CHAPITRE 10 : La formation des empires coloniaux anglais et français aux Amériques (David CHAUNU)
Quel impact des événements de la métropole sur son espace ultramarin ? Pendant la guerre civile, les territoires ultramarins anglais sont déchirés par les mêmes tensions politico-religieuses. La rupture est moins évidente pour les territoires ultramarins français pendant la Fronde, même si les structures du gouvernement colonial héritées de Richelieu sont affaiblies.
Il faut aussi se demander en quoi l’expansion coloniale de ces deux monarchies a transformé leur nature.
John H. Elliot (historien britannique) parle des entités politiques du 17e comme de formations « composites » (agglomération de territoires discontinus et aux statuts variés autour d’une même Couronne).
Sous Charles II et le règne personnel de Louis XIV, on a un renforcement des autorités monarchiques dans le domaine ultramarin. Par rapport à cette période, on peut se demander qu’est-ce qui fait d’un ensemble de territoires un empire et qu’est-ce qui donne à cet empire un caractère colonial ?
1. Un ensemble de territoires aux statuts disparates
Immense variété des statuts dans les colonies américaines françaises et britanniques : compagnies de commerce, propriétaires, lieutenants généraux, vice-rois… Les établissements se font sans logique chronologique ou géographique : pas de plan préconçu. Mais dans le cadre des « monarchies composites », il y avait tout de même un lien entre les sujets, leur roi.
1.1 Compagnies, colonies à propriétaires, colonies royales
a. La dévolution de pouvoirs à des corps subordonnés ou à des propriétaires : de l’impérium au dominium
La rivalité entre monarchies et un imaginaire juridique commun à toute la Chrétienté expliquent notamment l’expansion du 16e. Les premiers instruments juridiques sont des lettres patentes (ou chartes royales) délivrées à des représentants ou des corps subordonnés. La carence ou surtout l’absence d’une bureaucratie explique qu’on délègue l’autorité. Michael BRADDICK parle de « gouvernement par licence ». Ce système est moins coûteux pour les monarchies.
Les compagnies : corps d’Ancien Régime adossés à des systèmes de revenus et des réservoirs de privilèges. Leurs détenteurs peuvent exercer la justice entre autres. Système privilégié des années 1600-1620 (Compagnies de la Nouvelle- France et Virginia Company).
Les colonies à propriétaire : selon le modèle des comtés anglo-normand d’Irlande, un grand aristocrate recevait une colonie et obtenait des capacités seigneuriales étendues.
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