Cet objet a une méthode : offrir des analyses placées au croisement de disciplines globales aux approches complémentaires. Comme le précise dans sa préface l’auteur, François-Charles Mougel, professeur à l’IEP de Bordeaux, cette histoire tient à la fois de la géostratégie, de la géopolitique, de l’histoire, du droit international et des sciences du politique. Muni de cette immense ambition, l’auteur brosse un panorama de l’évolution des relations entre les États (et non entre chaque État) en suivant un plan chronologique classique : Ancien régime et Révolution (partie 1), XIXe siècle entre 1815 et 1914 (partie 2), bouleversements du court XXe siècle (partie 3), et un chapitre plus original sur le « nouvel ordre mondial » post-guerre froide (partie 4).
Les termes sont précis, la langue est claire : on sent le pédagogue. L’ambition initiale d’une approche en termes d’Histoire globale pêche face au flou du concept. S’il s’agit de mettre en balance d’une manière équilibrée l’influence de toutes les parties du monde, l’opération n’est qu’en partie réussie, l’essentiel du récit se focalisant sur l’histoire occidentale. S’il s’agit d’opérer par tableaux choisis et de tisser les connections établies entre les différentes parties du monde – alors l’exercice, par nature inachevable, donne lieu à des choix judicieux. En évitant le piège des comparaisons sociologisantes absconses, il permet une lecture fluide pour le professeur débutant comme pour l’expérimenté : un récit dynamique et analytique des relations internationales.
Quatre exemples qui m’ont frappé.
– « Les leçons de la Révolution et de l’Empire » (p. 51-55), montrent l’évolution des mots « nation », « république », « empire » entre le XVIIIe et le début du XIXe siècle. Le lecteur trouvera encore plus utile la manière dont le mot « Europe » a été politiquement utilisé et transformé, du « concert européen » de 1815 à la situation de 1848 où l’idéal européen est « associé à celui de République ». Une série de citations étonnantes clôt la partie : dans une lettre de 1790 adressée à La Fayette, Washington plaide pour « les États-Unis d’Europe »… clin d’œil pour le programme de Terminale ?
– « La marche à la guerre (1890-1914) » (p. 120-133) offre en préambule un point sur les concepts d’identité, État-nation, étranger/altérité, toujours reliés à des exemples européens. Si ce prisme continental est écrasant, Chine, Siam, Perse, Amérique latine et Empire ottoman ne sont pas négligés dans une typologie des puissances rarement évoquée en classe.
– « Ambivalences et limites : la paix en perspective (1918-1920) » (p.164-168) : ce chapitre offre une typologie très utile des réactions aux traités de paix, notamment dans les petits États européens et les colonies, en une classification originale (États satisfaits, mécontents, frustrés, indifférents, inquiets). Comme souvent la France s’inquiète. En fin de chapitre, des regroupements utiles pour des activités pédagogiques.
– « La géopolitique du monde d’aujourd’hui (depuis 1991) » (p. 355-361) propose un essai d’analyse et de prospective sur un droit international en mutation. Tensions nationales et identitaires, concurrences militaires et mondialisation criminelle, dangers électroniques et mutations de l’usage des frontières, entre politiques globales et replis identitaires. Derrière les explications sur unilatéralisme/multilatéralisme et monde bipolaire/multipolaire, on peut s’étonner – à moins d’avoir mal lu – de l’absence du concept de « monde apolaire » développé par Bertrand Badie pour définir la situation d’un monde dans lequel la seule puissance globale est tentée par le repli sur soi alors qu’elle n’a pas de concurrent de la même étoffe.
Bref : un récit classique, la mise en avant de documents parfois originaux, et surtout des analyses nettes et claires montrent la volonté manifeste de l’auteur de s’adresser à un large public sans rien cacher de la complexité du sujet. Voici un outil de travail à recommander chaudement. C’est de saison.
Hugo Billard
Professeur d’histoire-géographie, lycée Pierre-de-Coubertin (Meaux).