Cette fiche est une synthèse réalisée à partir de mes lectures personnelles et de mon propre cours de Spécialité Terminale : « De nouvelle frontières ». Les éléments sélectionnés qu’elle comportent rassemblent des connaissances simples et accessibles pour les candidats à l’agrégation autour de la question majeure de la gestion des océans dans la préservation de l’environnement global.
Les océans couvrent plus de 70 % de la surface terrestre et jouent un rôle crucial dans la régulation climatique, la biodiversité et la sécurité alimentaire. Cependant, leur gestion est un défi complexe, car ils sont soumis à des pressions croissantes liées aux activités humaines (pollution, surpêche, changement climatique). La gestion des océans exige une approche internationale coordonnée pour préserver ces écosystèmes vitaux, souvent considérés comme un commun planétaire.
Cette notion de « commun planétaire » renvoie à Dipesh Chakrabarty (The Climate of History in a Planetary Age, Chicago University Press, 2021) ; il est aussi fait référence à la notion « océan global » de Christian Grataloup, qui rappelle que toutes les mers et océans de la planète sont reliés les uns aux autres, ne formant qu’un seul vaste bassin aquatique qui a été subdivisé par les découvreurs européens à des fins de localisation ; il utilise aussi les réflexions de François Gemenne et Aleksandar Rankovic (Atlas de l’Anthropocène, Presses de Sciences Po, 2019).
1. Le Rôle des océans dans l’équilibre planétaire
La régulation climatique
Les océans absorbent environ 23 à 25 % des émissions de CO₂ produites par les activités humaines, jouant un rôle clé dans l’atténuation du changement climatique. Cette absorbation se fait directement par les algues présentes dans l’eau ou bien par les racines des mangroves tropicales.
Surtout, les océans sont un « puit de chaleur » car ils stockent plus de 90 % de l’excès de chaleur généré par le réchauffement climatique. Ils captent 60% du rayonnement solaire qui n’est pas rejeté dans l’atmosphère et retenu par l’effet de serre.
Mais cela entraîne des impacts négatifs comme l’acidification et la stratification thermique. Cela réduit aussi de plus en plus la capacité de l’océan à créer de l’oxygène, et perturbe également la circulation des courants marins.
La biodiversité marine
Les océans abritent plus de 250 000 espèces connues et des millions encore non répertoriées, notamment dans les récifs coralliens, les mangroves et les zones abyssales.
Mais les changements actuels (réchauffement de l’eau de surface, acidification, modification des courants marins) fragilisent les écosystèmes car ils limitent la quantité d’oxygène et la température nécessaire à la survie des coraux et les parcours du phytoplancton dont se nourrissent les poissons.
La destruction anthropique des habitats marins (récifs coralliens, herbiers marins), l’aquaculture, la surpêche, la construction de parcs éoliens en mer et le tourisme (notamment les croisières) dans les eaux froides des pôles) menacent également cette biodiversité.
La sécurité alimentaire et économique
Les océans fournissent des moyens de subsistance à plus de 3 milliards de personnes, notamment par la pêche et l’aquaculture traditionnelle.
Les industries maritimes (transport, tourisme, énergie offshore) représentent une part significative de l’économie mondiale. L’Asie abrite plus de 75% de la flotte globale de pêche, suivie par les Amériques et l’Océanie. Selon la FAO, il y avait en 2022 environ 4,9 millions de navires (contre 5,3 millions en 2019).
2. Menaces pesant sur les océans
Les pollutions
- Les plastiques : Chaque année, environ 8 à 10 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans, formant des gyres comme le « continent de plastique » dans le Pacifique. Les plastiques se décomposent sous l’effet des courants et deviennent des micro-plastiques (moins de 5mm d’épaisseur) qu’ingèrent les poissons et les oiseaux.
- Le déversements chimiques et industriels : Les effluents agricoles et industriels entraînent une eutrophisation, provoquant des zones mortes où la vie marine est impossible. Les littoraux industriels sont les plus pollués du monde. Il faut ajouter les rejets dans l’océan des stocks de munition (Manche), l’abandon des mines maritimes (Baltique) et des bidons de déchets radioactifs ou de sous-marins nucléaires hors d’usage (mer de Barents) depuis la fin de la guerre froide.
- La pollution pétrolière : Les déversements accidentels (comme la marée noire de Deepwater Horizon en 2010) ont des effets durables sur les écosystèmes marins. Parmi les marées noires provoquées par les naufrages de navires, il faut se souvenir du Torrey Canyon (120 000 tonnes en 1967), l’Amoco Cadiz (230 000 tonnes en 1978), l’Exxon Valdez (180 000 tonnes en 1989), l’Erika (30 884 tonnes en 1999), le Prestige (77 000 tonnes en 2002), le Wakashio (4 000 tonnes en 2020).
La surpêche
Environ 35 % des stocks de poissons sont surexploités, mettant en péril la régénération des espèces. Des pratiques destructrices, comme le chalutage de fond, la pêche électrique, la pêche à la dynamite, détruisent les habitats marins.
Le changement climatique
- Acidification des océans : L’absorption de CO₂ par les océans réduit leur pH, affectant les organismes calcifiants comme les coraux et les mollusques qui ne peuvent pas se déplacer.
- Réchauffement des eaux : Les températures plus élevées provoquent le blanchissement des coraux, réduisent la productivité des pêcheries et modifient les migrations des espèces marines. Elle attire et permet la prolifération d’espèces invasives comme les étoiles de mer (Océanie) ou le crabe bleu (Méditerranée). Or, ces espèces sont particulièrement voraces et destructrices pour les coraux ou les élevages d’huitres, de palourdes et de moules…
- Montée du niveau de la mer : Les écosystèmes côtiers, comme les mangroves et les récifs coralliens, sont menacés par l’élévation des eaux. L’érosion côtière est un autre effet.
- La multiplication des méga-cyclones : Le réchauffement de l’eau alimente la création des tempêtes tropicales, qui peuvent devenir des cyclones. Quand ils se sont formés, ces cyclones/ouragans/typhons deviennent de plus en plus souvent des événements climatiques destructeurs, marqués par des vents de plus en plus violents (catégorie 5 de l’échelle de Saffir-Simpson).
3. Gouvernance des océans : Cadres actuels
Le zonage des océans selon le droit international
La gestion des océans est encadrée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), adoptée en 1982 :
- Eaux territoriales (12 milles marins) : Sous souveraineté des États côtiers.
- Zone économique exclusive (ZEE, 200 milles marins) : Les États ont des droits exclusifs sur les ressources marines et énergétiques.
- Hautes mers (au-delà des ZEE) : Considérées comme des biens communs mondiaux, où la gestion est partagée.
Des aires marines protégées
Les Aires Marines Protégées (AMP) sont des espaces délimités en mer qui assurent à long terme la conservation de la nature et les services écosystémiques. Mais il existe plusieurs statuts, dont la protection est plus ou moins forte.
En 2016, l’Union internationale pour la conservation de la nature a adopté un objectif de « créer un océan réellement durable dont au moins 30 % de la superficie n’accueillera aucune activité extractive ». Mais les moyens qu’accordent les Etats à cet objectif ne sont pas suffisants. Aujourd’hui, moins de 10% des mers du globe sont dans une AMP.
Au statut des AMP, il faut ajouter d’autres statuts, surtout dans l’UE : les parcs nationaux, les réserves naturelles, les zones gérées par le Conservatoire du Littoral, les parcs naturels marins, les zones Natura 2000, les sites RAMSAR.
En France, la protection des aires maritimes a débuté en 1941 (une réserve naturelle en Nouvelle-Calédonie). Le premier Parc National est celui de Port-Cros (1963). Il y a aujourd’hui 589 aires marines protégées en métropole et dans les outre-mers, c’est-à-dire 33,4% de l’espace maritime français.
Des accords spécifiques
Règlement sur la pêche :
- Le moratoire sur la pêche à la baleine (1986).
- L’Accord de New York (1995) régit la pêche en haute mer et vise à protéger les stocks de poissons transfrontaliers.
- Les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) régulent la pêche dans certaines zones spécifiques.
- Les ONG comme Greenpeace ou Sea Shepherd veillent au respect des accords internationaux.
Conventions environnementales :
- La Convention MARPOL (1973) vise à réduire la pollution des océans par les navires.
- La Convention sur la diversité biologique (1992) inclut des objectifs pour protéger les écosystèmes marins.
- Le Protocole de Nagoya (2010) sur l’utilisation et le partage des avantages liés aux ressources énergétiques.
4. Progrès récents : Le traité sur les hautes mers (2023)
Les hautes mers, qui représentent environ 60 % des océans, n’étaient pas suffisamment protégées par les cadres existants. La CNUDM de 1982 les définissaient comme « haute mer », n’appartenant à personne ou à tout le monde. La gestion des ressources halieutiques y était libre, tandis que les ressources des fonds océaniques (pétrole, minerais) sont interdites d’accès. Il s’agit d’un « patrimoine commun ».
Le traité des Nations Unies sur la protection de la biodiversité marine dans les zones au-delà des juridictions nationales (High Seas Treaty) a été adopté en 2023 après des années de négociations.
Objectifs principaux :
- Création d’aires marines protégées :
o Protéger 30 % des océans d’ici 2030.
o Limiter les activités destructrices (pêche industrielle, extraction minière) dans ces zones.
- Évaluation de l’impact environnemental :
o Exiger des études d’impact pour toute activité humaine en haute mer, comme l’exploitation minière des fonds marins.
- Partage équitable des ressources marines :
o Garantir que les bénéfices issus de la bioprospection (par exemple, pour des médicaments) soient partagés équitablement entre tous les États, en particulier les pays en développement.
5. Défis persistants pour la gestion des océans
Manque de mise en œuvre
Bien que les accords internationaux soient signés, leur application est souvent faible. Cela s’explique par 1) un manque de financement ; 2) le non-respect des règles de partage par certaines industries de la pêche qui entrent dans des ZEE sans licence de pêche ; 3) l’absence de mécanismes coercitifs ; 4) la difficulté de surveiller des zones vastes comme les hautes mers : 5) le désir de prédation de certains gouvernements qui souhaitent aujourd’hui, pour des motifs économiques, explorer les croûtes des fonds marins et en extraire les métaux rares comme le lithium, le platine, le manganèse, l’or, le cuivre.
Conflits d’intérêts
Les États côtiers et les industries maritimes s’opposent parfois aux restrictions qui pourraient affecter leurs revenus.
- Exemple 1 : L’exploitation minière des fonds marins est controversée, car elle menace les écosystèmes profonds mais offre un potentiel économique important.
- Exemple 2 : l’exploitation du pétrole offshore, activité polluante, qui est pourtant fondamentale au « capitalisme fossile » et au « Capitalocène ».
- Exemple 3 : le phénomène NYMBY dans le développement des projets de parcs éoliens en mer.
Pollution transfrontalière
Les polluants plastiques ou chimiques ne respectent pas les frontières, compliquant leur gestion.
Les pays en développement, souvent sources de pollution plastique en raison d’un manque d’infrastructures de gestion des déchets, ont besoin de soutien financier pour remédier à ce problème.
Cela pose le problème de la « justice écologique et sociale » (Dipesh Chakrabarty) : les exigences de justice sociale (développement, industrialisation des pays du Sud) sont en tension avec la nécessité de réduire les émissions globales.
6. Les enjeux des métaux rares présents dans les fonds marins
Types de ressources minérales sous-marines
Nodules polymétalliques :
Ils se trouvent sur les plaines abyssales, à 4 000-6 000 mètres de profondeur. Ces terres rares contiennent du manganèse, du nickel, du cobalt et du cuivre, essentiels pour les batteries électriques, l’électronique et les énergies renouvelables.
Encroûtements cobaltifères :
Formés sur les flancs des monts sous-marins. Ils sont riches en cobalt (batteries) et en terres rares.
Sulfures polymétalliques :
Ils se trouvent autour des sources hydrothermales actives et contiennent du cuivre, de l’or, du zinc et de l’argent.
Pourquoi ces métaux sont-ils importants ?
- Pour la transition énergétique : Ces métaux sont essentiels pour les batteries (véhicules électriques, stockage d’énergie), les panneaux solaires et les éoliennes.
- Pour l’industrie technologique : Ils sont utilisés dans les smartphones, les ordinateurs, les câbles de communication et autres appareils électroniques.
- Pour répondre à une demande générale croissante : La transition énergétique et numérique fait exploser la demande pour ces ressources. Le développement économique de nouveaux Etats et l’apparition d’une classe moyenne consommatrice en Inde, en Chine, au Brésil, dans les Etats du Golfe persique… augmentent aussi la demande.
- Aujourd’hui, la Chine domine le marché des terres rares (70 % de la production mondiale). Elle souhaite continuer à assurer sa domination commerciale dans ce domaine dont une grande partie du monde développé dépend. Elle est donc au centre du jeu et veut le rester (querelle liée aux semi-conducteurs).
Enjeux de l’exploitation des fonds marins
Destruction des écosystèmes profonds
Les fonds marins abritent des écosystèmes uniques et encore largement inconnus :
- Les plaines abyssales et les sources hydrothermales hébergent des espèces endémiques, adaptées aux conditions extrêmes.
- L’extraction minière pourrait détruire ces habitats, menaçant des espèces avant même qu’elles ne soient découvertes.
Perturbation des cycles écologiques
Les sédiments soulevés lors de l’exploitation peuvent se propager sur de vastes zones, affectant la photosynthèse des organismes marins et les chaînes alimentaires. Les rejets chimiques et la pollution sonore perturbent les écosystèmes marins sur plusieurs niveaux.
Perte de « carbone bleu »
Les fonds marins stockent de grandes quantités de carbone. Leur perturbation pourrait libérer ce carbone dans l’océan, contribuant au réchauffement climatique.
Problématiques politiques et économiques internationales
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) (1982) établit que les ressources des fonds marins situés au-delà des juridictions nationales sont considérées comme le « patrimoine commun de l’humanité ».
L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), basée en Jamaïque, régule l’exploitation minière dans les zones internationales. Elle délivre des licences d’exploration à des entreprises ou États. Elle doit garantir que les activités minières respectent des normes environnementales strictes.
Conflits d’intérêts
Les pays disposant de technologies avancées (comme la Chine, les États-Unis, le Japon et l’Union européenne) font pression pour accélérer l’exploitation. Certains États insulaires et organisations environnementales s’opposent fermement à l’exploitation, mettant en avant les risques écologiques.
Où en est l’exploitation des fonds marins ?
Exploration en cours
Plus de 30 contrats d’exploration ont été attribués par l’AIFM, couvrant environ 1,5 million de kilomètres carrés dans l’océan Pacifique, Atlantique et Indien.
Parmi les acteurs principaux :
- China Minmetals Corporation (Chine).
- The Metals Company (Canada).
- Global Sea Mineral Resources (Belgique).
Absence de cadre pour l’exploitation
L’AIFM n’a pas encore finalisé les règlements pour autoriser l’exploitation commerciale. Cela a conduit à un moratoire temporaire soutenu par plusieurs États et ONG, qui demandent davantage de recherches sur les impacts environnementaux.
Alternatives et solutions pour limiter les impacts
Décider d’un moratoire sur l’exploitation minière
Des pays comme la France, l’Allemagne, et des ONG comme Greenpeace appellent à un moratoire international pour suspendre toute exploitation jusqu’à ce que ses impacts soient mieux compris.
Recycler des métaux rares
Investir dans le recyclage des terres rares et des métaux à partir des déchets électroniques (smartphones, batteries usagées) pour réduire la dépendance à l’exploitation minière, terrestre ou marine.
Produire des innovations technologiques
Développer des technologies minières moins destructrices pour limiter les impacts sur les écosystèmes marins.
Exemple : Utiliser des robots sous-marins capables de récolter les nodules sans remuer excessivement les sédiments.
Protéger les zones écologiquement sensibles
Identifier et exclure les zones marines les plus vulnérables ou riches en biodiversité de toute activité minière, comme les sources hydrothermales actives.
Financer la recherche scientifique
Investir dans la recherche pour mieux comprendre les écosystèmes profonds avant d’autoriser toute exploitation.
Exemple : Des programmes comme l’expédition internationale « Challenger Deep » explorent les abysses pour cartographier leur biodiversité.
7. Solutions pour une gestion durable des océans
- Renforcer les aires marines protégées (AMP)
- Lutter contre la pollution plastique
- Réduire la surpêche
- Encourager la coopération internationale
- Promouvoir l’éducation et la recherche
Conclusion
La gestion des océans est un défi complexe mais essentiel pour préserver la biodiversité, la sécurité alimentaire et l’équilibre climatique mondial. Les récents progrès, comme le traité sur les hautes mers, montrent qu’une coopération internationale est possible. Cependant, la mise en œuvre efficace de ces accords nécessite des financements adéquats, des mécanismes coercitifs et une volonté politique accrue.