Résumé.
Dans ce chapitre de l’avènement du monde, publié en février 2013, l’auteur, Michel Lussault, tente de comprendre notre rapport avec les différents espaces qui nous entourent, en l’observant tout d’abord dans la ville monumentale de New York pour finir dans les gated communities en passant par le Web et les nouveaux réseaux sociaux. Il nous explique comment ces espaces interagissent avec nous et entre eux par des mobilités croissantes, et surtout comment nous sommes arrivés à une hyperspatialité.

Auteur.
M. Lussault est géographe et professeur à l’Ecole normale supérieure. Il élabore depuis 1998 une théorie sur la spatialité individuelle et sur l’épistémologie des savoirs géographiques et urbanistiques.

Les grandes idées du chapitre et articulation des idées.
En introduction à ce chapitre, M. Lussault effectue tout d’abord une critique des idées du moment, lesquelles se suffisent à dire que le monde dans lequel nous vivons vit trop vite.
Le temps retrouvé
L’auteur, lui, tente une approche « de près », au plus proche des individus et des comportements de l’homme.

Il prend tout d’abord l’exemple de New York dans laquelle un très grand nombre de flux différents se mélange : comme des informations virtuelles incarnées par Wall Street, ou comme le flux d’êtres humains symbolisé par le métro. (Rappelons que les mobilités sont forme du mouvement qui s’exprime par le changement de position géographique ou sociale. Définition de Roger Brunet.). Cependant, Lussault remarque un paradoxe au sein de cette ville à la fois temple de l’accélération et d’un rythme de vie de plus en plus ralenti par le mode de vie des hommes et les architectures. L’espace et la temporalité n’ont jamais eu autant de place dans nos vies, on parle de co-habitation des individus. Enfin l’aspect écologique et économique a tendance à faire ralentir les moyens de transports. La question de l’accélération continuelle des vitesses est donc bel et bien à interroger.
Cependant les mobilités des personnes continuent de croître régulièrement. On parle d’hyperspatialité, c’est- à-dire, selon Lussault : le « rôle de la connectivité, de la systématisation de la possibilité de connexion ». Illustrons cette définition par l’exemple des sites Internet qui nous renvoient les uns sur les autres. Ainsi un événement entraine quasi en simultanéité une conséquence loin de sa source. L’importance des réseaux sociaux contribue au rapprochement des individus, le réseau social informe de la connectivité des individus. Lussault parle alors d’une époque post-mobilitaire puisque nous entrons dans une phase d’après le tournant de la mobilisation matérielle.
Ainsi s’effectue une modification des rythmes individuels et sociaux. Remarquons que l’espace « constitue l’ensemble des modalités de déploiement des habitants humains ». Mais comment s’organisent les espaces humains et les spatialités face à la mobilisation, l’hyperspatialité et la numérisation ? Les aires d’influence des grandes aires ont grandi et ont modifié les espaces de vie. Mais l’instantanéité communicationnelle n’affecte pas la spatialité ou l’espace mais lui donne une fonction nouvelle.

Les mobilités contrariées
On assiste cependant à un essor des processus « contre-mobilitaire » c’est dire que le mouvement et son accélération sont entravés, notamment par la promotion du slow, même le tourisme est atteint. La vertu du local est favorisée. De plus les consommateurs sont de plus en plus intéressés par la traçabilité, elle est l’une des pièce maitresse du système agroalimentaire puisqu’elle est la « fille de la globalisation des mobilités ». Cette traçabilité est synonyme de climat de sécurité, notons que la traçabilité est devenue possible par les progrès techniques importants. La géolocalisation est devenue un enjeu majeur du monde dans lequel nous vivons. Devant les mobilités omniprésentes, l’opacité de la provenance devient inquiétante.
La multiplication des barrières et des limites, des murs et des sas compose un espace de plus en plus découpé. On parle alors de fragmentation spatiale. Il y a ainsi un paradoxe entre la mobilisation croissante et ces phénomènes de ségrégation qui peuvent être entre riches (gated communities) ou entre pauvres (ghetto). Toujours en recherche d’exclusivité, la clubbisation est de plus en plus importante. Se constituent alors des « quartiers » urbains « ethniques ».
En effet on souhaite de plus en plus protéger son intégrité par des contrôles aux barrières, c’est dire que les enclaves résidentielles se multiplient. Mais les limites d’enclaves pauvres ne sont que très rarement des clôtures mais plutôt un périmètre délimité des habitats. La séparation s’est alors dressée en norme. On confie à l’organisation spatiale un rôle de protection du risque. La question du franchissement des limites devient alors essentielle.

Des centres partout
Les espaces-temps des sociétés contemporaines hyperspatiales sont riches à toutes les échelles. Les flux relient les différents pôles et font exister un système multirelationnel dans l’ère urbaine mondialisée et numérique. Notons qu’à la place de réseaux qui ne semblent pas adaptés à notre ère, Lussault préfère le terme de rhizome de Deleuze et Guattari.
L’espace urbain est marqué par un centre, est polarisé et polarisant, c’est-à-dire que les espaces attirent et contribuent à organiser le fonctionnement d’autres espaces en orbite de cet espace urbain-ci. À l’échelle locale cela se manifeste par le centre urbain. En agrandissant l’échelle, on se rend compte que le logement est un point d’ancrage et on finit par voir que l’individu de notre époque est le centre absolu de son hyperspatialité propre.

Partie critique.
Tout d’abord nous pouvons admirer l’aspect complet de la thèse de Lussault. En effet, l’auteur traite de nombreux aspects de l’hyperspatialité : à la fois matérielle par l’émergence des réseaux et des plateformes multimodales et l’aspect virtuel par l’essor des réseaux sociaux. Il traite toutes les différentes hyperspatialités, à toutes les échelles et surtout pour tous les types d’individus : les pauvres comme les riches, les urbains comme les ruraux.
Cependant, Lussault a très vite repoussé les autres thèses sur la spatialité et surtout la vitesse. Effectivement, l’auteur dit en début de chapitre vouloir observer les individus au plus proche. Il nous semble pourtant important de prendre en compte le ressenti des individus. Lussault dit que la vie ne s’accélère pas, cependant l’impression de vitesse au quotidien se développe de plus en plus. Les individus prennent de moins en moins le temps de prendre leur repas par exemple. La durée moyenne du repas diminue de plus en plus. Les individus font certes de plus en plus de choses mais une journée a toujours une durée de 24h. Ainsi on peut se demander si Lussault en mettant de coté cette remarque sur la vie quotidienne n’oublie pas un aspect de l’accélération réelle de nos vies.
De plus nous pensons que peut-être Lussault aurait pu poursuivre davantage sa thèse sur le franchissement des barrières qui sont mises en place par l’hyperspatialité. En effet cet aspect n’est traité que d’un point de vue technique et théorique, l’aspect pratique pourrait être développé et ainsi donner à sa thèse le coté « au plus près de l’individu » recherché.

Gabrielle Geffroy HK _ BL Année 2013-2014