Introduction

-1939: un ordre colonial apparemment solide

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’ordre colonial ne paraissait nulle part fondamentalement remis en cause. Si les Philippines s’étaient vues promettre l’indépendance à court terme, si l’Inde était largement engagée dans un processus d’émancipation (mais son terme était encore obscur), les colonisateurs ne semblaient guère bousculés, et moins encore pris à la gorge. Partout leur puissance militaire paraissait invulnérable à leurs opposants. Le nouveau cinéma parlant et les grandes expositions coloniales donnaient dans les métropoles une popularité sans précédent à la notion d’empire colonial. Et, maintenant que la « pacification » était depuis longtemps achevée, que les infrastructures les plus indispensables avaient été jetées, certaines colonies commençaient – enfin- à rapporter gros.

-Une décolonisation aussi rapide que la colonisation

Et pourtant, en une grosse quinzaine d’années, entre 1946 (Philippines) et 1962 (Algérie), la grande majorité des colonies, et surtout la quasi-totalité de celles de grande taille gagnent leur indépendance. Le processus est comme le reflet inverse, mais encore plus rapide, de l’emballement colonisateur du dernier quart du XIXème siècle. La décolonisation appelle la décolonisation. Dans bien des cas le départ de la puissance dominante est plus ou moins improvisé: les plans successifs d’accession progressive à l’autonomie interne sont souvent dépassés sitôt que signés. Il y a là une manière de mystère, qui n’a d’équivalent que l’écroulement spontané de la féodalité en France, le 4 Août 1789. -Quelques grands drames, beaucoup de processus relativement paisibles

Il s’agit bien d’une renonciation, plus souvent que d’une vraie éviction. Bien sûr, dans le processus, des mouvements anticolonialistes autochtones apparurent et se développèrent rapidement. Mais ils n’auraient pas souvent été en mesure d’imposer par la force la libération de leur pays. Les révoltes armées de grande ampleur furent d’ailleurs l’exception (une dramatique exception bien souvent) beaucoup plus que la règle: l’arbre algérien ou vietnamien ne doit pas cacher la forêt des indépendances plus ou moins paisibles. Les guerres de libération eurent cependant un rôle-clé: les colonisateurs consentirent plus aisément ailleurs des concessions pour les éviter.

-Un bouleversement des rapports de force internationaux plus grand dans le politique que dans l’économique

On évoquera, brièvement, l’évolution des nouveaux Etats dans la période post-coloniale. Ils ont acquis une égalité au moins formelle avec leurs anciens maîtres. Ils jouent un rôle important dans les relations internationales, du moins quand ils savent conserver un minimum d’unité entre eux – ce à quoi ils s’efforcent, en particulier par la constitution d’organisations régionales. L’ONU est devenue leur tribune. Par contre le fossé économique qui les sépare des nations développées ne s’est le plus souvent pas comblé, quand il ne s’est pas davantage creusé. Cruelle déception pour ceux qui, surévaluant le poids de l’exploitation coloniale, pensaient que son abolition ouvrirait les vannes du développement rapide.

I-Les facteurs de la décolonisation

Il importe d’abord de comprendre pourquoi la décolonisation a eu lieu. La réponse est particulièrement multifactorielle, et donc fort complexe – d’autant plus que ces divers facteurs sont loin de jouer tous, et dans les mêmes proportions, quel que soit le cas. En tout cas la légende dorée (ou noire) du révolté se redressant et brisant ses chaînes n’a le plus souvent qu’un rapport lointain avec la réalité.

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Références bibliographiques majeures

Charles- Robert Ageron, La décolonisation française, Paris, Armand Colin, coll. Cursus 1991

Charles- Robert Ageron, Marc Michel (dir.), L’ère des décolonisations – Actes du colloque d’Aix-en-Provence, Paris, Karthala, 1995

Henri Grimal, La décolonisation 1919-1963, Paris, A. Colin, 1965

Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce, Paris, Seuil- Points Histoire, 1990.

Marc Michel, Décolonisations et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, coll. Carré Histoire 1993

Guy Pervillé, De l’Empire français à la décolonisation, Paris, Hachette, Carré Histoire 1991

Wolfgang Reinhard, Petite histoire du colonialisme, Paris, Belin-Sup, 1997