Cette très longue fiche documentée fournit de nombreuses et précieuses informations sur la question de géographie de l’Amérique latine. Elle peut également être utilisée pour la préparation d’un cours de lycée.

Ici se trouvent l’introduction et le chapitre 1. 

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Introduction

1. Rappel de la lettre de cadrage

L’Amérique latine désigne à la fois une entité géographique et un espace géopolitique. De nombreux débats existent sur l’unité de cet ensemble mais aussi sur la dénomination « Amérique latine ». La délimitation retenue considère l’ensemble des territoires continentaux s’étendant du Rio Grande à la Terre de Feu, en excluant les Caraïbes. Il faut privilégier des grilles de lecture géopolitiques situant l’Amérique latine dans son rapport à l’Amérique du Nord (notamment Etats-Unis) et au Monde. Il faut mettre l’accent sur les puissances régionales (Mexique, Brésil, Argentine notamment) et sur les dynamiques d’intégration et d’émergence.

A. L’Amérique latine, entre unité et diversité

L’unité́ de cette aire culturelle repose sur son histoire et son peuplement. La colonisation par les Espagnols et les Portugais depuis les littoraux, surimposée au peuplement amérindien, a organisé́ les territoires durant plus de trois siècles et laissé des facteurs d’unité́, notamment les langues latines dominantes et les religions chrétiennes (principalement catholique), unité́ maintenue au cours de l’histoire postcoloniale. Il faudra posséder quelques repères de l’histoire politique chaotique de l’Amérique latine indépendante, notamment la difficile gestion des Républiques, renversées de multiples fois par des dictatures militaires, et la fragilité́ des démocraties qui restent un point commun. Emancipation de l’Amérique latine par rapport aux ETATS-UNIS, mais différenciée selon le nord-sud. L’Amérique latine reste marquée par des tensions politiques interétatiques et des crises internes politico-économiques brutales.

B. Paradoxes et recompositions sous l’effet de l’insertion dans la mondialisation

Le potentiel agricole est immense, mais la sécurité́ alimentaire n’est pas encore garantie à tous les habitants. L’émergence des classes moyennes a contribué́ à une diversification des espaces urbains, dans un contexte d’accentuation des écarts de niveau de vie entre quartiers aisés et « irréguliers ». L’insertion complète de l’Amérique latine dans la mondialisation des échanges compte parmi les enjeux majeurs du XXIe siècle. Les migrations internationales en Amérique latine ont connu de fortes recompositions. La mondialisation offre des possibilités d’accès à de plus grands marchés, à des capitaux et des technologies provenant du monde entier mais accentue l’hétérogénéité des trajectoires économiques internes.

C. Une Amérique latine en cours d’intégration, au défi des transitions

Les pays d’Amérique latine ont tenté́ à plusieurs reprises de faire front pour s’affirmer sur la scène internationale en termes économiques et politiques. Nombre d’associations ont vu le jour depuis la fin des années 1950. Depuis plus de trente ans, l’Amérique latine connait de profonds changements globaux. La notion de transition est au cœur. Il faudra interroger la place à part qu’occupe l’Amérique latine dans les Suds. L’importance des mobilisations et des conflits socio-environnementaux liés à la progression des activités extractives, mais aussi les cartels, traduisent bien un développement fragile et inéquitable. L’Amazonie est un exemple de ces défis.

D. L’Amérique latine, une présence constante dans les thématiques des programmes scolaires du collège et du lycée

L’Amérique latine n’est pas abordée comme un espace régional en tant que tel dans les programmes, mais elle se déploie à travers l’ensemble des thématiques géographiques et des notions qui sous-tendent les programmes d’enseignement. Au collège, l’Amérique latine et ses territoires constituent des études de cas et exemples pour traiter de nombreux thèmes, à commencer en 6ème (« Habiter un espace de faible densité́ », « Habiter un littoral »), en 5ème (questions de l’inégal développement, des ressources et de l’environnement avec la déforestation en Amazonie), ou encore en 4ème avec l’urbanisation, les mobilités et la mondialisation.
Au lycée, l’Amérique latine peut être convoquée à travers les notions de transition, recomposition et mondialisation. En seconde, « Environnement, développement, mobilité́ : les défis d’un monde en transition ». Qu’il s’agisse des thèmes 1 « Sociétés et environnements : des équilibres fragiles », 2 « Territoires, populations et développement : quels défis ? », ou 3 « Des mobilités généralisées ».

2. Qu’est-ce que l’Amérique latine ?

Pour A. Rouquié, l’Amérique latine est un « Extrême-Occident ».
L’Amérique latine se définit par sa latinité (langues et cultures espagnoles et portugaises). Le cadrage délimite l’Amérique latine de la frontière États-Unis/Mexique à la Terre de Feu, mais exclut les îles des Caraïbes et les Antilles : seule la partie continentale est abordée.

A. Une région nommée récemment

La qualification de « latine » pour cet espace vient de la France, quand Napoléon III souhaitait s’emparer du Mexique pour fonder « l’empire catholique et latin » face aux États-Unis d’Amérique. Il faut attendre 1934 pour que le géographe et politiste français André Siegfried consacre l’un des premiers essais embrassant l’Amérique latine comme un ensemble s’opposant aux États-Unis. Le terme est repris par les intéressés et les géographes anglo-saxons pendant et aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, en particulier avec la création de la CEPAL (Commission économique pour l’AL). L’Amérique latine, caractérisée par le début d’une explosion démographique et urbaine sans équivalent, s’engage dans des politiques « développementistes » basées sur l’industrialisation par substitution aux importations à partir des années 1980 et de la « crise de la dette », les pays latino-américains se sont massivement convertis au libéralisme et ont retrouvé progressivement des régimes démocratiques. Depuis le début du XXIème siècle, la région réapparaît sur le devant de la scène :
• Politiquement, avec de nouveaux leaders : Mexique, Brésil, Chili ; ce qui réaffirme une certaine autonomie vis-à-vis des États-Unis
• Économiquement en incarnant l’émergence
• Socialement avec les défis du développement qui demeurent

B. Une région entre océans Atlantique à l’est et Pacifique à l’ouest

D’un côté, on a l’Amérique centrale qui englobe les 8 pays allant de l’isthme de Tehuantepec à celui de Panama : Mexique, Guatemala, Belize, Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama.
D’un autre côté, on a l’Amérique du Sud qui s’étend de l’isthme du Panama à la Terre de Feu et compte 13 pays : Brésil, Argentine, Guyana, Suriname, Uruguay, Paraguay, Équateur, Colombie, Venezuela, Pérou, Bolivie, Chili et Guyane.
Parmi tous ces pays, seuls 2 sont enclavés : la Bolivie et le Paraguay
L’Amérique latine s’étend sur plus de 13.000km du Nord au Sud + 20 millions de km2.
On observe une grande différence de paysages, une grande variété climatique forte et un étagement : enjeux économiques, géopolitiques et l’aménagement du territoire.

Quelques données sur l’Amérique latine

La plupart des pays ont connu une phase de rattrapage économique, qui fait suite à la triple transition économique (libéralisation accentuée), politique (sortie de l’autoritarisme pour la quasi-totalité des pays) et démographique (fin de l’explosion démographique).

2. Les caractéristiques de l’Amérique latine

A. Un ensemble géographique né de l’histoire et de la géographie

Projection européenne adoptée à la fin de la WW2 et renforcée par la situation économique différenciée de part et d’autre de la frontière États-Unis/Mexique.
L’ossature des reliefs est fondée sur de hautes montagnes à l’ouest, de grands bassins ou plaines au centre et des moyennes montagnes ou plateaux à l’est L’ensemble forme une mosaïque de milieux naturels organisés suivant différents facteurs : reliefs, latitude, proximité ou éloignement de l’océan, influence des masses d’air polaire ou tropical et des courants marins chauds ou froids. Le continent est aussi soumis aux risques naturels majeurs : séismes, volcanismes et cyclones en Amérique centrale. La région porte de nombreuses ressources naturelles dont l’exploitation a suscité la colonisation de nombreux espaces par des fronts pionniers et a facilité la mise en place d’économies de rente et des formes de prédation.

B. Des populations diverses

L’Amérique latine compte 608 millions d’habitants qui vivent à 80% en milieu urbain, ce qui la différencie des autres régions des Suds. La transition urbaine est achevée, comme la transition démographique. Depuis 20 ans, les populations autochtones sont des acteurs majeurs. Le métissage est important et participe, avec les langues ibériques et la chrétienté, à l’unité culturelle de la région. Au peuple autochtone originel, plutôt situé à l’intérieur du continent, s’est surimposé un peuplement colonial littoral.

3. Une Amérique latine en mutation

A. Une région émergente et intégrée à la mondialisation

L’Amérique latine incarne de plus en plus dans les représentations globales l’émergence économique, même si croissance économique dans les années 2000. L’industrialisation est désormais freinée par la primarisation des économies et de nombreux pays sont devenus totalement dépendants du cours des matières premières. La croissance économique a permis la sortie de la pauvreté d’une partie conséquente de la population et la constitution d’une classe moyenne solide. L’insertion à la mondialisation a généré une importante métropolisation et un essor des activités de services. De lieux sont apparus : ports, zones franches, quartiers d’affaires. Certains États fondent tout leur développement sur la mondialisation, comme Panama par la rente du canal interocéanique et le paradis fiscal.

B. Une géopolitique interne compliquée

Les inégalités sociales restent considérables et s’expriment dans l’espace à toutes les échelles. Y’a aussi des écarts de richesse. Les progrès socio-économiques n’ont pas permis de réduire la violence et le poids de l’économie des trafics de la drogue, des migrations ou des armes. L’Amérique latine a été traversée tout au long de son histoire par l’affirmation de la nécessité de l’intégration. Il en résulte une multiplicité d’organismes mais les résultats concrets sont restés limités. Les États ne souhaitent pas déléguer leurs prérogatives à des institutions supranationales.

C. Une géopolitique externe entre coopérations et tensions

La géopolitique externe de l’Amérique latine est avant tout interne au continent américain et souvent liée aux relations avec les pays anglo-saxons. Les États se sont créés différemment au nord et au sud du continent : alors que les États-Unis obtiennent l’indépendance en 1783 et le Canada en 1867, l’Amérique latine connaît une succession de coups d’État, de révolutions et de guerres interétatiques jusque dans les années 1980-1990 + construction des identités nationales difficile, longue et inachevée. Pour faire face à ce fractionnement initial du continent, des unions régionales se multiplient depuis les années 1960. Le MERCOSUR, intégration autour d’un rejet de l’ingérence étatsunienne, se fait au profit des pays les plus puissants et aboutit à des recompositions territoriales majeures.

4. Des Amériques latines

Le Mexique a une situation différente entre Nord et Sud. Il est branché sur l’économie des États-Unis et sa croissance des régions frontalières et des métropoles a ainsi été très importante depuis 20 ans alors que ses régions tropicales demeurent dans une situation de dépendance. Le Mexique a connu une forte augmentation de la violence, liée à l’importance prise par les cartels. L’Amérique centrale sort progressivement du chaos et commence à se restructurer à travers la mise en œuvre d’infrastructures de transport et de partenariats, mais elle reste encore dans une situation de périphérie dominée. L’Amérique du Sud a retrouvé depuis 20 ans la voie d’une certaine intégration et a bénéficié de l’augmentation du cours des matières premières. Le Brésil s’y affirme comme la puissance dominante incontestable. La reprimarisation des économies s’y traduit par une progression des activités agricoles et minières, tandis que les métropoles ont un rôle de plus en plus moteur.

5. Enjeux épistémologiques de la question de programme

« L’invention » de l’Amérique latine est européenne et date du XIXème siècle, au moment où les États-Unis s’affirment en tant que puissance majeure.
A la fin du XIXème siècle, Élisée Reclus, dans sa Nouvelle Géographie universelle, sépare « l’Amérique du Sud » des « Indes occidentales ». Quelques années plus tard, quand Paul Vidal de la Blache et Lucien Gallois conçoivent leur propre Géographie universelle, le même découpage est suivi : il y a un volume « Amérique du Sud » (1927) et un volume « Mexique, Amérique centrale » (1928)
Dans son essai (L’Amérique latine, A. Colin) de 1934, André Siegfried développe le concept d’une Amérique en quelque sorte unifiée, mais les géographes français ne retiennent pas cette vision.
La première étude géographique qui prend l’ensemble est celle de Preston James (1899-1966), intitulée Latin America et parue en 1942. A partir de ce moment sont fondés aux États-Unis différents départements universitaires dédiés à l’ Amérique latine. La France crée l’institut français d’Amérique latine à Mexico et la Maison de l’Amérique latine à Paris.
Dans ce contexte, Roger Brunet lance dans les années 1980 un nouveau projet de Géographie universelle, dont un volume publié en 1991 est consacré à l’Amérique latine.

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