CAPES 2023 La construction de l’État monarchique en France de 1380 à 1715. 

INTRODUCTION

L’ouvrage a pour but de donner à ces deux siècles toute leur place dans l’évolution du royaume de France. L’idée est de prétendre que les crises de cette période ne traduisent pas un déclin, mais plutôt des transformations en profondeur qui seraient autant d’éléments de résistance et de vitalité autour du phénomène de la naissance de l’État moderne.
L’ouvrage débute en 1328, à l’avènement de la dynastie des Valois, lorsque Philippe VI (1328-1350) succède au dernier roi capétien, Charles IV, mort sans héritier mâle. Il se termine en 1515, lorsque Louis XII meurt sans laisser d’héritier mâle et que François Ier de la branche d’Angoulême lui succède, même si la dynastie des Valois se prolonge jusqu’à la mort d’Henri III en 1589, sans héritier mâle également. Le nom dynastique Valois provient du fait que le père de Philippe VI, Charles de Valois, était le frère du roi Philippe IV le Bel, et avait reçu de son père, Philippe III, le comté de Valois (au cœur de l’Île-de-France) en apanage.

La date de 1328 ne signe pas de réels changements avec la politique des rois précédents. Philippe VI est un roi qui prolonge les expériences administratives qui ont contribué à instituer les premiers rouages de l’État. Il tente de mener une politique d’équilibre entre le passé (avec d’anciens officiers de Charles V) et le présent (son équipe de conseillers, évêques et barons) qui aboutit à multiplier les offices pour donner à chacun sa place, ce qui n’évite pas pour autant les coteries. Une continuité s’opère également dans les institutions, en particulier judicaires, qui donne toute sa place au Parlement. Il établit une fiscalité en faisant réaliser une vaste enquête des paroisses et des feux. Ce style de gouvernance montre que le roi ne néglige pas l’opinion, ou qu’il ne peut plus la négliger dans un temps où percent un certain nombre d’idées « démocratiques ».

L’année 1328 marque également une rupture avec des bouleversements économiques et sociaux que connaît le royaume de France jusqu’en 1440 environ : crises économiques, dépression démographique (famines, épidémies dont la Peste noire de 1348 et ses résurgences) et des guerres à répétition (guerre de Cent Ans). C’est dans ce contexte que naît l’impôt pour répondre en principe aux besoins de la guerre, mais tout autant pour payer les officiers royaux et alimenter les dons royaux qui entretiennent la faveur et la sujétion. Cette fiscalité, qui élimine ceux qui ne peuvent pas payer ou que la misère a décimés, et en exemptant les plus privilégiés, ne se fait pas sans déchirement au sein même de la société politique, d’où des luttes entre factions. Ce sont des luttes violentes, comme en témoigne le meurtre du frère de Charles VI, Louis d’Orléans, le 23 novembre 1407, à l’instigation de son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne.
Pour gouverner, les Valois oscillent donc entre leur proximité avec les nobles et les prélats dont ils partagent les valeurs, et la nécessité de tenir compte des aspirations de l’ensemble du royaume où s’applique leur autorité. Les souverains tentent de transformer toutes les catégories sociales en sujets du roi au cours de ces deux siècles. Néanmoins, la question concernant la manière dont les souverains réussissent à développer cette sujétion reste posée. Ce n’est pas par leurs succès militaires, puisqu’entre 1340 et 1440 les lourdes défaites (Crécy en 1346 ; la capture de Jean le Bon en 1356 ; Azincourt en 1415) laissent penser à tous que Dieu ne favorise pas la dynastie. La piste pour expliquer le maintien des Valois résident, selon Claude Gauvard, dans la poussée des institutions étatiques, avec des officiers dévoués à la cause royale. Cela particulièrement durant ces crises, où ils tiennent le royaume lors de la capture de Jean le Bon par les Anglais ou lors de la fin du règne de folie de Charles VI entre 1392 et 1422. Claude Gauvard pense que cette folie du roi a favorisé le durcissement des institutions et l’implication des officiers royaux pour compenser la carence royale.

Les rois restent tout de même impliqués dans le processus de sujétion, notamment par le don, mais aussi la grâce quand les sujets désobéissent (ex : lettres de pardon), qui permet à la justice royale de dominer toutes les autres justices (seigneuriales, ecclésiastiques et princières) et d’établir un lien de reconnaissance et d’amour entre le roi et ses sujets. Toutefois, le roi sait également être sévère face aux nobles qui le trahissent. C’est le cas de beaucoup comme de Olivier IV de Clisson décapité en 1343 pour s’être montré partisan des Anglais. Les successeurs de Philippe VI ont poursuivi dans cette voie jusqu’à Louis XI, sous le règne duquel se multiplient les procès politiques (concept d’Ira et gratia, la colère et la grâce).
Le choix de la date de 1515 pour conclure l’ouvrage est de dépasser les dates classiques de la fin du Moyen-Age (1453 et 1492) qui n’impliquent pas de signification politique profonde pour la France. En revanche, la date de 1515 marque l’avènement d’un monarque de la Renaissance, roi de guerre tout autant que de paix. Elle marque aussi, pour l’ensemble du royaume, un effacement des effets de la récession et une vigueur démographique retrouvée. Cette expansion ne se limite plus à Paris, mais se propage dans tous le royaume, comme le montrent les entrées fastueuses que le roi fait dans les villes. Toutes ces évolutions sont le fait de mutations lentes, qui se sont accélérées à partir de 1440 environ, mais elles font passe résolument d’un monde féodal à un État moderne.

PREMIERE PARTIE. LE ROYAUME DE FRANCE AUX XIVE ET XVE SIECLES : UNE CONJONCTURE DE CRISE

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