membres de l’ex Pacte de Varsovie : 170 Tchécoslovaques et 130 Polonais.
• IS3 : Même si l’essentiel des forces est occidentale, à commencer par les forces étasuniennes, véritable colonne vertébrale de l’intervention dirigée par le Général Norman Schwarzkopf, la Ligue Arabe est fortement représentée, ainsi que le monde musulman : 67000 Saoudiens, 35000 Egyptiens, 20000 Syriens, 10000 soldats des autres émirats du Golfe, 4000 Koweitiens, 1200 Marocains (et 5000 autres à Abou Dhabi), 10000 Pakistanais, 2500 Bangladeshis.
Transition : Ainsi ce conflit qui abouti à l’écrasement des forces irakiennes et la libération du Koweït lors de l’opération Desert Storm (janvier-mars 1991) répond aux vœux du président Bush d’instaurer un Nouvel Ordre mondial basé sur le droit et le multilatéralisme. Pour autant cette approche mérite d’être nuancée quant au fond des inerties de puissance.
2 – Cette victoire ne peut néanmoins être séparée des intérêts de puissance particuliers et cristallise les USA comme Gendarmes du Monde, avec tout ce que ceci peut impliquer de positif et négatif.
• IS1 : Cette victoire positionne les USA comme une puissance unique. A aucun moment les forces irakiennes n’ont été en mesure de faire face à la suprématie occidentale à tous les niveaux. Ce que les média avait présenté comme la quatrième armée du mode a été pulvérisé. Cette approche multilatérale repose donc ici avant tout sur un rapport de puissance totalement déséquilibré en faveur de l’Occident.
• IS2 : De manière tout à fait limpide cette action a été pensée pour préserver les intérêts énergétiques de l’Occident. Le Koweït, l’Irak, l’Arabie Saoudite constitue, au cœur du Golfe Persique, une clé de voûte indispensable pour els économies occidentales. Pour se défaire de cette image de guerre pour le pétrole, Richard Nixon ajoute aussi qu’il s’agit d’une guerre pour la paix , la démocratie et la morale (International Herald Tribune , 7 janvier 1991). Reste à prouver que la démocratie, par exemple, soit une valeur multilatérale, à commencer par l’Arabie Saoudite qui accueille les forces de la Coalition.
• IS3 : La guerre n’est que le prolongement de la politique pour Clausewitz. Le plus important reste donc la paix or si la libération du Koweït et l’écrasement des forces armées irakiennes semblent assurer la sécurisation des ressources pétrolières pour l’Occident, la paix de mars 1991 soldée par l’ONU pose question. Saddam Hussein reste en place, les Kurdes sont à nouveau gazés au printemps 1991 ce qui déclenche de nouvelles sanctions internationales (résolution 688 du 5 avril 1991). Enfin ce Nouvel Ordre Mondial ne change rien dans la gestion du conflit Israélo-palestinien et l’installation de bases américaines en Arabie Saoudite suscite très vite un profond rejet de la part de personnages tels Oussama Ben Laden.
Conclusion – La guerre du Golfe a-t-elle changé les relations internationales ?
=> + ID1 + ID2 + IM
Il est clair que la guerre du Golfe a ostensiblement changé les relations internationales en imposant le droit de la communauté internationale, en mettant l’ONU au cœur de la gestion des crises post Guerre Froide. Les USA sont les Gendarmes à même de servir cette cause. Pour autant les choix opéré répondent aussi à des intérêts de puissance, à commencer par le pétrole pour les Occidentaux. L’affaire de la Somalie et de Restore Hope, dénuée de tout intérêt économique, tournera vite cours pour les Gendarmes du monde et la Yougoslavie va offrir une occasion plus tragique de mesurer les limites de ces bouleversements assurés de mars 1991.
=> Ouverture
Dans leur ouvrage « La Guerre hors limites » Liang Qiao et Xiangsui Wang, deux officiers chinois, s’interrogent sur la nature des prochaines guerres. Ils analysent entre autres en profondeur la guerre du Golfe, à travers de laquelle ils perçoivent de nombreux enseignements à commencer par la suprématie aérienne mais mettent aussi en question la course à la technologie ruineuse. Cette guerre a été celle des F117 furtif, des Tomahawk. Pour la France, cette guerre a été centrale dans la mise en avant de nos faiblesses techniques (Jaguar limités, décalage entre nos AMX30B2 et les Abrams ou Challenger alliés, entre nos Gazelles Hot et les Apaches, absence de missile de croisière etc. etc.) et structurelle (difficulté à mobiliser et déployer autant d’hommes que nos alliés). Il en a résulté par exemple la mise entre parenthèse du service national et la professionnalisation de l’Armée française. Il peut paraitre légitime de se demander si cette guerre n’a pas été plus importante sur le long terme dans l’approche des questions militaires que dans celle des relations internationales.
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Sites annexes et bibliographie
La guerre du Golfe article->https://www.herodote.net/17_janvier_1991-evenement-19910117.php Hérodote.fr
Notion de guerre juste et intervention armée en Irak
La guerre du golfe ou le renouveau de la puissance aérienne
Opération Daguet – 1990-1991 – ECPAD
Opération Daguet en Video – ECPAD – ex VHS