Cette très longue fiche documentée fournit de nombreuses et précieuses informations sur la question de géographie de l’Amérique latine. Elle peut également être utilisée pour la préparation d’un cours de lycée.
Ici se trouve le chapitre 2.
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Lien vers le chapitre 3: https://clio-prepas.clionautes.org/geographie-de-lamerique-latine-3.html
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Chapitre 2 : Une intégration à la mondialisation, entre émergence et crises
L’Amérique latine s’est imposée comme un laboratoire de la pensée économique du développement : les gouvernements de la région ont expérimenté de multiples modèles, du marxisme au libéralisme, pour pérenniser leur décollage et rattraper les pays développés. Leurs stratégies furent systématiquement sanctionnées par des crises sévères et le schéma parait se répéter avec le Covid-19.
1. Une insertion dans la mondialisation en position périphérique et subordonnée comme réservoir de matières premières
A. Aux origines du modèle agro-minier exportateur : domination, extraversion, dépendance
a. La colonisation force l’insertion de l’Amérique latine dans la mondialisation et en fait un réservoir de matières premières
Selon le géohistorien Christian Grataloup, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb permet le « bouclage du monde » et marque le point de départ de la mondialisation. La quête de cités d’or (l’« El Dorado ») s’avéra fructueuse et les expéditions espagnoles découvrirent des gisements d’argent d’une richesse inouïe. Au Brésil, l’activité minière donna son nom à un État, le Minas Gerais (mines générales).
Les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, ainsi que le Brésil, se couvrirent de plantations dans lesquelles travaillaient des esclaves d’origine africaine. Ce système colonial extractiviste fabriqua une société inégalitaire et organisa l’extraversion de l’économie, comme des territoires. Au Brésil, la dynamique du peuplement et de la conquête du territoire furent rythmées par une succession de cycles économiques, fondés chacun sur une ressource spécifique : bois de braise des forêts littorales au XVème siècle, café de la région de Sao Paulo au XIXème siècle… Les bénéfices réalisés étaient concentrés exclusivement sur les secteurs exportateurs, rapatriés en Europe ou dilapidés en dépenses par les élites ibériques et créoles. La colonisation imposa ainsi à l’Amérique latine une spécialisation primaire et empêcha l’accumulation de capital qui aurait pu être porteuse de développement.
b. À l’indépendance au début du XIXème siècle, le modèle agro-minier exportateur s’impose
Après l’indépendance et l’abolition de l’esclavage, l’économie de traite se mua en économie de rente et les exportations de matières premières brutes constituaient alors, via les taxes douanières, l’essentiel des recettes des États. L’Amérique latine fonda alors son insertion dans la mondialisation sur le modèle « agro-minier-exportateur » ce qui se traduit par une exacerbation des inégalités sociales et territoriales, par la faiblesse du commerce intrarégional et par une dépendance à la demande étrangère en matières premières, doublée d’une dépendance aux importations de produits manufacturés, de capitaux et de technologies étrangères.
c. La Première Guerre mondiale et la crise de 1929, accélérateurs de l’industrialisation
Les économies latino-américaines furent déstabilisées par la désintégration des échanges internationaux après la Grande Dépression des années 1930 qui les priva de leurs débouchés traditionnels et qui fit accumuler les excédents de production. Cela permis toutefois d’élaborer une nouvelle stratégie de développement dite autocentrée, visant à stimuler la production industrielle nationale, afin de réduire la dépendance à l’étranger.
B. Une stratégie volontariste, endogène et autocentrée des années 1940 aux années 1980
a. La stratégie d’industrialisation par substitution aux importations (ISI)
En réaction à cette crise, les dirigeants nationalistes et populistes qui dominaient dans les années 1940 et 1950 la vie politique du Brésil, de l’Argentine ou du Mexique entreprirent de jeter les bases d’une industrie locale pour approvisionner leur marché intérieur en biens de consommation. Pour l’économiste argentin Raúl Prebisch, la spécialisation primaire entraînerait un appauvrissement national car les devises qu’on pourrait en tirer ne permettraient pas, à long terme, de couvrir le coût des importations de biens manufacturés. Il recommande donc un protectionnisme « éducateur » fondé sur une augmentation massive, mais sélective et évolutive, des droits de douane, afin d’éviter cette « détérioration des termes de l’échange ». La demande intérieure, désormais captive, encourageait l’émergence d’une industrie locale de biens de consommation puis d’une industrie de biens intermédiaires par le biais d’une « remontée de filière » ; cette stratégie prit le nom « d’industrialisation par substitution aux importations »
b. Des États interventionnistes : nationalisations et politique douanière active
Pour mettre en œuvre cette stratégie, les États de la région se firent interventionnistes, recourant à la planification. Les gouvernements nationalisèrent les secteurs clés de l’économie, notamment les matières premières, dont la maîtrise était considérée comme un préalable au décollage économique. Ainsi, Lázaro Cárdenas étatisa le pétrole puis créa en 1938 Petróleos Mexicanos (PEMEX) qui devint le pilier de l’industrialisation mexicaine. Le Brésil suivit cet exemple et se dota de Petróleo Brasileiro S.A (Petrobras) en 1953. Pour autant, les États latino-américains ne purent se passer d’investissements étrangers pour soutenir l’industrialisation. Afin de rapatrier les activités d’assemblage automobile au Brésil, le président Juscelino Kubitschek (1956-1961) instaura des taxes douanières « sélectives », ciblant les voitures mais épargnant les composants, et il accorda des avantages aux firmes incorporant des pièces fabriquées sur place. Sao Paulo devint un pôle d’excellence pour l’industrie automobile car l’implantation de constructeurs étrangers, comme Volkswagen en 1957, favorisa la mise en place d’un réseau d’équipements brésiliens. Ainsi, en 1966, 99% du poids des voitures assemblées au Brésil était fabriqué localement.
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