Dans son ouvrage sur les émotions populaires, Jean Nicolas a recensé 8 528 émotions dans le royaume entre 1660 et 1789. Anti-fiscales : 39%. L’émeute spontanée concerne surtout les impôts indirects : prélevés par des commis qui agissaient pour des compagnies financières. La contestation des impôts était plus rare (3%). Les refus de taille étaient lourdement réprimés, car ils mettaient en cause l’autorité de l’État. Les impôts de quotité (10e, 20e) ont aussi été contestés.

I. Contester les impôts indirects
A. Rebellions
1. Les grandes révoltes provinciales contre les impôts extraordinaires de guerre

Grandes révoltes : Nu-pieds de Normandie (1639) : sauniers qui avaient peurs pour leurs privilèges. Le mouvement s’est vite étendu. Bonnets rouges de Bretagne (1675) : soulèvement de Nantes et Rennes et d’autres bretons. Croquants Tards-Avisés du Quercy (1707) : taxe sur les contrats de mariage, 15 000 personnes rassemblées à Cahors. Ces mouvements associaient élites urbaines et paysans touchés par des mesures fiscales extraordinaires liées à la guerre. En guerre, le roi faisait des contrats avec des compagnies pour prélever des impôts : 29 millions de livres par an entre 1688 et 1715. Répression contre les troubles avec l’envoie de milliers d’hommes.

2. La contrebande comme acte de résistance collective et continue

Ces troubles ont existé pendant toute la période. Sel, tabac, vin, viande… étaient taxés avec des modalités diverses selon les villes. La levée de ces impôts mettait la population en émoi. La contrebande bravait le pouvoir, et était vue comme une compensation. Et les commis étaient zélés car intéressés aux amendes et confiscations.
3 100 rébellions collectives entre 1661 et 1789 : pics dans les années 1690-1720, avec la misère. Contrebande importante jusque fin XVIIIe : des compagnies de contrebande s’étaient constituées. Des militaires y participaient : bandes de 100 à 200 soldats en Picardie. La garnison d’Abbeville était particulièrement infectée par le faux-saunage.
La moitié des rébellions impliquaient des contrebandiers, mais aussi des habitants qui les aidaient. Des seigneurs hébergeaient des fraudeurs (Plouescat en 1712). Les curés pouvaient participer aux émeutes.

B. La haine des partisans

Les élites s’en prenaient aux financiers : littérature abondante : Montesquieu dans les Lettres persanes… Le roi prenait distance avec eux à la fin des guerres : bien vu. Il pouvait faire des actions en justice contre eux. Réflexion sur la fiscalité qui a critiqué les impôts indirects : freins à la croissance.

C. L’État de justice en défaut

L’État a doté les fermes fiscales d’un arsenal répressif qui a été dénoncé. En 1680, Colbert a confié la levée des impôts indirects à une seule compagnie financière. Fin XVIIe, elle disposait de 5 000 bureaux et de 200 à 250 000 employés. Les abus de pouvoir étaient réguliers. La justice royale tranchait les PV établis par les commis. Ordonnance des gabelles (1680) : 9 ans de galère et 500 livres d’amende pour les faux-sauniers. 1681 : notion d’attroupement définie à partir de 10 personnes, et de 5 en 1704. Peine de mort en cas de récidive. Durcissement au XVIIIe, avec la peine de mort directement. Ce système était profondément rejeté.

II. Contester les impôts directs
A. Le refus résiduel de la taille

Moins de rébellions contre la taille, mais quelques grands troubles : son montant a triplé entre 1632 et 1640, au moment de la guerre contre l’Espagne. Les émeutes concernaient généralement tout un village. Révolte des Lustucru dans le Boulonnais en 1662.

B. Contestations et recours judiciaires

Les taillables pouvaient aller en justice. Dans les pays d’élection, les intendants pouvaient accorder des réductions après des aléas climatiques. Les rôles de tailles étaient souvent dépassés et il fallait les actualiser. Les abus des receveurs et collecteurs étaient un autre motif de plainte. Beaucoup de faux en écriture.

C. La fin de la communauté solidaire et la fraude du vingtième

Le dixième (1710), le cinquantième (1725-27) et le vingtième (1749) ont modifié le rapport du contribuable à l’État. Le vingtième visait tous les biens et revenus, y compris des privilégiés. Le clergé (en partie exempté), les assemblées provinciales et parlements ont manifesté leur mécontentement.
Le vingtième n’était pas solidaire : le contribuable doit payer la somme : pas de solidarité comme avec la taille. Mais cela permettait de frauder davantage que la taille : nombreuses fausses déclarations.

III. Contester la gestion royale

Les esprits éclairés se ont consisté le système des impôts avec la guerre de Sept Ans (1756-1763). Courant de pensée physiocratique. Aussi les magistrats, contre le despotisme. Mais les 20e se sont multipliés : 3 pendant la guerre de Sept Ans.

A. Les Lumières face à l’impôt

Théorie classique : l’impôt est un droit régalien, nécessaire à l’État. Premiers questionnements d’intellectuels au XVIIe : Fénelon, Plan de gouvernement, Vauban : pour eux, l’important était l’impôt selon le contribuable et non pas l’État (théorie libérale). Les physiocrates (François Quesnay) ont été plus loin : impôt foncier unique. Ils rejetaient les impôts indirects. Turgot a tenté de remplacer la corvée par un impôt pour les propriétaires, mais opposition des privilégiés. Mais l’égalité devant l’impôt n’était pas un thème important.

B. La rhétorique contestataire des magistrats

En 1753, des magistrats du Parlement de Paris ont été exilés pour avoir contesté les prétention ultramontaines du gouvernement et du clergé. Des cours de province sont intervenues en leur faveur. Dans l’Esprit des lois (1748), Montesquieu avait défendu les « pouvoirs intermédiaires ». Les parlement ont repris à leur compte le rôle de médiateur entre le roi et les sujets sur les questions financières. Remontrances en 1756 avec le 2nd 20e.
Nouvelle opposition en 1763 : opposition à l’édification d’un cadastre général. Les jansénistes participaient à la lutte antifiscale. Remontrances sur les impôts, par le président de la Cour des aides de Paris (1775). Malesherbes a dénoncé tout le système fiscal : il compare les collecteurs d’impôts à des tyrans.

C. L’esprit critique d’opposition

Une part importante de citoyens éclairés pensaient que l’administration pouvait être changée. Les taxes étaient critiquées. Brochure en 1763, La Richesse de l’État, qui propose un impôt progressif. Censuré.
Nouvelles voies à l’expression patriote : récit rumoral, pamphlets.
Dans un premier temps, l’État a renforcé les contrôles fiscaux. Du coup réaction des corps constitués : États provinciaux, parlements, Cour des Aides. Troisième temps : développement des connaissances dans l’opinion publique : débats sur l’équilibre des pouvoirs. Une partie de la population urbaine contestait le fisc.