Fiche de lecture d’un des chapitres des « Thèmes » du manuel Atlande sur la question d’agrégation interne portant sur l’empire colonial français en Afrique des conquêtes aux indépendances.
La partie « Repères » est ICI.
L’ARGUMENTAIRE COLONIAL ET IMPÉRIAL (XIXe–XXe SIÈCLE)
L’expansion coloniale européenne des XIXe et XXe siècles, menée principalement par la France et le Royaume-Uni, s’est accompagnée d’un ensemble de discours justifiant la domination des territoires ultramarins. Ces discours, portés par des économistes, des juristes, des hommes politiques et des intellectuels, mêlent des arguments économiques, politiques, moraux, scientifiques et idéologiques. Ils permettent de légitimer la colonisation et de la présenter comme une entreprise nécessaire, voire bénéfique, tant pour les métropoles que pour les peuples colonisés.
I. L’économie au cœur de la colonisation?
1. Colonies, néomercantilisme et impérialisme
L’essor de l’impérialisme s’explique d’abord par des facteurs économiques. Dès le début du XXe siècle, Rudolf Hilferding (1910) décrit la transition vers un « capitalisme financier » qui intensifie la concurrence pour le partage du monde. John A. Hobson (1902) avance que la concentration des richesses entre les mains des classes supérieures entraîne une épargne excessive, nécessitant des débouchés extérieurs. La colonisation devient ainsi un moyen d’investir les surplus de capitaux et d’ouvrir de nouveaux marchés.
Pour Lénine (1917), l’impérialisme constitue le stade suprême du capitalisme, inévitablement tourné vers l’expansion pour sa propre survie. D’autres auteurs y voient un outil de préservation des élites, notamment militaires. Toutefois, ces analyses ne s’appliquent pas uniformément : le rôle colonial du Portugal ne s’explique pas par des besoins d’investissement massifs, et l’Italie, bien que tardivement industrialisée, développe également une politique impériale.
Les thèses néo-mercantilistes réapparaissent à la fin du XIXe siècle. Jules Ferry (1890) considère la colonisation comme la « fille de la révolution industrielle » : l’Europe, confrontée à la surproduction, a besoin de débouchés pour ses produits. Le commerce international explose, sa croissance dépassant celle de la production. Les colonies apparaissent alors comme des fournisseurs de matières premières et des marchés sûrs, surtout dans un contexte de retour du protectionnisme.
2. La colonisation profite-t-elle réellement aux métropoles ?
L’intérêt économique des empires coloniaux reste débattu. Jacques Marseille souligne les coûts importants pour la France, mais reconnaît aussi que l’empire constitue un partenaire commercial majeur : en 1913, il représente 13 % des exportations françaises et atteint 17,3 % en 1928. Après la Seconde Guerre mondiale, la zone franc absorbe plus de 42 % des exportations.
L’empire agit également comme un amortisseur économique, notamment lors de la crise des années 1930. Cependant, l’impact des décolonisations sur les économies européennes fut limité : les pays sans empire colonial enregistrèrent parfois des taux de croissance supérieurs. Marseille avance que le marché colonial aurait pu constituer un frein à la compétitivité, en maintenant artificiellement certains secteurs en déclin.
II. Les raisons politiques de la colonisation
1. La puissance politique et la concurrence impériale
Outre les motivations économiques, l’expansion coloniale répond à des enjeux politiques et géostratégiques. Au XIXe siècle, les colonies sont perçues comme des exutoires démographiques et des moyens d’étendre l’influence nationale dans un contexte de rivalités entre puissances européennes. Le « partage de l’Afrique » illustre cette logique de compétition, où chaque État cherche à étendre son empire pour ne pas laisser ses concurrents prendre l’avantage.
Après la défaite de 1871, la France voit dans l’empire colonial un moyen de restaurer sa puissance. Jules Ferry insiste sur la nécessité de l’expansion pour le prestige national, reléguant les arguments économiques au second plan. Économie et puissance deviennent indissociables : la richesse alimente la puissance, et celle-ci garantit la prospérité.
2. La mobilisation en faveur de l’expansion
La diffusion de l’idéologie coloniale passe aussi par des acteurs non étatiques. Les sociétés de géographie, créées dès les années 1820, puis les sociétés commerciales et maritimes à partir de 1870, promeuvent l’idée coloniale et la présentent comme une nécessité. Des associations, des groupes de pression et des partis coloniaux se forment dans les métropoles. En France, un groupe colonial actif à la Chambre des députés relaie l’idée de la grandeur française et de sa mission civilisatrice.
La presse participe à cette mobilisation, comme La Quinzaine coloniale, organe de l’Union coloniale française. L’opinion publique reste toutefois divisée : la droite nationaliste et les radicaux soutiennent l’expansion, tandis que certains socialistes la condamnent en bloc ou dénoncent ses excès.
III. La “mission civilisatrice” : une légitimation morale et idéologique
1. Une mission aux fondements religieux et laïcs
La colonisation est aussi présentée comme une entreprise morale, inspirée par l’idéologie du progrès. Elle vise à émanciper les peuples colonisés jugés « sauvages » ou « arriérés » et à leur apporter la lumière de la civilisation. Francis Garnier décrit ainsi la mission française comme celle « d’émanciper et d’appeler à la lumière » des peuples encore esclaves de l’ignorance. Rudyard Kipling évoque en 1899 le « fardeau de l’homme blanc », charge civilisatrice assumée par l’Occident.
Cette mission s’incarne dans la présence missionnaire, qui cherche à transformer les sociétés indigènes : lutte contre la polygamie, adoption de normes vestimentaires et comportementales européennes, instauration du travail forcé vu comme un apprentissage de la civilisation. La colonisation est également présentée comme une œuvre humanitaire, notamment lors de la conférence de Berlin (1885), où les puissances s’engagent à améliorer le sort des populations indigènes et à abolir l’esclavage.
2. Progrès moraux et progrès matériels
La christianisation est considérée comme un préalable indispensable à la civilisation, devant s’accompagner du commerce, perçu comme un vecteur d’interdépendance et de modernisation. L’action missionnaire s’étend à l’éducation, à l’hygiène et à la médecine, piliers de la mission civilisatrice.
La mise en valeur du territoire complète ce projet : seule la science occidentale est jugée capable de transformer la nature et d’amener le développement. La déforestation, la promotion de l’agriculture sédentaire et la sédentarisation forcée des nomades s’inscrivent dans cette logique de transformation économique et sociale. Ces politiques entraînent souvent résistances et révoltes.
3. Les nouvelles formes de légitimation
À partir de la fin du XIXe siècle, le discours colonial évolue pour intégrer la notion de protection des populations colonisées. Le bien-être devient un objectif en soi, non plus seulement un moyen. Après 1945, la notion de développement se substitue à celle de « mise en valeur ». En France, cette évolution se traduit par la création du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (1946). La Charte des Nations unies consacre en 1945 l’idée d’un développement respectueux des civilisations.
Conclusion
L’expansion coloniale européenne des XIXe et XXe siècles repose sur un argumentaire complexe et évolutif. Les justifications économiques — recherche de matières premières, débouchés et placements — s’articulent avec des considérations politiques liées à la puissance et au prestige des nations. La dimension idéologique, fondée sur la mission civilisatrice, complète ce discours en présentant la colonisation comme un projet émancipateur et universel. Enfin, les évolutions du XXe siècle introduisent de nouvelles formes de légitimation centrées sur le développement et le bien-être.
Cependant, ces discours, bien que puissants et efficaces pour légitimer l’expansion, dissimulent des contradictions profondes, des résistances nombreuses et des réalités coloniales souvent violentes et inégalitaires. Ils restent néanmoins fondamentaux pour comprendre la construction et la pérennisation des empires coloniaux modernes.
ADMINISTRER
Introduction : idéologie et pratiques de l’administration coloniale
L’administration coloniale française repose sur une tension fondamentale entre pouvoir autoritaire et discours civilisateur. Dans son ouvrage destiné aux futurs administrateurs coloniaux, Robert Delavignette illustre cette dualité :
• En 1939, il glorifie l’autorité de l’administrateur comme chef de l’empire, symbole de puissance et de domination.
• En 1946, il met l’accent sur leur dévouement envers les administrés, adaptation nécessaire à la nouvelle donne internationale de l’après-Seconde Guerre mondiale, marquée par l’essor du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Cette évolution révèle l’enjeu idéologique majeur de l’administration coloniale : légitimer la domination par la rhétorique de la “mission civilisatrice”, selon laquelle la colonisation est indispensable à la bonne gouvernance des sociétés “incapables” de s’administrer elles-mêmes ou d’exploiter leurs ressources.
Cependant, derrière ce discours, l’administration coloniale se caractérise par une négation du droit des colonisés à l’autodétermination, imposée sans leur assentiment et reposant structurellement sur la violence. Comme le souligne Arthur Girault dès 1904, les colonies sont “gouvernées par une main de fer”, assumant pleinement l’intimidation comme instrument de domination.
I. Divergence avec la métropole et différenciation
1. Une administration sans plan d’ensemble
L’administration coloniale n’a jamais suivi un plan global. Malgré l’existence d’organigrammes et d’une tradition de gestion à distance, il faut attendre 1894 pour que soit créé un véritable ministère des Colonies, issu d’un sous-secrétariat d’État (1881). Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ce ministère demeure marqué par le népotisme, la médiocrité administrative et l’absence de stratégie cohérente.
Cette faiblesse structurelle justifie une organisation coloniale dérogatoire, héritée des pratiques de l’Ancien Régime. Dès 1854, les colonies sont gouvernées par décrets exécutifs, sans intervention des assemblées représentatives, entérinant ainsi une divergence durable avec le régime métropolitain.
2. Droits limités et inégalités politiques
Les droits politiques dans les “vieilles colonies”, comme les Quatre communes du Sénégal (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar), sont réduits :
• Droit de vote rétabli seulement dans les années 1870.
• Corps électoral restreint et compétences électorales limitées au niveau local.
• Après 1945, l’égalité concrète avec les citoyens français reste difficile à atteindre malgré les réformes.
3. L’exemple algérien : laboratoire colonial
L’Algérie illustre l’expérimentation coloniale :
• Administration militaire jusqu’en 1870, puis civile.
• Création dès 1848 de trois départements sur le modèle français.
• En 1881, les colons européens obtiennent le rattachement de leurs services administratifs aux ministères métropolitains, créant confusion et abus, ce qui conduit en 1893 au rejet d’une continuité administrative avec la métropole.
Pour administrer les populations algériennes, l’armée met en place les “bureaux arabes” dès 1834. Ces structures, bien qu’intermédiaires entre colonisateurs et colonisés, se montrent paternalistes, autoritaires et souvent abusives. Après 1870, elles sont remplacées par des administrateurs civils européens, dotés de pouvoirs spéciaux liés au régime de l’indigénat.
II. L’art du commandement
1. Concentration des pouvoirs et autonomie coloniale
Le régime des décrets, maintenu jusqu’en 1946, marginalise le pouvoir législatif sur les questions coloniales, au motif qu’elles relèveraient d’une expertise inaccessible à distance. En pratique, les gouverneurs généraux, gouverneurs et administrateurs disposent d’un pouvoir quasi discrétionnaire. Ils exercent un véto de fait sur les décisions législatives et surveillent étroitement les magistrats coloniaux.
2. Commandants de cercle et coercition quotidienne
Dans les fédérations de l’AOF et de l’AEF, les administrateurs territoriaux portent le titre de commandants de cercle, révélateur d’un pouvoir autoritaire. Leurs principaux auxiliaires sont les gardes armés, souvent d’anciens tirailleurs recrutés pour :
• La collecte des impôts.
• Le recrutement militaire et de main-d’œuvre.
• La réalisation d’infrastructures et la mise en culture de produits destinés à la métropole ou au commerce mondial.
Cette administration coercitive vise l’exploitation maximale des ressources au moindre coût pour la métropole, les colonies étant réputées financièrement autonomes depuis 1900. Les guerres mondiales accentuent cette logique, provoquant épuisement, révoltes et renforcement du discours sur la “mission civilisatrice”.
3. Réformes et limites après 1946
Les lois Lamine Gueye (7 mai 1946) et Houphouët-Boigny (11 avril 1946) abolissent respectivement l’indigénat et le travail forcé. Toutefois, la double hiérarchie persiste :
• Entre administration territoriale et services techniques.
• Entre agents européens et indigènes, ces derniers restant cantonnés à des fonctions subalternes.
III. Une administration en noir et blanc
1. Afrique du Nord : dualisme administratif et ségrégation
Les trois territoires nord-africains présentent des formes administratives différenciées :
• Protectorats (Tunisie, Maroc) : structures traditionnelles (beylik, makhzen) maintenues mais progressivement dominées par des experts français.
• Algérie : logique de ségrégation entre Européens et Algériens.
• Création des communes mixtes (1868) administrées par un administrateur-maire.
• Conseillers municipaux élus par les Européens ; représentants algériens nommés et subordonnés.
• Délégations financières (1898) dominées par les Européens, contrôlant budget et fonction publique.
Même la réforme institutionnelle de 1947 échoue à réduire ce dualisme, les crédits destinés aux politiques en faveur des Algériens restant marginaux.
2. Afrique subsaharienne : “vrais chefs” et chefferie manipulée
Au sud du Sahara, les structures traditionnelles sont remodelées :
• Création artificielle de cantons regroupant plusieurs villages.
• Formation des “fils de chefs” à l’École des otages (fondée en 1856, refondée en 1892).
• Perte de légitimité des chefs traditionnels, menant parfois à leur abolition (Guinée, 1958).
La méfiance envers les fonctionnaires indigènes qualifiés conduit l’administration à leur préférer des anciens tirailleurs, bras armés de la coercition coloniale.
3. Expansion des services techniques et maintien des inégalités
Après 1945, l’administration se transforme sans se réformer :
• Les services techniques passent de 20 % des effectifs en 1939 à 48 % en 1954, concentrés sur l’agriculture, les travaux publics et la transmission d’informations.
• Malgré l’essor des services médicaux et éducatifs, le retard accumulé demeure considérable.
La ségrégation raciale s’accentue : les postes qualifiés restent réservés aux métropolitains, tandis que les Africains, majoritaires, sont confinés à des rôles subalternes, freinés par des formations insuffisantes. L’africanisation des cadres engagée après la loi-cadre de 1956 demeure limitée et ne corrige qu’à la marge ces déséquilibres structurels.
Conclusion
L’administration coloniale française, souvent présentée comme un projet rationnel et civilisateur, apparaît en réalité comme un système composite, coercitif et profondément inégalitaire.
• Elle repose sur la violence, la hiérarchisation raciale et une logique d’exploitation économique.
• Sa structure dérogatoire et sa dépendance à l’arbitraire administratif la distinguent profondément de l’appareil métropolitain.
• Malgré les réformes de l’après-guerre et les tentatives d’“africanisation”, elle conserve jusqu’à la fin de la période coloniale une organisation autoritaire et différentialiste, loin de l’image d’efficacité et de rationalité promue par la propagande coloniale.
REPRÉSENTER
La colonisation repose fondamentalement sur la négation de la capacité politique des peuples colonisés : elle leur dénie le droit de se gouverner eux-mêmes et, par conséquent, celui d’être représentés. Cette logique d’exclusion est constitutive du projet colonial.
Cependant, dans la pratique, les autorités coloniales ont souvent octroyé certains droits politiques de façon limitée et différenciée, notamment pour des raisons de gestion politique. Elles ont cherché à coopter certaines élites locales, à répondre aux revendications des colons d’origine métropolitaine et à justifier leur entreprise en invoquant une mission civilisatrice consistant à initier les colonisés aux principes de la démocratie occidentale.
Malgré ces discours idéologiques (assimilation, colonisation « éthique » ou « démocratique »), la réalité des institutions représentatives coloniales fut très variable selon les territoires et les périodes. Après 1945, ces institutions évoluèrent vers des formes formellement démocratiques, sans toutefois remettre en cause les fondements hiérarchiques et inégalitaires de la domination coloniale.
I. Logiques coloniales de représentation: l’assimilation et ses verrous
Dans certaines colonies françaises, notamment l’Algérie et les Quatre communes du Sénégal, la représentation politique en métropole fut mise en place dès 1848, dans un contexte marqué par l’abolition de l’esclavage et l’idéologie assimilationniste. Durant les années 1870-1880, cette représentation connut un renouveau, avec la création de sièges supplémentaires pour les élus coloniaux, notamment en Algérie où un lobby colonial parvint à se constituer.
Toutefois, cette dynamique fut rapidement freinée. La représentation coloniale fut contestée pour plusieurs raisons : dénonciation de fraudes électorales, promotion d’une politique d’association plutôt que d’assimilation, et réticence des autorités coloniales elles-mêmes. Le système électoral engendrait des déséquilibres importants, notamment une surreprésentation des électeurs coloniaux avant 1945, suivie d’une sous-représentation après l’élargissement du corps électoral.
La montée du racisme au tournant du XXᵉ siècle constitua un frein majeur à l’assimilation. La citoyenneté accordée aux habitants des Quatre communes devint un héritage embarrassant que l’administration chercha à effacer. L’élection de Blaise Diagne en 1914 illustra à la fois une brèche dans ce système et son caractère exceptionnel. Les naturalisations restèrent extrêmement rares : entre 1914 et 1922, seules 239 furent accordées sur 50 millions de sujets coloniaux.
Les « verrous » de l’assimilation furent donc mis en place dès la fin du XIXᵉ siècle. Même le tournant de 1946, imposé par les députés coloniaux dans le contexte de la IVᵉ République, ne les fit pas totalement sauter.
II. Expériences et crispations
1. Laboratoires municipaux
Les institutions représentatives mises en place au niveau local fonctionnaient souvent comme des expériences contrôlées par l’administration. La municipalité de Conakry (1904), par exemple, était une commune mixte dirigée par un administrateur-maire entouré de notables nommés, reflet d’un modèle consultatif plus qu’électif.
La promesse d’une évolution vers le suffrage universel masculin resta lettre morte : l’élection d’un conseil municipal à Kaolack en 1925, dominé par des Africains, entraîna un recul de la politique d’ouverture. Même après 1945, les conseils municipaux restèrent dirigés par des administrateurs coloniaux.
La distinction entre commune mixte (sous tutelle administrative) et commune de plein exercice (avec élections) constitue une spécificité du système colonial français. En Algérie, ce modèle accentua les inégalités : les colons votaient au suffrage universel masculin, tandis que les Algériens étaient soumis à un suffrage censitaire qui les minorait dans les conseils municipaux. De plus, ils étaient exclus de l’élection du maire et de ses adjoints.
Le système fiscal illustre cette iniquité : les impôts payés par les sujets algériens étaient gérés par des conseils dominés par les colons et orientés vers leurs propres intérêts. Ce n’est qu’après 1947 que la participation des Algériens aux municipalités s’élargit légèrement, sans effacer les déséquilibres structurels.
2. Façades représentatives et illusion dyarchique
Hors des centres urbains, la représentation locale reposait sur des dispositifs encore plus fragiles et instrumentalisés. Les assemblées villageoises traditionnelles (djemaa) furent restaurées en 1919, mais leur fonctionnement fut largement contrôlé par l’administration. Dans les communes mixtes, les élections furent souvent biaisées ou annulées, tandis que les communes de plein exercice refusaient fréquemment de les organiser.
Les autorités coloniales multiplièrent les conseils consultatifs composés de notables désignés et censés représenter les populations colonisées, mais dont les pouvoirs étaient très limités. Toutefois, ces espaces purent servir de tribunes de contestation et influencer indirectement les évolutions politiques, comme le montre l’exemple du conseil général du Sénégal, transformé en conseil colonial en 1920.
En Algérie, la création en 1898 des Délégations financières illustre la mise en place de structures représentatives très inégalitaires. Les électeurs étaient répartis en trois collèges selon leur statut économique, les colons étant largement favorisés. Ces institutions, purement consultatives, n’étaient qu’une concession symbolique faite aux Européens et furent exportées ailleurs dans l’empire (Madagascar, AOF) sous des formes encore plus limitées.
Les tentatives de réforme échouèrent régulièrement face à la résistance coloniale, comme le montre l’échec du projet Blum-Viollette (1937). Le système du double collège électoral – séparant citoyens et sujets – faussait la représentation en maintenant la domination numérique et politique des colons, même lorsque le nombre d’électeurs algériens augmentait.
3. Des démocratisations truquées ?
L’ordonnance de mars 1944, qui accorda le droit de vote à tous les Algériens de plus de 21 ans, mit fin au suffrage censitaire mais maintint le double collège électoral. Cette mesure suscita un rejet important : plus de la moitié des Algériens refusèrent d’être inscrits dans le collège européen. De plus, une autre forme d’exclusion perdura : les Françaises d’Algérie obtinrent le droit de vote alors qu’il fut refusé aux Algériennes jusqu’en 1958.
Dans l’ensemble des colonies françaises, le système fut étendu sous la forme de collèges séparés entre citoyens français et citoyens de l’Union française. Le premier bénéficiait du suffrage universel, tandis que le second restait soumis à des critères scolaires, sociaux ou censitaires. Cette évolution produisit une croissance rapide mais désordonnée du corps électoral, comme au Sénégal où il passa de 21 000 électeurs en 1940 à 1,1 million en 1958.
Pourtant, cette démocratisation fut largement fictive. Elle fut entachée de manipulations administratives, de soutien officiel à certains candidats, de fraudes électorales et d’une mise en œuvre précipitée. L’objectif principal restait de conserver le contrôle politique tout en affichant une image de progrès démocratique.
Conclusion : Représentation coloniale et paradoxes démocratiques
La représentation politique dans les colonies françaises s’est construite sur un ensemble de paradoxes et de contradictions. Elle oscilla entre exclusion et intégration limitée, discours universalistes et pratiques discriminatoires. L’assimilation, souvent invoquée, fut ralentie par le racisme et par des mécanismes institutionnels d’exclusion. Les structures représentatives locales furent pour la plupart instrumentalisées par l’administration, servant davantage d’outils de contrôle que de véritables espaces politiques.
Même après 1945, les réformes démocratiques restèrent incomplètes et contrôlées, maintenant la hiérarchie coloniale sous des formes renouvelées. La prétendue « démocratisation » des institutions coloniales fut souvent truquée, préservant l’ordre colonial sous des apparences de participation.
Ainsi, la colonisation n’a pas seulement nié la souveraineté politique des peuples colonisés ; elle a aussi façonné des formes spécifiques de représentation qui ont contribué à légitimer et à perpétuer la domination impériale.
EXPLOITER
I. Le drainage des ressources
Une exploitation coloniale fondée sur le pillage
Le drainage des ressources coloniales succède à la conquête et s’inscrit dans une logique d’extraction et de spoliation plutôt que de mise en valeur des territoires. Confiée à des acteurs privés, cette exploitation consiste principalement à piller les richesses naturelles et à les exporter vers la métropole. La confiscation des meilleures terres agricoles par les colons et l’orientation des économies locales vers la production de matières premières destinées à l’exportation renforcent la dépendance vis-à-vis de la métropole.
La monoculture imposée pour les besoins des marchés européens se fait au détriment des cultures vivrières, et la concurrence des produits importés condamne l’artisanat local. Ces dynamiques contribuent à désorganiser les économies domestiques, parfois jusqu’à provoquer des famines.
L’idée d’une valorisation industrielle sur place n’apparaît que timidement dans les années 1920 et ne se concrétise réellement qu’à la veille des indépendances.
1. Le drainage au cœur de l’entreprise coloniale
Des conditions différenciées selon les territoires
L’exploitation des ressources varie selon les régions. L’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) se prête plus aisément à l’exploitation, du fait de sa proximité géographique avec la métropole et d’un modèle de colonisation de peuplement, notamment en Algérie, qui bénéficie de financements importants. Dans les protectorats, les élites locales facilitent les activités coloniales.
En revanche, en Afrique subsaharienne (AOF, AEF), l’exploitation à grande échelle rencontre de nombreux obstacles : immensité des territoires, méconnaissance géographique, manque d’administrateurs, rareté de la main-d’œuvre, faiblesse des infrastructures et des capitaux. Le nombre très réduit de colons empêche également une appropriation foncière massive.
Madagascar constitue une exception grâce à la diversité de ses ressources, favorable à l’investissement colonial.
Justifications idéologiques et économiques
Si Jules Ferry justifie la colonisation par la recherche de débouchés économiques pour l’industrie européenne, l’exploitation des ressources naturelles devient rapidement un argument central. Lyautey, par exemple, affirme que les colonies regorgent de richesses qu’il convient d’extraire pour la métropole. Ces discours visent à attirer des capitaux privés vers des territoires jugés peu rentables.
Cependant, cette exploitation demeure largement improvisée : compagnies privées, colons et commerçants locaux s’approprient les ressources et les exportent sans plan d’ensemble.
2. Modalités : spoliation, économie de traite et cultures d’exportation
Spoliation foncière et appropriation des ressources
Dès les débuts de la colonisation, l’accaparement des terres constitue une étape préalable essentielle. En Algérie, la confiscation débute dès 1840, suivie par l’adoption de législations agraires favorables aux colons. L’installation de centres de colonisation accompagne ce processus.
L’introduction de nouvelles cultures ne connaît pas toujours le succès, mais l’essor de cultures spéculatives se poursuit, entraînant la disparition progressive de l’agriculture locale. Les élites locales, notamment en Tunisie, cèdent leurs terres aux Européens ou à de grandes sociétés, accélérant le transfert foncier.
Économie de traite et monoculture
L’exploitation minière (fer, plomb, phosphate) est rapidement monopolisée par des sociétés capitalistes. L’expansion des ports et plantations au Maroc illustre cette dynamique, profitant quasi exclusivement aux colons. Les produits artisanaux disparaissent progressivement des exportations, marquant la perte d’indépendance économique.
En Afrique subsaharienne, le modèle est plus brutal. En AEF, des compagnies concessionnaires européennes détiennent des monopoles d’exploitation, investissant peu et limitant la production à la cueillette (bois, caoutchouc) échangée contre des produits manufacturés. En AOF, des maisons de commerce collectent coton, bananes, caoutchouc ou bois, fixent les prix et assurent l’exportation brute.
La monoculture s’impose progressivement, souvent dans le cadre de petites plantations autochtones sous-équipées. Certaines sociétés, comme la SCOA, s’enrichissent rapidement, séduisant les investisseurs métropolitains.
Conséquences économiques et sociales
L’essor des exportations marginalise les cultures vivrières, comme au Sénégal où la production d’arachides dépasse largement celle du mil à la veille de la Première Guerre mondiale.
L’exploitation coloniale profite avant tout aux colons et concessionnaires, tandis que les territoires colonisés subissent un appauvrissement structurel, marqué par la destruction des économies locales, les famines, les guerres et la crise des années 1930.
3. Du pillage à la mise en valeur : vers une politique coloniale organisée
Mobilisation des ressources pendant la Première Guerre mondiale
La guerre entraîne une intensification des réquisitions et l’instauration de cultures obligatoires pour soutenir l’effort de guerre. L’État achète tous les produits stratégiques, comme le ricin, indispensable à l’aviation. Cependant, ces mesures aggravent les pénuries alimentaires.
Le plan Sarraut et la réorientation économique
Après 1918, la crise démographique révèle l’échec de l’économie de traite. Albert Sarraut propose en 1921 un plan de valorisation concentrant les efforts sur certains gisements ou centres de production pour maximiser les ressources. Ce projet stimule l’activité des sociétés coloniales malgré un financement public limité.
La poursuite des cultures obligatoires et le regroupement forcé des populations permettent les premières plantations de coton, mais provoquent des déplacements de populations et de faibles rendements.
Vers la spécialisation économique et la concentration du capital
Dans les années 1930, les cultures deviennent progressivement volontaires et plus rentables (bananes, café, cacao), et la spécialisation des économies coloniales s’accentue.
L’AEF sort plus lentement de la stagnation : la collecte du caoutchouc décline, les cultures obligatoires se développent, et l’industrie forestière démarre. La crise mondiale aggrave la pauvreté, retardant les effets positifs jusqu’en 1936.
Industrialisation et réformes après 1940
La Seconde Guerre mondiale accélère la rationalisation de la production. La conférence de Brazzaville (1944) annonce une redistribution des richesses et un programme d’investissements publics. La création du FIDES (1946) favorise l’équipement, mais le développement demeure extraverti et inégal.
Les exportations progressent plus rapidement que les importations, mais les bénéfices restent concentrés dans les mains européennes. L’exploitation de ressources minières et agricoles provoque des transformations sociales majeures, notamment un exode rural important.
Malgré cela, les colonies n’apportent pas à la France toutes les matières premières nécessaires, et la décolonisation laisse des territoires appauvris, dépourvus d’industries intermédiaires et de cultures vivrières.
II. Le travail forcé
1. Le travail forcé comme moyen de “civiliser” (1887-1930)
Une coercition justifiée par l’idéologie coloniale
Avec l’abolition de la traite négrière, les puissances européennes cherchent à organiser la production sur place. Face à la pénurie de main-d’œuvre et aux faibles salaires, l’administration coloniale recourt à des moyens coercitifs.
Le travail forcé est justifié comme une mesure éducative destinée à corriger la “paresse” supposée des Africains. Le code de l’indigénat (décret de 1887) confère aux administrateurs coloniaux un large pouvoir disciplinaire, leur permettant d’imposer des travaux publics et privés.
Cette pratique devient essentielle à la construction d’infrastructures, au développement agricole et à l’extension de l’économie monétaire.
2. Les cinq formes du travail forcé
- Réquisition : mobilisation non réglementée pour des tâches variées (portage, chemins de fer, télégraphes).
- Prestation : corvée imposée en plus de l’impôt, de durée variable selon les colonies, pour la construction d’infrastructures.
- Deuxième portion du contingent militaire : détournement du service militaire en main-d’œuvre obligatoire pour les chantiers publics.
- Main-d’œuvre pénale : utilisation de prisonniers sur des chantiers publics ou privés.
- Cultures obligatoires : imposition de cultures destinées à l’exportation (café, cacao, hévéa, bananes, sisal).
3. Vers la suppression du travail forcé (1930-1946)
Résistances et réformes
Le travail forcé entraîne abus et injustices, suscitant des résistances, d’abord individuelles (désertions), puis collectives (revendications pour de meilleures conditions).
Le Front populaire initie les premières réformes : ratification de la Convention de Genève et généralisation du rachat des prestations (1938). La loi Houphouët-Boigny du 11 avril 1946 abolit officiellement le travail forcé, bien que certaines formes persistent jusqu’en 1956.
III. Le travail libre salarié : entre “modernité” coloniale et subversion
1. Diversité et hiérarchies du salariat
Le salariat colonial demeure numériquement limité (2,15 % en AOF en 1951), concentré dans les colonies les plus développées.
La hiérarchie des emplois recoupe les hiérarchies raciales : les Européens occupent les postes les plus qualifiés, les Africains les postes subalternes ou non qualifiés.
Le salariat peut représenter une ascension sociale (cheminots, ouvriers qualifiés) ou traduire une grande précarité (travail saisonnier, prolétariat flottant). Il reflète la transformation des économies coloniales vers des structures duales.
2. Des réglementations spécifiques
Le Code du travail français n’est pas appliqué dans les colonies avant 1952. Les colonies sont soumises à un régime d’exception, motivé par des considérations économiques (main-d’œuvre bon marché) et raciales (prétendue “immaturité” des Africains). La protection des travailleurs reste tardive.
3. Reconnaissance du travailleur salarié et syndicalisation
L’organisation syndicale est longtemps interdite. Des associations professionnelles sont autorisées en 1937, mais sous conditions restrictives (maîtrise du français, procédures de conciliation).
Après 1944, le syndicalisme se développe et devient un outil de résistance. Les grèves, souvent réprimées, constituent un moyen de revendiquer des droits professionnels et politiques.
La revendication majeure est l’égalité de droits avec les travailleurs métropolitains. Sous la pression des mouvements sociaux, la France introduit progressivement des réformes : création de services d’inspection du travail (1946) et application du Code du travail dans les colonies (1952).
Dans ce contexte, les grèves prennent une dimension politique et deviennent un moyen d’expression pour des populations privées de droits politiques.
Conclusion
L’exploitation coloniale, centrée sur le drainage des ressources et l’utilisation du travail forcé, a profondément transformé les sociétés africaines sans leur permettre un développement autonome. Les réformes de l’entre-deux-guerres et de l’après-Seconde Guerre mondiale ont amorcé une transition vers la mise en valeur et le travail libre, mais sans remettre en cause la structure de domination coloniale. À la veille des indépendances, les économies colonisées restent extrêmement dépendantes, fragiles et désindustrialisées, tandis que les inégalités raciales et économiques héritées de la colonisation continuent de structurer les sociétés postcoloniales.
TAXER
I. L’impôt
L’impôt constitue l’un des instruments les plus significatifs de la domination coloniale française en Afrique. Il incarne un attribut de la souveraineté pour les colonisateurs et un instrument de la “mission civilisatrice” revendiquée par la France. Du point de vue des colonisés, il est perçu comme une contrainte injuste et un fardeau économique.
Dès la loi de finances du 13 avril 1900, la France affirme que les colonies doivent être financièrement autonomes et ne rien coûter à la métropole. Ainsi, l’impôt sert principalement à financer l’État colonial, notamment les dépenses militaires et les salaires des fonctionnaires.
Au-delà des droits de douane, dont le régime varie selon les territoires et les périodes, ce sont surtout les contributions directes qui pèsent lourdement sur les populations, lesquelles se voient paradoxalement contraintes de financer leur propre domination.
1. L’impôt, un attribut de la souveraineté
Bien que des formes d’imposition aient existé en Afrique avant la colonisation (tributs en nature, corvées, part de la production agricole), l’État colonial transforme profondément leur nature et leur finalité.
Dans les protectorats, les impôts préexistants sont souvent maintenus, mais dans les colonies, ils sont désormais perçus au profit de la puissance coloniale, marquant ainsi sa souveraineté issue du droit de conquête.
Les autorités coloniales considèrent les recettes fiscales comme un indicateur de leur domination. Dès 1843, un fonctionnaire en Algérie qualifie les recettes fiscales de “thermomètre le plus fiable” de la domination française, et Gallieni parle de l’impôt comme de la “véritable manifestation de l’autorité”.
Cependant, la perception de l’impôt repose en grande partie sur les autorités indigènes. Cela permet à la fois d’atténuer le mécontentement populaire en confiant cette tâche impopulaire à des intermédiaires locaux, et de pallier les lacunes d’une administration coloniale trop faible pour remplir seule l’ensemble des fonctions étatiques.
2. Imposer la “loi du travail”
Pour l’administration coloniale, l’impôt dépasse sa seule fonction budgétaire : il est également conçu comme un instrument de transformation sociale et de “mise au travail” des populations africaines.
En effet, pour s’acquitter de l’impôt, les colonisés sont contraints de produire des denrées commercialisables ou de recourir au salariat. Cette contrainte est justifiée par un discours colonial qui stigmatise la “paresse” supposée des Africains : Gallieni considère l’impôt comme “le stimulant indispensable de l’énergie indigène”.
L’impôt évolue vers une forme individualisée, passant d’une contribution collective (par village ou par case) à une capitation (impôt par tête), imposée à tous les hommes en âge de travailler (dès 16 ans) et parfois même aux femmes. Cette évolution vise aussi à favoriser la monétarisation des économies africaines. Alors qu’à la fin du XIXᵉ siècle, les paiements en nature sont encore acceptés, ils sont progressivement remplacés par des paiements en numéraire.
Des exemples illustrent cette transformation :
• Au Dahomey, les paiements en cauris (coquillages servant de monnaie) sont interdits en 1907 face à leur afflux massif.
• À Madagascar, Gallieni remplace les prestations en travail héritées du régime monarchique par une capitation monétaire, tout en augmentant fortement son montant (de 2,50 francs à 10, 15 voire 20 francs entre 1900 et 1905).
L’instauration de ce régime fiscal suppose l’enregistrement des contribuables et un contrôle de leurs déplacements, mais ces dispositifs restent approximatifs et laissent place à de nombreux abus de la part des collecteurs.
II. La marque de l’assujettissement
L’individualisation de l’impôt, son extension aux femmes et son augmentation constante transforment l’impôt en un symbole d’assujettissement colonial. Une lettre adressée en 1911 par cinq chefs du Kouilou (Gabon) témoigne de la détresse des populations, notamment des femmes, dépourvues de moyens pour s’acquitter de leurs obligations fiscales.
Le poids de la contribution varie selon les ressources, la prospérité et le degré de monétarisation de la région. Elle représente quelques semaines de salaire pour un ouvrier (0,10 à 0,50 franc par jour à Madagascar vers 1900), mais jusqu’à trois ou quatre mois pour un cultivateur. Pour s’acquitter de l’impôt, les familles vendent leur bétail ou leur production à bas prix, et les jeunes hommes migrent temporairement pour travailler sur des chantiers ou des plantations.
L’impôt agit ainsi comme un facteur de mobilité du travail, mais il déstabilise aussi profondément les sociétés rurales. Sa perception est marquée par la coercition : gardes envoyés dans les villages, emprisonnements fréquents, et inscription du non-paiement parmi les principales infractions aux codes de l’indigénat.
En Algérie, l’impôt se double d’une inégalité raciale : jusqu’en 1919, seuls les musulmans sont soumis aux “impôts arabes” hérités de l’époque ottomane. Même après l’instauration d’un régime fiscal plus équilibré, les impôts indirects, pesant davantage sur les bas revenus, restent prédominants. La fiscalité s’alourdit jusqu’aux années 1930, période marquée par de mauvaises récoltes et des difficultés de recouvrement. Les pénalités continuent à s’appliquer principalement aux contribuables musulmans.
Enfin, l’impôt sur le revenu, instauré en métropole en 1914, ne s’applique dans les colonies qu’en 1956 avec la loi-cadre, tandis que la capitation, symbole du mécontentement, est abolie au moment des indépendances.
Face à cette fiscalité lourde et coercitive, les populations africaines développent de multiples formes de résistance : sous-déclaration des adultes, dissimulation de bétail, résistance passive ou fuite. Dans certaines régions, les contribuables refusent de payer spontanément, préférant attendre la venue des percepteurs ou même risquer l’emprisonnement, comme à Madagascar ou en Haute-Volta.
Le refus fiscal entraîne parfois des mouvements de fuite vers des zones refuges (forêts, brousse), comparés à un “marronnage colonial”, ou des migrations transfrontalières temporaires vers des colonies voisines, comme chez les Joola de Casamance, qui pratiquent une “politique de la bascule” vers la Gambie britannique ou la Guinée portugaise.
III. Les douanes, un problème impérial
Les droits de douane représentent une autre source importante de revenus, mais leur réglementation relève souvent du niveau impérial et révèle des contradictions entre les intérêts de la métropole et ceux des colonies.
Sous le Second Empire, les colonies obtiennent en 1866 le droit de fixer elles-mêmes leurs tarifs douaniers. La Troisième République, influencée par le protectionnisme consécutif à la Grande Dépression (1873-1896), aligne ensuite le régime douanier colonial sur celui de la métropole. Selon le ministre Jules Méline (1892), les colonies doivent offrir des débouchés aux produits français pour justifier la politique coloniale.
Les recettes douanières fluctuent en fonction de la conjoncture et s’effondrent durant la crise des années 1930, accentuant le poids des impôts directs sur les colonisés. Des exceptions existent, notamment en raison d’accords internationaux : la conférence de Berlin (1884-1885) crée un “bassin conventionnel du Congo” en libre-échange, et le protectorat français sur la Tunisie doit respecter les traités commerciaux conclus par la Régence avant l’occupation.
Conclusion
L’impôt colonial fut bien plus qu’un simple outil financier : il représenta un levier politique, social et économique majeur du système impérial français. Il affirma la souveraineté coloniale, structura les rapports de domination et fut utilisé comme moyen de transformation forcée des sociétés africaines vers l’économie monétaire et le salariat.
Mais il fut également un symbole d’assujettissement et une source de profondes résistances, individuelles comme collectives. Les droits de douane, en parallèle, témoignent des tensions entre les logiques impériales et les réalités coloniales.
L’ensemble de ces politiques fiscales a laissé des traces durables dans les sociétés africaines, influençant leurs dynamiques économiques, sociales et politiques bien au-delà de la période coloniale.
CONTRÔLER
I. Droit et justice
1. Une complexité structurelle du droit colonial
Le droit et la justice dans les sociétés coloniales françaises ne résultent pas d’une simple transposition des institutions métropolitaines. Loin du modèle « diffusionniste » critiqué par l’historiographie, ils se construisent dans l’interaction avec les structures locales et dans des contextes spécifiques.
• Hybridité juridique : accumulation de textes successifs, juxtaposition de dispositions locales antérieures et de droit métropolitain partiellement appliqué.
• Institutions hybrides : superposition de tribunaux importés, adaptés au contexte colonial, et de formes de justice précoloniales, parfois réformées.
• Production législative : principalement assurée par le pouvoir exécutif (décrets, arrêtés), entraînant une inflation normative et un manque de cohérence (Singaravélou, 2011).
• Logique impériale : tension entre uniformisation et différenciation (Burbank & Cooper, 2008), visant à concilier intégration dans l’empire et reconnaissance des diversités locales.
2. Droit civil et droit pénal : des logiques différenciées
Les autorités coloniales appliquent des politiques contrastées selon la matière juridique :
• Droit civil : maintien des règles locales sur le statut personnel (famille, mariage, filiation, héritage) perçues comme structurantes pour l’ordre social. Les réformes sont rares, prudentes et visent à ne pas menacer la domination coloniale (ex. code Morand de 1916 en Algérie, réforme partielle du statut des femmes kabyles en 1930). La codification du droit coutumier en AOF (1939) illustre la volonté d’encadrer sans bouleverser.
• Droit pénal : plus fortement remanié, notamment par l’introduction de peines d’emprisonnement jugées « civilisatrices » (Bernaul, 1999). Définir de nouvelles infractions est jugé moins risqué que modifier le statut personnel.
Cette dualité reflète une logique pragmatique : préserver la domination politique tout en affirmant l’autorité coloniale.
3. Nationalité et citoyenneté : hiérarchies juridiques et raciales
Le régime colonial établit une hiérarchie juridique complexe :
• Citoyens français : jouissent pleinement des droits politiques.
• Indigènes : sujets français dépourvus de droits politiques complets, exclus de certains emplois publics. L’accès à la citoyenneté suppose l’abandon du statut personnel (sénatus-consulte de 1865).
• Protégés : sujets des protectorats (ex. Tunisiens), « protégés » français pouvant être naturalisés sous conditions similaires.
La notion de « race », bien que rarement explicite, imprègne ces distinctions : elle inclut des critères sociaux et culturels (langue, éducation, maîtrise des codes coloniaux) (Saada, 2007).
La Constitution de 1946 (IVe République) bouleverse cet édifice en proclamant la citoyenneté pour tous les habitants de l’Empire, sans supprimer pour autant les statuts personnels.
4. Pluralisme juridique et hiérarchisation coloniale
Le pluralisme juridique — coexistence de plusieurs ordres normatifs — est au cœur du système colonial.
• En matière civile, il découle du maintien des statuts personnels.
• En matière pénale, il s’explique par la survie de juridictions autochtones réformées.
Ce pluralisme érige des barrières entre groupes sociaux soumis à des droits différents. La compétence juridictionnelle dépend de la nature de l’affaire et de l’identité des parties. Le Code civil s’applique intégralement aux Européens et régit les contrats avec des sujets coloniaux.
Des cas « inclassables » (métis, convertis, couples mixtes, habitants des Quatre communes) mettent en lumière les tensions entre assimilation et respect des coutumes. Les réformes successives (1857–1912) tentent de résoudre ces contradictions en adaptant les juridictions selon les contextes.
La circulaire de 1905 d’Ernest Roume illustre l’ambivalence coloniale : respect des coutumes jugées compatibles avec la « civilisation française », mais volonté de codification pour limiter l’arbitraire et transformer les sociétés colonisées.
5. Des subalternes acteurs du système juridique
Loin d’être de simples objets du droit colonial, les populations colonisées s’approprient les institutions mises en place. Les litiges commerciaux, par exemple, révèlent des dynamiques économiques locales (Roberts, 1990).
Le recours à la justice intervient souvent après l’échec de mécanismes de résolution traditionnels, révélant une interaction constante entre normes coloniales et pratiques locales.
II. Le régime pénal de l’indigénat
1. Limites de la judiciarisation et répression administrative
Le régime pénal de l’indigénat illustre la primauté de l’administration sur la justice dans la répression coloniale.
• Mesures : séquestre des biens, amendes collectives, internement administratif, pouvoirs disciplinaires des agents coloniaux.
• Absence de véritable « code » : législation dispersée, souvent légalisant des pratiques antérieures à la conquête.
• Exemples : en Algérie (1898–1910), plus de 20 000 peines disciplinaires par an contre quelques milliers de procès judiciaires (Thénault, 2012).
2. Évolutions et exemptions
• Suppression progressive entre 1944 et 1946.
• En Algérie, déclin après 1919 sous l’effet de trois facteurs : exemptions (400 000 personnes), réforme fiscale (suppression des « impôts arabes »), changement de la nature de l’opposition (essor des partis nationalistes).
• En Afrique subsaharienne, fluctuations liées à la conjoncture économique (hausse dans les années 1930).
• Exemptions fondées sur des critères sociaux et culturels : anciens combattants, diplômés, propriétaires, commerçants, femmes (à partir de 1929).
Ces exemptions révèlent la hiérarchisation raciale et sociale de la répression coloniale.
3. Droit, violence et domination
L’interprétation classique considère le régime de l’indigénat comme une tentative de légaliser la violence coloniale. Gregory Mann conteste cette vision : la sous-administration entraîne des violences extra-légales persistantes (flagellations, humiliations) exercées par les gardes-cercles et commandants de cercle.
Taylor C. Sherman propose le concept de « réseau coercitif », combinant pratiques légales et illégales pour assurer la domination. Le niveau de violence reste systématiquement plus élevé qu’en métropole.
III. Police et maintien de l’ordre
1. Un ordre sans consentement
Contrairement aux sociétés européennes où l’ordre s’appuie sur l’adhésion sociale et la légitimité démocratique, les sociétés coloniales reposent sur la coercition. L’ordre colonial est imposé sans consensus, dans un contexte de domination politique et d’absence d’incorporation des normes coloniales.
2. Une police partiellement étatisée et sous-administrée
• Faiblesse chronique des effectifs et implantation limitée, décrite comme des « îlots de domination » (Blanchard, Deluermoz, Glasman, 2012).
• Participation directe des colons, notamment lors des insurrections, par la formation de milices.
• Exemple : dans les Aurès, quelques gendarmes et volontaires assurent l’ordre sur un vaste territoire (Tillion et Wood, 2001).
3. Articulation avec les structures locales
• Réutilisation de structures précoloniales : ex. chefs de canton à Madagascar issus de l’organisation monarchique.
• Rôle central des intermédiaires locaux, illustrant la notion d’agency : négociations implicites et « transactions collusives » entre administrateurs et populations.
• Exemple : les grandes familles des Aurès maintiennent l’ordre par le contrôle social.
• Recrutement largement local : à Madagascar, 76 % des agents de police sont malgaches en 1905, bien que l’encadrement reste européen.
4. Police et armée : une frontière poreuse
• Missions souvent communes et démonstrations de force conjointes.
• Recrutement partagé : anciens soldats, prisonniers de guerre.
• Utilisation du concept de « races martiales » dans le recrutement des forces de l’ordre.
• Encadrement et formation souvent assurés par des officiers militaires.
Le maintien de l’ordre colonial repose sur un usage intensif de la force et sur la participation massive des colonisés eux-mêmes, dans un contexte d’État faiblement légitime et sous-administré.
Conclusion
Le contrôle colonial français s’appuie sur un ensemble d’instruments – droit, justice, répression, police – caractérisés par leur hybridité, leur complexité et leur pluralité. Loin d’être de simples copies des institutions métropolitaines, ces dispositifs s’articulent aux structures locales et s’adaptent aux réalités coloniales.
Ils reposent sur une hiérarchisation juridique et raciale, un pluralisme normatif, et sur l’articulation constante entre coercition et négociation.
La violence, loin d’être contenue par le droit, le traverse et le dépasse, participant d’un « réseau coercitif » qui assure la domination impériale. Enfin, les populations colonisées ne sont pas de simples victimes passives : elles participent, négocient, contournent et parfois détournent les institutions coloniales, révélant leur agency au cœur même de l’ordre impérial.
RÉPRIMER
Introduction : formes et fonctions de la répression coloniale
La répression constitue un élément fondamental de la domination coloniale. Elle prend des formes multiples :
• Répression judiciaire et politique : dissolution d’organisations contestataires, arrestation de leurs dirigeants, censure de la presse, interdiction de réunions et manifestations.
• Répression administrative : mise en œuvre du régime pénal de l’indigénat, qui permettait aux autorités coloniales de sanctionner arbitrairement les « indigènes ».
Ces pratiques révèlent que la violence n’est pas un accident dans le contexte colonial, mais une composante structurelle et permanente de la domination, liée à l’imposition d’une tutelle étrangère dans l’histoire d’un territoire et de sa population.
I. Des violences extrêmes
1. Formes de la violence coloniale
Les violences exercées dans le contexte colonial frappent par leur intensité et leur brutalité, souvent indépendamment de toute répression directe :
• Exécutions sommaires, massacres de civils (y compris femmes et enfants), destructions de villages, pillage et rafles.
• Exemple emblématique : la mission Voulet-Chanoine (1898-1899), censée marquer la progression française vers le lac Tchad, dégénère en une campagne sanglante marquée par des massacres massifs, justifiés a posteriori par la « maladie coloniale ».
2. Violence banalisée et légitimée
La répression violente est considérée comme une pratique ordinaire et légitime envers les sujets coloniaux.
• Exemple : en Algérie en 1857, le procès du capitaine Doineau révèle l’existence d’un droit de vie et de mort exercé arbitrairement par les administrateurs coloniaux.
3. Violences en dehors des normes juridiques
Les autorités coloniales utilisent des armes interdites et violent le droit international.
• Exemple : l’utilisation du napalm pendant la guerre d’indépendance algérienne, dissimulée sous l’expression de « bidons spéciaux ».
4. Violences de masse et bilans incertains
Les répressions coloniales atteignent souvent une échelle massive, rendant les bilans difficiles à établir.
• Exemple : en Algérie en 1945, les estimations des victimes varient de 1 500 (sources françaises) à 45 000 (sources nationalistes), les historiens situant le chiffre entre 20 000 et 30 000.
II. Une historiographie riche en débats
1. Massacres coloniaux et génocide
La question du statut juridique des massacres coloniaux alimente des débats depuis la définition du génocide par Raphael Lemkin.
• Deux critères font débat :
• Intentionnalité : faut-il une volonté explicite d’extermination ?
• Amplitude : où fixer la limite entre massacre de masse et génocide ?
• Deux approches s’affrontent :
• Une conception restrictive (limitation au génocide juif et aux Herero).
• Une conception extensive, incluant de nombreux massacres coloniaux.
• Jacques Sémelin propose d’utiliser « massacre » comme unité lexicale pour dépasser l’opposition stérile.
La comparaison entre violences coloniales et violences nazies est également débattue. Certains, comme Olivier Le Cour Grandmaison, voient dans la violence coloniale une anticipation de la violence nazie, thèse contestée par Meynier et Vidal-Naquet qui dénoncent une sélection biaisée des sources.
2. Des violences spécifiques ?
L’étude des violences coloniales soulève la question de leur spécificité.
• Continuités historiques : certaines pratiques s’inscrivent dans un continuum de violences militaires, comme celles de l’armée française en Espagne sous le Premier Empire.
• Nature spécifique : la violence coloniale est constitutive de la relation colonisateur/colonisé, car elle compense le déficit de légitimité de la domination coloniale.
Selon Georges Balandier (1951), la situation coloniale elle-même est une source de violence, en raison de l’infériorisation structurelle des colonisés.
• Racisme : exprimé brutalement dans les rapports sociaux.
• Participation des colons : dans certaines colonies de peuplement, des colons participent activement à la répression, formant des milices comme à Guelma en 1945.
3. De la violence dans les deux camps?
La violence coloniale a suscité des réactions violentes chez les colonisés, souvent interprétées comme légitimes et libératrices.
• Jean-Paul Sartre, dans sa préface aux Damnés de la Terre de Frantz Fanon, décrit cette violence comme une réappropriation de la violence coloniale, intériorisée et retournée contre le colonisateur.
Les autorités coloniales ont utilisé cette violence pour justifier leurs propres actions et minimiser leurs crimes, notamment en soulignant les mutilations ou actes de cruauté attribués aux insurgés (ex. : rumeurs d’émasculations à Palestro pendant la guerre d’Algérie).
Cette mise en avant de la violence indigène permet de présenter le colonisateur comme victime, ou de requalifier certains soulèvements en guerres civiles internes aux sociétés colonisées.
III. Exemples majeurs de répression coloniale
1. Thiaroye, 1944 : un massacre colonial emblématique
Contexte
• Tirailleurs sénégalais revenus de captivité exigent le paiement de leurs soldes et primes.
Déclenchement
• Refus d’embarquer, crainte d’un détournement de fonds.
• 1er décembre 1944 : intervention militaire ordonnée par le général Dagnan → massacre des tirailleurs.
• Bilan : entre 35 et 70 morts, sépultures non identifiées.
Conséquences
• Condamnations pour rébellion, libérations en 1947.
• Portée historique : événement longtemps constitutif d’une mémoire africaine, reconnu tardivement en France (discours de François Hollande en 2014).
• Interprétation : non lié à des revendications indépendantistes, mais perçu comme un crime raciste et un exemple de violence d’État.
2. L’insurrection de Madagascar, 1947-1948
Les prémices
• Contexte socio-économique difficile après la Seconde Guerre mondiale : blocus, impôts accrus, cultures forcées, pénuries.
• Montée du nationalisme malgache, nourri d’une tradition monarchique et d’expériences militantes (ex. : société secrète VVS).
• Création du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) en 1946, succès électoral, mais répression préventive et arrestations.
• Radicalisation : émergence de réseaux clandestins comme la JINA.
L’insurrection du 29 mars 1947
• Attaques coordonnées contre les colons et les infrastructures.
• Répression rapide à Diego-Suarez, Fianarantsoa et Tananarive.
• Extension dans l’Est, destruction d’infrastructures, assassinats (133 Français, 19 Chinois, 2 Indiens, nombreux Malgaches pro-français).
• Caractère de guerre civile : la majorité des victimes sont malgaches.
La répression
• Dissolution du MDRM, arrestation de 18 000 personnes.
• Envoi de renforts militaires (tirailleurs marocains, sénégalais, parachutistes, Légion étrangère).
• Tactique de la « tache d’huile », bombardements aériens.
Le bilan humain
• Environ 10 000 morts par violence directe, dont 2 000 victimes de crimes de guerre.
• Exécutions sommaires : 165 prisonniers massacrés à Moramanga (5 mai 1947), 107 à Mananjary (8 mai 1947).
• Conséquences humanitaires : déplacements massifs, famine, 20 000 à 30 000 morts supplémentaires.
• Procès des parlementaires (1948) : 77 dirigeants jugés, condamnations à mort commuées, détention jusqu’à l’indépendance.
Conclusion
La répression coloniale est un phénomène systémique, caractérisé par son intensité, sa banalisation, sa dimension de masse et son caractère structurellement lié à la domination. Elle se manifeste dans des contextes variés (révoltes, contestations, revendications économiques) et prend des formes multiples, de la violence symbolique à la violence de masse.
Les débats historiographiques sur la nature et la qualification de ces violences (massacre, génocide, continuité ou spécificité) témoignent de leur importance pour la compréhension de l’histoire coloniale. Enfin, la violence coloniale nourrit des dynamiques de résistance, de contre-violence et de mémoire, dont les traces sont encore vives aujourd’hui.