La traduction en français d’un ouvrage fondamental de l’histoire globale, publié aux Etats-Unis sous le titre The Birth of the Modern World en 2004. Christopher Bayly participe au renouveau épistémologique et historiographique du début des années 2000, en montrant, comme Kenneth Pomeranz (La Grande Divergence) l’importance du changement d’échelle pour analyser la naissance du monde moderne.

Introduction

Histoire thématique du monde de 1780 à 1914 objectif : rapprocher les évolutions historiques et enchaînement d’événements traités usuellement indépendamment les uns des autres dans le cadre de travaux d’histoire nationale régionale: -→ mise en évidence à l’échelle planétaire de rapport et d’interdépendance relatifs à des changements politiques et sociaux, -→ description de l’émergence à l’échelle planétaire d’un phénomène d’uniformisation touchant tous les aspects de la vie en société. Pourtant cette création d’entité politique hybride ne va pas sans contestation et renforcement des particularismes. « ce livre soutient la théorie que toute histoire locale, nationale ou régionale, relève elle aussi dans une large mesure d’une histoire mondialisée ».

Premier problème, les causes premières et le facteur économique : Sont-elles économiques (Éric HOBSBAWM) avec la logique du capitalisme industrielle, est-ce l’État qui a joué le rôle de moteur principal dans les changements ? l’auteur postule l’existence d’un réseau d’interaction complexe entre les formes d’organisation politique, les idées politiques, et l’activité économique. L’économie garde un rôle essentiel dans cette approche. le concept de révolution industrieuse développée par Jan de VRIES est utilisé pour montrer le rôle des capitaux des innovations dans les transformations du 18e siècle

Première partie la fin de l’Ancien Régime

Chapitre 1 : Les régimes de type ancien et « la mondialisation archaïque »

Comment et pourquoi s’est-il produit à l’échelle mondiale en moins de 3 générations une transition qui débouche sur une uniformisation politique et culturelle et l’apparition de modèles sociaux et économiques complexes pouvant être qualifiés de moderne?

Seigneur et paysan en 1750

La majeure partie de l’humanité vivait au sein d’Empires agraires, ensemble politique dont le centre subsiste grâce au prélèvement des surplus produits par les paysans producteurs. → La Chine des Qings, l’Inde moghol, Java, le Japon des Tokugawa, l’Iran des séfévides, l’Empire russe, l’Empire ottoman, la monarchie des Habsbourg représente au total 70 % de la population mondiale. Les hiérarchies sociales étaient plus souple que l’on ne le croit. Des hommes issus des couches moyennes ou des familles de paysans riches parviennent à accéder à de plus hautes responsabilités, à acquérir des terres en l’espace d’une ou deux générations.

La politique de la différence

Les bureaucraties existantes n’interviennent dans le fonctionnement de la société et de l’économie que dans certains domaines précis ou dans des zones géographiques spécifiques → dans un pays centralisé comme la France l’État s’en remet aux fermiers généraux et au Grands du royaume pour les impôts et la gestion de la paysannerie: la nature du gouvernement dans tous ses grands ensembles politiques relèvent d’une certaine mesure de l’illusion d’optique. Si le pouvoir exercé par l’État est fort et volontariste dans certaines régions, il s’exerce de façon incomplète et occasionnelle ailleurs.

Les pouvoirs à la marge de l’État

Les régions situées en périphérie qui sont en général perméables et mal définies. Ainsi des minorités capables et désireuses de faire valoir leurs droits ont trouvé des voies d’accès au pouvoir. La plupart des empires vivaient en symbiose conflictuelle avec tout un ensemble de villes commerçante de corporation commerciale maritime ou de puissance maritime qui contrôlait et prélever leur part de profit sur le commerce extérieur (→ chevalier de Saint-Jean de Malte, République de Venise)

Les signes annonciateurs de l’émergence de nouvelles formation politique

Les sociétés commerciales émergentes, fortement concentrées en Europe occidentale ont pu jouer un rôle crucial au plan international.
→ Au 17e siècle la Hollande centrale est la première économie moderne.

Développement des outils financiers y compris de crédit; développement sous forme transnationale.

→ exemple des financiers hollandais qui investissent des capitaux dans l’achat d’action des Compagnies des Indes orientales ou du Levant, dans les Caraïbes britanniques, alors même que leur pays reste à rival de la Grande-Bretagne.
Là où les Européens s’installent, ils ne respectent pas les règles communautaires et religieuses car ils aspirent à devenir des propriétaires fonciers.

Préhistoire de la « mondialisation »

Mondialisation archaïque: réseau ancien et forme de domination née de la diffusion géographique des idées et des forces sociales qui opère au niveau local et régional, pour passer un niveau interrégional et intercontinental. Elle est multipolaire.
En 1750 les principes d’organisation des réseaux, des transactions monétaires et de la circulation des idées sont peu ou prou semblables à ceux qui ont prévalu au siècle précédent.

Principes sous-tendant la mondialisation archaïque: le caractère universel de la royauté, la volonté des religions à s’étendre, la compréhension de la santé, du corps en termes de morale ou de tempérament.
La royauté universelle pousse les monarques, leurs soldats, leurs administrateurs à couvrir d’énormes distances pour chercher des honneurs. Rois et administrateurs apprécient les représentants de ces peuples différents pour leur qualité
→ ex: les Turcs pour leur force, les chrétiens pour leur science.
→ dans les îles d’Hawaï c’est l’intérêt pour ces marchandises honorifiques qui les poussent à s’engager dans le commerce

Les intelligentsia du monde font circuler des mythologies ou des systèmes éthiques qui s’ajoutent aux idéologies de type politique:
→ l’histoire de Rome ou la saga d’Alexandre le Grand sont connues jusqu’en Afrique.
→ les rois Mongols du 17e siècle calquent leur attitude sur celle qu’ils croyaient être d’Alexandre devant les Grecs.
→ John POCOK 1960 historiographie histoire des idées en Europe et dans l’Amérique naissante: existence d’une tradition de pensée républicaine et civique

Rôle de la religion: même après l’essor de la traite négrière et des migrations atlantiques, les mouvements de population les plus importants concernent les pèlerinages et les pérégrinations du Prophète parti à la recherche de Dieu.
→ pour les souverains de Sumatra et du Nigéria l’organisation de pèlerinage vers les lieux saints reste leur premier devoir en matière de relation avec les pays étrangers.
Les usages relatifs au corps contribue à maintenir la mondialisation archaïque: circulation des idées, des marchandises des produits médicinaux.
La mondialisation archaïque fonctionne donc sur des bases différentes et qui se renforcent mutuellement.

La mondialisation avant et au début de l’ère moderne

Le commerce interrégional du thé, du tabac et de l’opium caractérise ce deuxième niveau =phase transitoire dans l’émergence d’un ordre international moderne.
→ mise en place d’une industrie proto capitaliste à travers notamment de l’asservissement et la redistribution de la main d’œuvre à grande échelle.
La période 1760-1830 voit se développer un impérialisme d’ampleur mondiale. Sur le plan idéologique: hybridation.

→ d’un côté, méthodes scientifiques
→ de l’autre maintien d’idéologies archaïques
Pas de contrôle strict dans les relations sexuelles, développements communautés afro-asiatiques, euro-océaniennes, mais diffusion de maladies comme la petite vérole.
La notion de “caste” est à la base de ces rapports plutôt que la notion de race ou de nationalité. Cette notion peut se doubler de notion de pureté et d’impureté dans le monde indien.

Perspectives

Ces rapports (foi, idées, biens) contribuent à structurer un monde ancien entré dans un processus de transformation accélérée du fait de l’essor du commerce atlantique et des empires mondiaux.

Chapitre 2 : La transition vers la modernité des régimes de type ancien

Les ultimes avatars de la “grande domestication de la nature” et des “révolutions industrielles”

→ “la grande domestication de la nature” = sédentarisation des peuples nomades, développement de l’agriculture souvent au détriment des espèces animales locales et des écosystèmes, accroissement de la population, défrichements, expansion de communautés de pionniers. Le développement du commerce extérieur a pu aussi stimuler l’occupation des sols. Peuples conquis et peuples délogés constituent une main d’œuvre servile: processus renforcé par les Européens.

les “révolutions industrieuses”: Jan De Vries. Sur une analyse critique de ce concept, voir Gérard Béaur (dir), Dossier Travail et niveau de vie ou la « révolution industrieuse » en débat, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2017-4
→ Si la Révolution industrielle est généralement présentée comme une révolution de l’offre due à la mécanisation, de la production, la révolution industrieuse stimule la prospérité d’une façon plus discrète tout en constituant à une autre échelle une révolution de l’offre et surtout en stimulant de nouveaux comportements de consommation. Les révolutions industrieuses s’exercent sans lien avec la Révolution industrielle et par ailleurs, dans certains espaces comme le Mexique, ne sont pas suivies par la Révolution industrielle de site.

Le point de vue de l’auteur est d’élargir le concept de révolution industrieuse en en élargissant la portée géographique et en lui ajoutant une dimension culturelle. Le goût du luxe chez les élites dans des espaces hors de l’Europe (Chine, Japon) réoriente des productions.
→ exemple Chine, ce goût se transmet aux classes moyennes.
Ces changements influent au développement du commerce un dynamisme nouveau par la mise en relation entre des producteurs et des nouveaux marchés et marchands capitalistes. Cette réorganisation bénéficie surtout aux Européens et aux colons d’Amérique car basée sur les produits tropicaux, avec une forte valeur ajoutée.

Des formes afro-asiatiques nouvelles de production, de commerce et de culture matérielle

Pourquoi la Chine, forte de sa grande maîtrise technique et des systèmes de commercialisation, aborde-t-elle le XIXe siècle en “proie à une crise sociale latente”? (→ rébellion du Lotus blanc 1796-1804, révoltes paysannes). Il y a cependant bien eu des révolutions industrieuses. Le changement majeur en Chine est celui de la réorganisation du modèle familial du travail et de la consommation (main d’œuvre féminine, développement de l’artisanat pour répondre à une demande de nouveaux consommateurs comme la petite noblesse, ou encore les fonctionnaires de rang inférieur). “Le luxe devient un but en soi”, s’identifiant à certains objets et constituant donc un des moteurs des révolutions indutrieuses en Europe et hors d’Europe. Même schéma pour le Japon.

Les Clionautes multi-écran

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