La Glorieuse Révolution et la fin des Stuarts (1689-1714)

I) Le rejet de la politique religieuse de Jacques II

– En 1685, Jacques II monta sur le trôle dans un climat politique très tendu, après la crise de l’Exclusion et dans le contexte d’une Révocation de l’Édit de Nantes qui ressuscitait la peur d’un complot catholique international. A son accession au pouvoir, il dut affronté la rébellion des Écossais et celle du duc de Monmouth dans le sud de l’Angleterre, qui s’était proclamé roi. Mais il fut exécuté avec ses partisans. Ces victoires renforcèrent la position de Jacques II, qui, catholiques, se pensait missionnaire pour ramener ses sujets dans la vraie foi. Il mena une politique favorable aux catholiques en Irlande, et en 1687 et 1688, proclama plusieurs « Déclarations d’Indulgence » qui, tout en rappelant son pouvoir absolu, établissaient la liberté de conscience dans les Îles Britanniques, ce qui concernait autant les protestants non-conformistes que les quakers ou les catholiques. Mais les contemporains y voyaient des mesures pour contourner les Test Acts. Il fit emprisonner des évêques opposés à lui en 1688, qui furent acquitté, sous les acclamations de la foule, donnant à nouveau lieu à des flambées d’anticatholicisme.

II) L’appel à Guillaume d’Orange

– À ces tensions religieuses s’ajoutèrent la naissance d’un hériter mâle le 10 juin 1688, aussitôt baptisé, donnant la perspective d’un long règne catholique. Plusieurs nobles écrivirent à Guillaume d’Orange pour l’appeler à venir s’emparer du trône d’Angleterre (car il avait épousé Mary Stuart, la fille de Jacques Ier). Le roi eut vent de son débarquement dès septembre 1688, et publia dans la London Gazette, avertissant ses sujets d’une invasion hollandaise imminente. Jacques II eut recourt à l’imprimé pour diffuser une propagande pour remporter la bataille de l’opinion (sur son fils, qu’on voulait croire illégitime, sur Guillaume d’Orange). Guillaume prépara aussi l’opinion à son débarquement, en publiant trois manifestes en octobre-novembre, diffusés dans toute l’Europe. Le 5 novembre 1688, Guillaume d’Orange débarqua à Torbay à la tête de soldats hollandais, danois, et brandebourgeois : ce fut la seconde invasion réussie de l’histoire d’Angleterre. Il rencontra peu de résistance, Jacques II s’enfuit en décembre. En février 1689, le Parlement, considérant que la fuite du roi équivalait à son abdication, proposa la couronne à Mary et Guillaume en contrepartie de leur acceptation du Bill of Rights. Pour la deuxième fois, les Anglais procédaient à une rupture brutale de l’ordre divin de la succession en vertu du principe de la souveraineté populaire. Mais pour la première fois, les libertés fondamentales étaient intégrées au serment royal. Le couple royal y ajouta le Toleration Act qui accorda une plus grande tolérance religieuse à l’égard des non-conformistes et la fin des persécutions (mai 1689). Le Parlement devint le cœur de la vie politique, renouvelé tous les trois ans (Triennal Act, 1694). Il fut l’artisan de la création de la Banque d’Angleterre la même année, ce qui facilita les emprunts à des taux d’intérêts plus faibles que ceux dont bénéficiait la France : le développement du crédit public constitua une « révolution financière » qui joua un rôle essentiel dans l’affirmation de la puissance anglaise au XVIIIe siècle (Dickson, 1967).

III) Débats historiographiques autour d’une révolution « glorieuse »

– L’idée d’un événement « glorieux » est apparu dans les sermons de l’évêque de Salisbury Gilbert Burnet qui prêcha devant les Communes en janvier 1689, faisant de Guillaume d’Orange le « Glorieux instrument » de la délivrance. Mais en réalité, la légitimité du souverain était contestée au sein de la High Church et du Parlement : plusieurs évêques et une partie du Parlement refusèrent de lui prêter allégeance.

– L’historiographie whig voyait l’insurrection d’une nation protestante contre un roi catholique, sans effusion de sang (Histoire d’Angleterre de Thomas Macauley). Pour certain, c’était une révolution conservatrice où l’Église anglicane aurait joué un rôle au premier plan (Morril, 1991), pour d’autres, elle traduit la continuité d’une pensée républicaine héritée de la guerre civile des années 1640 (Worden, 1991, Hill, 1958). Le renouvellement historiographique intervint avec la réévaluation du règne de Jacques II dans le travail de Tim Harris sur la « Grande Crise » du règne des derniers Stuarts (2007), et celui de Steve Pincus (2009) pour qui ce fut la première révolution moderne. Harris insista sur les forces profondes ) l’œuvre dans la révolution de 1688, hostiles à la politique de tolérance religieuse menée par Jacques II. 1688 n’était pas qu’un simple coup d’État monté par un petit groupe d’opposants à la politique de Jacques II, mais l’événement se comprend à la lumière de la longue durée de l’anticatholicisme. Pincus montre que partout dans le pays, on assista à des prises d’arme, et que comme toute révolution, celle de 1688 fut populaire et violente. Jacques II s’était employé à développer un État absolutiste moderne et centralisé sur le modèle de celui de son cousin Louis XIV (vision opposée aux whigs). Le clivage entre Whigs et Tories se doublait de deux conceptions de l’économie, et la Glorieuse Révolution se produisit dans le cadre d’une forte politisation des questions économiques.

IV) La révolution de 1689 dans les colonies américaines

– À l’annonce de la Glorieuse Révolution, les récoltes se produisirent surtout à Boston, New-York et dans le Maryland où les autorités avaient tardé à proclamer le nouveau règne, poussant les colons à prendre l’initiative. Ces révoltes faisaient suite au tension existantes liées à la politique catholique et de centralisation de Jacques II. Les révoltes montrèrent la fragilité des fondements de l’autorité coloniale. Les privilèges garantis par les chartes avaient été durement éprouvés par la politique de Jacques II ; en temps de révolte, leur insuffisance à établie une légitimité alternative obligea les colons à se tourner vers l’Angleterre car, sur place, l’autorité des magistrats demeurait incertaine.

V) Les Sacheverell Riots et la contre-révolution jacobite (1710-1714)

– Les émeutes de Sacheverell survinrent dans le contexte de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1713), où les Whigs, qui dominaient le Parlement et le gouvernement, avaient engagé les forces britanniques dans une guerre à outrance contre Louis XIV sur le continent et Philippe V en Espagne. À Londres, l’opinion aspirait à la paix et à l’allégement de la fiscalité, et Whigs et Tories s’affrontaient à travers la presse, les pamphlets et les sermons sur les questions politiques, économiques et religieuses.

– Henry Sacheverell, docteur en théologie de l’Église anglicane, professeur à Oxford et membre du Parlement, faisait des sermons enflammés contre les Whigs, en 1708-1709, qui dénonçaient les dissenters et les corruptions whigs au Parlement. Les Whigs décidèrent de prononcer son impeachment, ce qui aboutit à un procès dirigé contre tous les Tory. La situation dégénéra, provoquant des troubles majeurs dans les rues de Londres. L’acquittement de Sacherell à son procès se transforma en émeutes anti-whigs dans tout le pays. D’après Geoffrey Holmes, l’originalité du mouvement venait de la mobilisation massive d’une « Church mob », une foule mobilisée pour défendre les intérêts de l’Église officielle (car depuis l’Acte de Tolérance de 1689le nombre de non-conformistes s’était fortement accru) à travers les droits individuels d’un pasteur de l’Église anglicane. La mobilisation avait aussi d’autres motifs comme la xénophobie due aux changements sociaux induit par la « révolution financière » (prospérité de familles juives, espagnoles, huguenotes, hollandaises dans la City), et l’engagement anglais dans les guerres contre Louis XIV. Les cibles des révoltés étaient les bâtiments presbytériens, les meeting houses (maisons de prière dans lesquelles les dissidents célébraient leur culte), propriétés de Whigs incendiés, fenêtres brisées, mais aussi la Banque d’Angleterre. En 1710, la « victoire » des tories se caractérisa par l’accession de ministre tories au gouvernement (ce qui abouti aux pourparler pour la fin de la guerre de Succession d’Espagne).

– À la fin du règne d’Anne, Bolingbroke, secrétaire d’État tory du gouvernement, anima un mouvement jacobite qui tenta une sorte de contre-révolution en soutenant la succession du Prétendant (Jacques-Édouard, fils de Jacques II). En 1715, l’expérience des Scheverell Riots et la rumeur d’un soulèvement jacobite furent à l’origine d’une sorte de loi antiémeute, le Riot Act, qui interdisait tout rassemblement de plus de douze personnes.