L’ouvrage écrit par Ann Laura Stoler et Frederick Cooper a bouleversé la façon de penser le colonialisme et apporte une réflexion importante dans le développement des New Imperial Studies. Plutôt que de raconter les colonisations d’un seul point de vue (celui de la métropole ou celui de la colonie devenue indépendante), les auteurs proposent de les englober dans une histoire des empires qui permet d’étudier ensemble, dans leurs interactions réciproques, les dominants et les dominés. Les colonies n’étaient pas des espaces vierges qu’il suffisait de modeler à l’image de l’Europe ou d’exploiter selon ses intérêts ou ses désirs ; et les Etats européens n’étaient pas des entités autonomes qui, à un moment de leur histoire, se sont projetés outre-mer. Les unes et les autres se sont mutuellement construits. 

Une perspective globale qui veut renouveler l’histoire du « nouveau colonialisme » depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Il vise à renouveler l’épistémologie des études coloniales en associant les métropoles et les colonies dans un nouveau champ : l’espace impérial. L’ouvrage collectif part du principe que l’Europe a été faite par ses projets impériaux, et que les rencontres coloniales ont été façonnées par les événements survenus en Europe. Cela permet d’analyser les relations entre les métropoles et les colonies sous un nouvel angle. Les auteurs critiquent les façons de faire l’histoire postcoloniales qui négligent la complexité de la rencontre et la fabrique des identités. Ils préfèrent une approche culturelle à l’approche d’économie politique et mettent en lumières les « tensions d’Empire » qui émergent dans les discours produits par les Européens. Ann Laura Stoler et Frederick Cooper montrent finalement comment de nouvelles définitions de la modernité ont été développées et comment de nouveaux discours et de nouvelles pratiques d’exclusion ont été élaborés. Un déplacement de la focale qui permet de renouveler la recherche. Un ouvrage d’historiographie à connaître et auquel il faudra souvent faire référence.

Introduction

La conquête, l’exploitation et la sujétion =des thèmes récurrents de l’histoire mondiale.

-La nouveauté est d’ affirmer des principes universels dans le discours politique du XVIIIème s. dans l’Europe des Lumières, du développement du libéralisme, de la Révolution fr.
Ces principes de l’élite européenne étaient -ils applicables dans les empires ultramarins et dans les territoires nouvellement conquis ?
(Exemple d’ Haïti)

-XIXème siècle = nouveau colonialisme
Nouveauté = création de l’Europe bourgeoise « classe universelle » selon Marx
La bourgeoisie soutient l’idée de citoyenneté mais la pense comme un privilège qui se mérite, une aptitude qui s’apprend. Les colonies françaises, britanniques, néerlandaises montrent les limites de la culture politique de la métropole. S’y élaborent les inclusions et exclusions à la citoyenneté, à la souveraineté et à la participation.

Chapitre premier : Les études coloniales et les ambiguïtés de la différence

Voir « Historiographie et histoire des empires européens et des sociétés coloniales en Afrique (1884-1962) » dans Isabelle Surun (dir), L’empire colonial français en Afrique : métropole et colonies, sociétés coloniales (Introduction et Historiographie), Atlande, 2022.

Définition des colonies dans les études coloniales

1- Selon certains chercheurs, les colonies étaient un domaine d’exploitation :
– des terres
– de la main d ’œuvre
– d’utilisation des méthodes de production qui, en métropoles, étaient moins utilisables voire impossibles.
Les colonies = marchés privilégiés, à l’écart de la concurrence internationale ; on approvisionne ces marchés en produits fabriqués par des esclaves, des travailleurs contractuels ou libres (cf M Barratt Brown, The Economics of Imperialism, 1974)

2- Selon d’autres, les colonies étaient des zones exemptes des inhibitions des cultures européennes de plus en plus bourgeoises (cf R Hyam ,Empire et sexuality, 1990)
Colonies = lieux d’opportunités sexuelles et économiques débridées (cf Ann Laura Stoler, Race and the education of Desire, 1995)

3 – Selon d’autres, les colonies étaient le laboratoire de la modernité :
Médecins, éducateurs et missionnaires font des expériences d’ingénierie sociale sans être confrontés à des résistances (cf P Rabinow, Une France si moderne. Naissance du social 1800-1950, 2006)

4- La rationalité, la technologie, le progrès et la raison sont les «  mesures de l’homme » :
Africains et Asiatiques en sont écartés (cf M Adas, Machines as the Measure of Man, 1989)

5- Colonies sont des endroits où se trouve l’Autre (cf E Saïd Orientalism, 1978 ; T Todorov, Nous et les autres, 1992)

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