Denis Retaillé est professeur en géographie à l’Université de Bordeaux. Il a aussi écrit Le Monde, espaces et systèmes.
Dans la préface du livre Les lieux de la mondialisation, Jean-Claude Ruano-Borbalan explique que les théories de Denis Retaillé sur la mondialisation sont essentielles car elles fournissent « une grille essentielle et renouvelée ». Il pense le monde comme articulé, « de l’identité à la mondialité, de la conflictualité à la société monde ».

Dans le chapitre « Nunavut, lieu de l’autochtonie », Denis Retaillé part de l’exemple de Nunavut pour montrer en quoi les peuples autochtones s’insèrent dans la mondialisation. Il ne décrit pas les conditions de vie à Nunavut, mais il essaye de démontrer en quoi les peuples autochtones en général ont une place dans le phénomène de la mondialisation. Sa thèse est que les lieux autochtones sont des lieux de la mondialisation.

L’auteur montre tout d’abord la difficulté de la définition de l’autochtonie, avant de montrer ses liens avec la mondialisation.

Définir l’autochtonie

 

Une première définition de l’autochtonie est d’abord donnée. Elle proclame l’identité attachée à la terre ou à l’eau bien que souvent le nomadisme en soit la condition. En 1999 est crée le territoire du Nunavut par le Canada. Cela devient un territoire autonome de 2 millions de km2 pour 30 000 habitants. Les Inuits qui y vivent sont à la fois hors et dans la confédération disposant d’un statut reconnu d’autochtones. Ces autochtones entrent dans une politique de préservation sur les sites naturels et culturels. Les peuples autochtones sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. En ce sens, on peut dire qu’ils sont protégés. Il est très difficile de délimiter et caractériser ces peuples. Il n’y a pas de définition précise de l’autochtonie. On peut comprendre l’autochtonie par une approche par les conditions sociales, culturelles et économiques qui les distinguent des autres communautés.
Un autre problème est que seule une frontière de « pureté » est attribuée aux autochtones. Les Etats sont les cadres de référence pour les autochtones. Les Etats donnent corps à ces entités qui sont éloignées de leurs conceptions de la société, du territoire. Le troisième problème est le lien entre l’autochtonie et la problématique des minorités. En effet, le passage à l’Etat pose problème. Les institutions internationales séparent le traitement de l’autochtonie de celui des minorités. Par exemple, on peut naturaliser l’identité comme dans le cas des Inuits dans le Grand Nord.

Le saccage écologique a conduit les « primitifs » à être menacés. C’est là que tout a commencé : la protection écologique dépolitise la protection des autochtones. Il n’y a d’autochtonie qu’inscrite dans un espace de représentation dessiné à l’extérieur. Finalement, moins de 20% du territoire Nunavut est contrôlé par les Inuits. De plus, avec l’élan de démocratisation et de mondialisation, une idée de l’identité surgie de la terre apparaît, c’est à dire une identité définie sur un patrimoine commun. La question des autochtones prend donc toute son importance dans les dernières décennies suite aux problèmes écologiques et à la mondialisation.

Les peuples autochtones sont les plus souvent mobiles. Leur territorialité est dans le mouvement. On compte aujourd’hui environ 350 millions d’autochtones et 150 millions de tribaux même si ses chiffres sont peu précis du fait de la difficulté de les recenser.
La déclaration de 2007 concernant les autochtones pose le fait que la société et naturelle et non contractuelle. Une identité collective est constituée par le sol. L’autochtonie est pensée sur le modèle de l’Etat et de son territoire.

Autochtonie et mondialisation

 

Comment l’autochtonie est-elle un registre dans lequel s’exprime la mondialisation ?

Les autochtones sont les premières victimes de la mutation écologique et les possesseurs des savoirs ancestraux. La question de l’autochtonie est devenue une question élevée à la globalité via la détour écologiste. De plus, les peuples autochtones sont supposés comme « purs ».
La question de la façon dont on se proclame autochtone va permettre de montrer l’expression de la mondialisation. Il faut dégager le peuple autochtone de l’histoire pour rendre possible le rapprochement de l’origine et du présent.
Pour cela, il faut 2 repères extérieurs. Tout d’abord le repère de l’histoire des autres, et ensuite le repère spatial des marges de l’écoumène. Les peuples s’inscrivent ainsi dans la mondialité par la nature même de leur être.

Il reste toujours pour autant difficile à définir comme le montre l’exemple de l’Inde. L’autochtonie a été fixée par la catégorie de tribus avec la colonisation britannique. Mais il y a des niveaux différents de capacité à l’auto-identification. Il est par conséquent difficile de trouver le premier enraciné.

Le lieu de l’autochtonie est un lieu du monde à plusieurs titres. D’abord car les autochtones préservent un témoignage primordial de l’humanité. Ensuite, c’est un lieu du monde au titre de la morale comme le principe des « droits » le suggère. Enfin, ils incarnent un modèle de l’éco-responsabilité exemplaire.
Ainsi, l’autochtonie donne une allure de découverte inversée. C’est un contre-modèle à la mondialisation qui est issu de la mondialisation.
On observe une convergence vers la « responsabilité » dans les lieux de la mondialisation.

L’autochtonie est porteuse d’une alternative à l’ordre mondial : par le respect du contrat naturel, et par une relation contractuelle avec tous les types de partenaires non hiérarchisés et changeants selon les problèmes à traiter.

Le chapitre montre bien que la mondialisation n’est pas forcément là où on le croit. L’auteur insiste sur les peuples autochtones mais articule avec une relation à l’espace. Il ne conçoit pas l’espace sans les peuples. Il arrive ainsi à montrer comment cet espace qu’est le Nunavut peut être un lieu de la mondialisation. La démonstration est convaincante et efficace mais le Nunavut est finalement très peu décrit. L’auteur utilise très peu dans son raisonnement de références au Nunavut. Il cherche très vite à généraliser pour montrer que son exemple du Nunavut n’est qu’un cas particulier et que son objectif est de montrer que les lieux de l’autochtonie sont des lieux de la mondialisation. Il est intéressant de contaster que pour démontrer son affirmation, l’auteur explique surtout en quoi les populations autochtones dans leur espace sont indispensables au monde et donc à la mondialisation.

Pierre Belleau, HK/BL, Sainte-Marie de Neuilly