Cette fiche introduit le sujet de la question d’histoire contemporaine de l’agrégation externe en insistant sur le renouvellement historiographique induit par son intitulé concernant l’empire colonial français. La question s’intéresse à « l’empire colonial français, histoire globale et connectée », qui est une tendance déjà ancienne dans la recherche anglo-saxonne (ce sont les Entangled Histories, la micro-histoire globale et les histoires globales situées, incarnées par la figure des Go-Between et des Tricksters). En France, en revanche, en-dehors de quelques historiens spécialistes des empires ibériques au XVIe siècle ou du courant de l’Atlantic History au sein de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, cet angle stimulant de la recherche en histoire globale est très peu maîtrisé. Cette introduction est donc indispensable pour saisir l’intérêt de la question d’histoire contemporaine, en la replaçant dans un paysage culturel et historiographique qui ne demande qu’à se renouveler.
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I. La France construit un empire colonial en Afrique
A. Le poids des héritages : la France et l’Afrique au XIXème siècle
C’est une histoire sur la longue durée : en 1885, la France possède déjà plusieurs millions de km² en Afrique et elle y exerce un impérialisme informel à travers le commerce et les activités financière (ex : canal de Suez). Elle est dans une phase ascendante de sa colonisation, une remontée après la perte de son premier empire :
le traité de Paris de 1763 (fin de la guerre de Sept ans) lui fait perdre ses possession en Amérique ce qui sera confirmé par la Révolution puis l’Empire.
En 1814, elle récupère les Antilles ainsi que Saint Louis et Gorée (Sénégal) ⇒ points d’appui lors des futures conquêtes.
Pendant la Restauration, la France reste en retrait des affaire internationales car :
– elle est humiliée et surveillée.
– elle ne veut pas froisser la puissance britannique.
– plus les moyens (armée affaiblie, marine inexistante, commerce internationale anéanti.
– désintérêt pour la colonisation de la part de la population et des politiques.
Ce désintérêt se prolonge et explique l’incapacité de la monarchie de Juillet de de la IIème république à définir un projet colonial.
Même si elle n’est pas ressenti comme tel à l’époque, la conquête d’Alger = rupture. Création des « possession françaises dans le nord de l’Afrique » (ordonnance du 22 juillet 1834) puis elle devient un territoire français avec la constitution de novembre 1848 (début d’envois de colons).
Vrai rupture : IIème empire. Napoléon II veut restaurer la puissance française grâce au projet colonial.
Projet colonial : volonté d’appropriation, d’exploitation et de soumission des territoires et de la population à la domination française.
Buts :
– faire progresser l’impérialisme français, notamment financier (Tunisie, Égypte avec le canal de Suez en 1869, Madagascar.
– relancer la conquête du Sénégal qui devient une colonie (fondation de Dakar en 1857).
– faire de l’Algérie une vitrine de la présence française en Afrique. (cf. discours de Bordeaux, 1852, « un royaume arabe » sous tutelle française). Amplification du peuplement (il y a 200 000 colons en Algérie), conquête achevée en 1857, réformes pour une modernisation politique (1863 : restitutions de terres aux musulmans ; 1865 : possibilité pour les Algériens de devenir français) qui visent à réduire la ségrégation et à associer les populations autochtones.
Proclamation de la République en 1870 ==> recul de la puissance et isolement par GB et Allemagne.
B. L’Afrique française : une diversité de territoires et de statuts, un ordre colonial.
1870 : 1 Mkm²
1914 : 10 Mkm²
1896 (annexion madagascar) : 9,5 Mkm²
1918 (annexion Togo, Cameroun) : 12 Mkm²
Majorité de colonies (AOF, AEF, Madagascar, côtes françaises de Somalie)
Deux protectorats (Tunisie, Maroc)
Trois départements (Algérie)
Conquêtes militaires suivies de l’instauration d’un ordre colonial.
Ordre colonial : l’ensemble des formes d’hégémonie permettant aux français de prendre le contrôle des territoires et d’imposer un nouveau système politique, administratif et juridique aux populations africaines.
Il repose sur des nouvelles forme de gouvernement, de la coercition, de la répression et sur la collaboration d’une partie des colonisés.
C. Quand la République était impérialiste et coloniale
Trois république se succèdent et ce sont les régimes les plus impérialistes. Le projet colonial est articulé au projet républicain mais aussi pensé à l’international pour sortir de l’isolement et reconstruire une puissance ⇒ course au clocher (Ferry, 1890)
Le projet de Jules Ferry, Ministre des Affaires Etrangères de 1883 à 1885, a effectivement permis à la France de sortir de l’isolement et retrouver une place dans le concert des nations.
II. Au cœur du « tournant global » et du postcolonialisme : des évolution historiographique majeures diffusent l’histoire globale et connectée
A. De l’histoire monde à la nouvelle histoire impériale et à l’histoire « globale » : dépasser le cadre national et décentrer le regard
Histoire monde (Etats-Unis, années 1960) permet de replacer les empires coloniaux dans le contexte mondial.
⇒ a donné la New Imperial History (Frederick Cooper et Ann Laura Stoler, Tensions of Empire, 1997 puis Repenser le colonialisme, 2020 pour la version française). Renouvellement en profondeur de l’étude du fonctionnement des empires coloniaux et la construction souvent pragmatique, voir chaotique d’un ordre colonial.
⇒ qui s’inscrit dans le « tournant impérial » des années 1980-90. Montre l’existence d’une « souveraineté feuilleté » : les empires sont définis par la multiplicité des régimes de dominations qui se juxtaposes.
Histoire « globale » dans les années 1990, surtout anglo-saxon. Décentrer le regard, abandonner le récit traditionnel de l’occidentalisation de la planète pour penser les sociétés en terme de rencontres, de contact et de circulation : met en évidence les connexions qui s’opèrent à toutes les échelles spatiales. La métropole devient un pôle de l’empire parmi d’autres qui sont vus comme des réseau d’interconnexions. Global pour l’interdépendance accrues, processus d’intégration à l’échelle mondiale. L’idée n’est pas nouvelle est F. Braudel l’évoquait déjà la notion d’« espace monde » pour la 1ère mondialisation au XVème-XVIème siècle. Par ailleurs, Serge Gruzinski met en évidence une « mondialisation ibérique » (1980) qu’il approfondi avec Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation (2004) et Quelle heure est-il là-bas ? Amérique et Islam à l’orée des Temps modernes (2008).
Il s’agit de :
– dépasser les cadres nationaux.
– sortir de l’éthnocentrisme et l’historiographie occidentale.
Quatre axes d’étude :
– analyse des flux et réseaux commerciaux.
– relecture du colonialisme et de l’impérialisme.
– la mobilité et les migrations.
– les conditions d’éclosion du processus d’industrialisation.
B. Une histoire « connectée » : penser la rencontre et les connexions entre des mondes différents
Prolonge et approfondit l’histoire globale. Elle tente de penser les rencontres entre mondes hétérogènes en interrogeant les différents régimes d’historicité.
Notion introduite par Sanjay Subrahmanyam, Exploration in Connected History: From the Tagus to the Gange, 2005 puis L’empire portugais d’Asie, 2017. On peut citer Les quatre parties du monde (voir plus haut), P. Boucheron (dir), Histoire du monde au XVème siècle, 2009.
Romain Bertrand, L’histoire à parts égales, 2014 : permet de restituer une histoire symétrique par l’exemple de la rencontre Hollandais/Javanais. Remise en question d’une Europe triomphante car c’est un non-évènement pour les Javanais alors que c’est vu comme un triomphe par les Hollandais.
L’articulation des échelles est de plus plus prisée par les historiens ⇒ global microhistory (cf. l’excellent numéro spécial des Annales en 2018 « Micro analyse et histoire globale », mais aussi la revue Itinerarioet certains historiens anglo-saxons tels que Tonio Andrade, Jean-Paul Ghobrial ou Jonathan Gebhard).
C. L’apport décisif des études post-coloniales et des études « subalternes »
Issu de la gauche intellectuelle des universités anglo-saxonnes année 1970-80. Points de vue des vaincus. Pas vraiment un courant historiographique mais plutôt des modes d’analyse pour étudier la colonisation grâce aux apports de la nouvelle histoire impériale, de l’histoire globale et de l’histoire connectée.
Origine dans le militantisme anticolonial (Frantz Fanon) puis repris par des intellectuels.
Origine Edward Said, L’Orientalisme, 1978. Rompre avec l’eurocentrisme et l’histoire écrite par les élites. Montre aussi que le legs colonial est si puissant qu’il demeure après la colonisation et influence les Etats.
Se poursuit avec la revue Subaltern Studies de l’historien indien Ranajit Guha 1982.
Nécessité de se départir du poids idéologique ⇒ se concentrer sur les apports pour l’historien
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