Frontières – Géopolitique des Amériques
Ce cours très largement développé a été publié pour répondre à différents besoins. Il traite de l’une des questions de géographie thématique du CAPES, mais il a été adapté, par des apports différents, en termes de sources, aux préoccupations spécifiques des candidats aux concours internes de l’armée de terre. Les exemples sont très largement pris, pour des raisons évidentes, sur le continent américain, tout particulièrement en Amérique latine, mais pas seulement. (La question des frontières de l’Arctique étant actuellement particulièrement sensible). La question du déploiement des forces armées sur les territoires nationaux se pose dans de nombreux pays, dont la France, dans un contexte qui est celui de la lutte contre le terrorisme, mais aussi de la maîtrise des flux migratoires. Cela permettra également aux candidats de la filière lettres de l’école militaire interarmes de retrouver une des trois questions de géopolitique, celle des migrations.
Pour les différentes épreuves orales auxquelles les candidats sont confrontés, ce cours permettra d’établir une typologie des frontières, « en tant qu’objets géopolitiques ». Se pose alors la question de l’interaction entre le développement des forces armées, assurant des contrôles de territoires, et celui des décisions politiques qui mettent en œuvre leur déploiement.
« L’Armée est chargée de garder la frontière. Dieu nous protège qu’elle retourne ses armes contre les citoyens ». Simon Bolivar Simon Bolivar, « Mensaje del Libertador Simón Bolívar al Congreso Constituyente de Bolivia con motivo de la presentación del proyecto de Constitución política », Betty Jordan De Albarracin., Documentos para una historia del derecho constitucional boliviano, La Paz, Bolivia, Talleres Gráficos « San Antonio », 1978, p. 78. (traduit par l’auteur).
La fabrique du monde
Parcourue et habitée depuis 20 000 ans, l’Amérique n’émerge dans la cartographie occidentale qu’au XVIe siècle.
Pour les premiers Européens partis à la recherche d’une nouvelle voie maritime vers les Indes et la Chine, la nature de ces nouvelles terres n’est pas définie : archipels chinois, terres asiatiques, ou quatrième continent inconnu de la Bible ? C’est le florentin, Amerigo Vespucci, qui émet l’hypothèse d’un Mundus Novus. C’est en son honneur qu’en 1507 le géographe Martin Waldseemüller baptise ce nouveau continent America.
L’Amérique est une construction géographique européenne. Cette création d’un nouveau monde n’a cessé de bouleverser les représentations du monde connu, jusqu’à transformer la planète en une immense « America », globalisée, individualisée, conquérante, fracturée aussi, de toutes les résistances à ce processus d’américanisation du monde.
Les Amériques sont le terrain d’expérimentation de ce rapport particulier de l’individu, de la communauté, de l’entreprise, de l’Etat, à un espace toujours perçu comme dynamique, de sociétés à l’héritage précaire, tournées vers le futur plus que vers le passé, et qui débordent systématiquement sur le monde. Elles constituent une matrice géopolitique car, plus qu’ailleurs, l’existence passe par la capacité à fabriquer son monde nouveau, essence même du pouvoir.
De l’espace aux territoires américains
Le « Nouveau monde » est un « Autre monde »…
« Le Nouveau Monde est vraiment pour les Européen un autre monde, la violence des climats, les contrastes qu’introduisent les orientations méridiennes des reliefs, l’immensité monotone des étendues intérieures (…) les densités et les paysages portent la marque d’une progression qui a balayé l’espace de l’Atlantique au Pacifique (…) les logiques de l’espace américain résultent de la confrontation à de grands horizons politiques et économiques, et de leur maîtrise assurée . Paul CLAVAL, La conquête de l’espace américain, du Mayflower au Disneyworld, Paris, Flammarion, 1989
… Fondé sur une représentation géographique, du territoire au monde…
Les Américains se définissent moins par le partage d’une histoire commune que par une imagination géographique centrée sur l’extension de la frontière par des pionniers. Certes, tout le monde reconnaît que les nations sont des communautés imaginées, mais les États-Unis (entrainant avec eux les autres pays) représentent la communauté imaginée par excellence. La création de la nation américaine a été rendue possible grâce aux représentations des pionniers (européens) qui ont qualifié ce territoire de « Nouveau Monde » et d’« espace du possible ». Plus tard cette idée du possible s’est raccrochée à celle de l’expérience individuelle de la frontière et ensemble, elles ont contribué à formater l’imagination géographique du peuple américain. Avec l’avènement de la mondialisation (et la disparition d’un antagonisme entre deux blocs Est/Ouest), la logique de la frontière et de l’espace du possible ont à nouveau émergé et alimenté l’idée de l’expansion du marché pour les entreprises. La liberté économique est perçue comme le fondement de la liberté pour soi et le capitalisme américain continue de reposer sur la volonté d’un État fédéral, prêt à défendre l’expansion de ce marché pour favoriser la vente des produits américains.
… Ainsi que sur un jeu d’acteurs original : l’individu, la communauté, l’entreprise, l’Etat
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