Cette fiche importante est une actualisation de l’ouvrage du même auteur, Jean-Christophe Gay, sur L’outre-mer français: Un espace singulier (2008). Elle complète également la fiche de l’ouvrage de Laurent Carroué (dir), La France des 13 régions, Armand Colin 2016 et celle de Yannick Clavé, L’outre-mer et ses territoires : une France du lointain, Éditions Ellipses, réédité en 2020. Le croisement de ces fiches fournit une connaissance solide sur la France d’outre-mer pour l’agrégation de géographie.

 

Introduction : Une France méconnue

La France d’outre-mer a longtemps été absente du récit national (Ignorée des Lieux de Mémoire de Pierre Nora, 1984-1992 et de L’Identité de la France de Braudel 1986). Cela a évolué (Patrick Boucheron, Histoire mondiale de la France, 2017 / démarche post-coloniale / 2011 : « Année des Outre-mer ») mais le regard a peu changé (cyclones, troubles sociaux ou « paradis tropicaux »). Alors que la diversité prédomine. Avec 2,8 millions d’habitants et 120 000 km2, la FOM est une partie non négligeable du territoire national. On distingue :

  • Quatre « vieilles colonies » (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane) histoire commune (esclavage, assimilation, départementalisation). 2/3 de la population des FOM.
  • Neuf collectivités diverses à l’autonomie variable : Mayotte (DOM en 2011), COM, Nouvelle-Calédonie, îles inhabitées ou sans population permanente (TAAF, Clipperton).

Presque toutes marquées par la tropicalité, l’insularité et l’éloignement à la Métropole. L’auteur présente sa démarche : trouver l’unité et les régularités de la FOM, un « air de famille » découlant de ses relations « étroites, séculaires et compliquées » avec la Métropole, privilégier une approche par les lieux et l’espace et les questions d’inégalités, de disparités et de déséquilibres sociospatiaux.

 

Chapitre 1 Ce qu’« outre-mer » veut dire

Les termes employés sont loin d’être neutres.

1. Une forme actualisée de « colonie »

« Outre-mer » signifie un territoire au-delà des mers. Il apparait en contexte colonial dans les 1930’s comme façon euphémisée d’évoquer les colonies (Ecole coloniale rebaptisée Ecole nationale de la France d’Outre-mer (1934), Musée des colonies rebaptisé Musée de la France d’Outre-mer (1936), DOMTOM (1946), qui continue à être utilisé comme substantif). Les néologismes « ultramarins » et « régions ultrapériphériques » (Maastricht) procède du même désir de gommer cette dimension coloniale. L’auteur ne rejette pas le terme de « Métropole » qui souligne la subordination qui se prolonge alors qu’« Hexagone » cherche à dissimuler cette réalité. Les termes « miettes » ou « confetti » alors que la Guyane fait la taille de l’Autriche sont dépréciatifs et inconsciemment nostalgique. La France est le pays d’Europe qui a gardé la proportion la plus élevée de son empire colonial (1%).

2. Un regard depuis le centre

Si « Outre-mer » est un toponyme, c’est dans une logique réticulaire : un réseau fortement radiant et peu concentrique, en étoile, avec en son centre la Métropole qui continue de dominer et d’organiser l’ensemble. Pour ses habitants, la FOM est abstraite :

  • Aucune identité ou solidarité, plutôt une concurrence : les Mahorais s’intègrent difficilement à la Réunion, les Wallisiens et Futuniens en Nouvelle-Calédonie (3e force politique)
  • Forces centrifuges : détachement de St-Martin et St-Barthélémy de la Guadeloupe en 2007, éclatement de l’académie des Antilles et de la Guyane (1973) en trois (1997).

L’outre-mer est une définition exogène (comme « la Province »). Ce n’est que dans le regard du centre qu’on est « ultramarin » ou « provincial ». Ecrivain martiniquais Patrick Chamoiseau : « Je ne suis pas un « Ultramarin » et je refuse cette idée que l’on puisse mettre des peuples différents […) dans un simple « Outre-mer » » (France Info déc. 2012). Dans l’outre-mer, le centre est incarné par le Métropolitain (« Métro », « Zoreil’ », « Mzungu » à Mayotte, « Popa’a » en Polynésie)
Difficile de nommer l’outre-mer sans un point de vue métropocentré : « France du lointain » (toujours réf. à la Métropole) ou « France exotique » (altérité folklorique) ne conviennent pas non plus.

3. Des éloignements

Dans « outre-mer » il y a l’idée de distance (donc Corse exclue) et d’altérité. Eloignement kilométrique, dimension latitudinale (tropiques) et composante longitudinale (la France est le pays qui a le plus grand nombre de fuseaux horaires). Problèmes de synchronisation :

  • CAPES et agrégation en pleine nuit à Nouméa et Tahiti / cyclone qui peut reporter les épreuves sur tout le territoire national.
  • Populations de Polynésie privées d’info radio lors des élections présidentielles et depuis 2007 vote avancé d’une journée à l’ouest de la Métropole.

Le choix du calendrier scolaire est très politique : aligné sur la Métropole aux Antilles et à la Réunion, décalé à décembre en Polynésie Française et Nouvelle Calédonie ce qui provoque des problèmes d’organisation (mutations d’enseignants, poursuite d’études supérieures en Métropole pour les lycéens).
L’éloignement s’est réduit avec la contraction de l’espace-temps (fin XIXe, 45j pour N. Calédonie, 24h aujourd’hui) et les politiques de « continuité territoriale » (en fait uniquement avec la Métropole) avec tarifs réduits depuis 2003, mais le décalage est renforcé par l’écoute de la radio diffusée en direct et en continu (France Info, France inter).

4. Une fascination pour les îles

A part la Guyane, la FOM est insulaire (120 pour la Polynésie FR). Souvent chantée, ce qui véhicule des clichés : Dans mon île d’Henri Salvador (1958) “dans mon île on n’fait jamais rien, on se dore au soleil qui nous caresse et on paresse”, Belle-île en Mer de Laurent Vouzly (1985) « vous c’est l’eau, c’est l’eau qui vous sépare, et vous laisse à part » qui surestime les effets de la coupure maritime, et naturalise les maux dont souffre la FOM.

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