Cette longue fiche de lecture reprend chacun des articles réunis dans l’ouvrage collectif publié par les Editions Ellipses, à propos du sujet d’Agrégation sur l’Amérique Latine. Les longs développements qui y sont faits offrent une approche très complète du sujet.
Introduction (Marcelo Pires Negrão)
De prime abord, l’Amérique Latine est caractérisée par sa jeunesse ; elle intrigue aussi par son identité lente à émerger et à s’affirmer, raison pour laquelle la cartographie a joué un rôle décisif. Les mutations qui affectent en profondeur les sociétés et les espaces latino-américains au tournant du XXIe siècle révèlent les capacités d’adaptation, de résistance et d’innovation de pays souvent considérés comme des laboratoires de politiques publiques et de mouvements sociaux.
Avec la réorganisation des rapports de force entre partis traditionnels et progressistes, l’espace politique apparaît plus ouvert. Les mouvements populistes tendent à accentuer les clivages et la polarisation de la vie politique de façon inédite (empoignades dans les parlements, immenses manifestations de rues en Argentine, au Chili, au Venezuela, au Mexique…, destitution de présidents démocratiquement élus au président au Brésil, au Paraguay, au Pérou…).
Le passage d’une population majoritairement rurale à une population majoritairement citadine a alimenté de puissantes dynamiques urbaines ainsi que la consolidation du phénomène de métropolisation et de patrimonialisation des centres-villes (ségrégation socio-spatiale). L’installation des classes moyennes et aisées dans les quartiers fermés (gated communities) des périphéries des métropoles illustre bien ces mutations. Les inégalités socio-spatiales sont un sujet récurrent des travaux sur l’urbanisation latino-américaine.
Une pression sans égale s’exerce sur la biodiversité et les ressources naturelles de la région, ce qui ne fait qu’augmenter les conflits environnementaux, notamment entre les populations traditionnelles, les grands projets de développement et les propriétaires terriens. L’environnement s’affirme ainsi comme un champ d’innovation politique.
Le monde rural reste un lieu où se manifestent des asymétries persistantes entre des zones pleinement insérées dans la mondialisation contrastant avec des espaces dédiés aux activités traditionnelles où les habitants cherchent aussi de nouvelles issues dans la globalisation. Malgré tout, les paysans traditionnels continuent de représenter les principaux contingents faisant vive les espaces ruraux. Les campagnes deviennent des lieux d’organisation sociale et politique par le biais de la consolidation de mouvements écologistes et identitaires. La patrimonialisation de vastes espaces mis sous protection peut permettre l’empowerment des populations les plus fragiles. Cependant, le développement des espaces protégés et les activités touristiques sont susceptibles de produire des effets ambivalents.
La territorialisation des conflits et une tendance marquante de la période récente. Par ailleurs, de nouvelles mobilités se produisent entre les pays de la région et vers d’autres continents. On assiste à une amplification des migrations internationales. Les pays latino-américains sont conduits, sous l’influence de la diplomatie nord-américaine, à se tourner vers des accords bilatéraux. La nouvelle Alliance du Pacifique (AP), d’inspiration néolibérale, qui regroupe le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique, constitue à cet égard une exception bénéficiant avant tout du dynamisme commercial de la zone Asie-Pacifique. Au niveau local des zones transfrontalières se structurent en nœuds d’échange.
Il faut garder à l’esprit l’immensité et la diversité du continent latino-américain (20,3 millions de kilomètres carrés), le poids de sa population et de ses villes (600 millions d’habitants) et les différentes combinaisons d’intégration et de recomposition régional qui le caractérisent.
PREMIÈRE PARTIE: L’AMÉRIQUE LATINE EN QUÊTE DE SON IDENTITÉ
Chapitre 1 : Une Amérique qui devient latine (Marcelo Pires Negrão)
Synonyme de diversité, l’aire géographique et culturelle latino-américaine fut construite par étapes. Le qualificatif « latin » qui émerge à la fin du XIXe siècle est chargé de significations apparemment contradictoires, d’une part, à la volonté de désigner l’héritage linguistique et religieux de l’Europe du sud, mais aussi paradoxalement, l’inclusion du syncrétisme de peuples créoles, autochtones, africains, eurasiens et asiatiques, devenu plus tard l’expression d’une identité latine ou la « latinité ».
I. L’Amérique latine, aire géographique et culturelle
Très tôt les Amériques, par la diversité de leurs populations autochtones, leur richesse minière et l’étrangeté de leurs formes végétales et animales ont suscité l’intérêt des géographes européens.
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