Cette composition de plusieurs fiches est proposée pour les candidats qui souhaitent une synthèse complète, chronologique et multi-thématique sur la Révolution française, de 1789 à 1804. Chaque fiche est crée à partir de la lecture d’un ensemble d’ouvrages généraux ou de monographies sur des sujets comme la Terreur, le mythe de Robespierre-roi, la place des femmes en Révolution, le coup d’Etat de Bonaparte, la Contre-Révolution, le rôle de la presse… Elles tiennent également compte de l’historiographie classique, mais aussi et surtout des débats historiographiques récents et des nouveaux champs de recherche actuels. Cette cinquième fiche porte sur les nouvelles expériences électorales.

Elle peut être accompagnée de la lecture de la Documentation Photographique, dossier numéro 8141, CNRS éditions 2021 (numéro dirigé par Pierre Serna)

Les autres fiches du dossier:

La Révolution française (1): Les débuts de la Révolution française

La Révolution française (2): Les débuts chaotiques de la Première République

La Révolution française (3): La République en crise

La Révolution française (5): Les femmes dans la Révolution

La Révolution française (6): Etat et religions

La Révolution française (7): La Contre-Révolution

La Révolution française (8): Le symbole révolutionnaire

IV. De nouvelles expériences électorales

A. Les deux types de souveraineté

Une première redéfinition affecte le concept de « souveraineté ». Sous l’Ancien Régime, la souveraineté n’appartenait qu’au roi absolu depuis Louis XIV, ce qui ne signifie pas que le roi gouverne seul, sans l’avis de ses ministres et de ses conseillers. Mais la monarchie constitutionnelle partage les pouvoirs du roi avec la Nation (le peuple organisé politiquement et le roi, puis sans le roi à partir d’août 1792), avant que la définition de la souveraineté n’évolue une nouvelle fois avec le régime républicain.

Dans un article très riche (« La Constitution de l’an III ou la continuité : la souveraineté populaire sous la Convention », dans Roger Dupuy (dir), 1795. Pour une République sans Révolution, 1996), Michel Troper développe les deux conceptions de la souveraineté : nationale et populaire.

– Si la souveraineté est nationale

C’est le système représentatif qui s’impose : le peuple n’est pas souverain, toute démocratie directe est impossible. Il faut déléguer le pouvoir de la Nation à des représentants. C’est la théorie de « l’électorat-fonction », l’une des justifications principales du suffrage censitaire, car seul le corps souverain possède le droit de vote, pas chaque citoyen individuellement. La Nation délègue alors l’exercice du vote à ceux qui sont le plus capables de l’exercer : les citoyens actifs. Le mandat des élus est qualifié de « représentatif », car les citoyens-électeurs n’étant pas souverains, les représentants ne peuvent pas être leurs délégués. Aucun citoyen ne peut donc donner d’instructions aux représentants, ni, surtout, les contrôler.

– Si la souveraineté est populaire

C’est le système impératif qui s’impose : la démocratie est directe, le peuple désignant lui-même les autorités qu’il peut contrôler. Un candidat présente quelques lignes programmatiques qu’il s’engage à faire appliquer de toutes ses forces une fois élu. C’est la théorie de « l’électorat-droit », l’une des justifications principales du suffrage universel. Le mandat des élus est qualifié d’« impératif » car une fois que le peuple a choisi son délégué, celui-ci doit réaliser ce qu’il attend de lui, muni des instructions des citoyens et placé sous leur surveillance ou leur contrôle. Si le délégué ne tient pas ses promesses, le peuple peut les lui rappeler ou bien le déposer.

Schématiquement, la constitution de 1791 aurait validé la souveraineté nationale ; les Montagnards de 1793 la souveraineté populaire ; les Thermidoriens de 1795 seraient revenus à la souveraineté nationale après les violences populaires de la Terreur. Dans la réalité, les qualificatifs se recoupent et se croisent. La Constitution du 24 juin 1793 ne distingue pas les termes de « peuple » et de « nation » : elle n’oppose donc pas clairement la souveraineté populaire et la souveraineté nationale ; elle les rassemble autour du suffrage universel dans les assemblées primaires. En 1795, le « peuple » est à nouveau identifié à la « Nation », mais la Constitution lui retire le droit d’exercer lui-même sa souveraineté (réaction thermidorienne) : c’est donc inévitablement le principe représentatif et le suffrage censitaires qui se mettent en place.

B. D’autres termes trouvent une nouvelle définition

Il convient donc de poursuivre la redéfinition des termes : démocratie, République, citoyenneté, nation, Etat.

En 1789, la notion de « démocratie » n’est pas inconnue mais elle est une notion plus philosophique que politique. L’adjectif « démocratique » s’oppose davantage à « monarchique » qu’à « aristocratique ».

Le terme désigne d’abord, dans l’Antiquité, le pouvoir du peuple (demos). Pour les philosophes des Lumières comme Montesquieu, « lorsque le peuple en corps a la puissance souveraine, c’est une démocratie » (désignant plutôt Venise et Genève, de petites Républiques, que de grands Etats constitués). Il est écrit dans L’esprit des lois que « le peuple est souverain quand il décide des lois ».

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Bibliographie:

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  • BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française, enjeux, débats, tendances historiographiques, 1787-1804, Armand Colin, 2004
  • BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française Dynamique et ruptures, 1787-1804, Armand Colin, 2008
  • BIARD Michel (dir), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Tallandier, 2010
  • BIARD Michel (dir), 1792. Entrer en République, Dunod, 2013
  • BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Sylvia, Révolution, Consulat, Empire (1789-1815), Belin, 2014
  • CHRISTIN Olivier, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Seuil, 2014
  • CROOK Malcolm, Elections in the French Revolution : an Apprenticeship in Democrazy, 1789-1799, Cambridge University Press, 1994
  • DUPUY Roger, MORABITO Marcel (dir), 1795. Pour une république sans révolution, PUR, 1996
  • DUPUY Roger, « La politique du peuple (1789-1871) », Hermès, 42, 2005, p. 145-153
  • EDELSTEIN Melvin, La Révolution française et la naissance de la démocratie électorale, PUR, 2014
  • GAINOT Bernard, 1799, un nouveau jacobinisme ? La démocratie représentative, une alternative à Brumaire, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2001
  • GUENIFFEY Patrice, Le Nombre et la Raison : la Révolution française et les élections, Editions de l’EHESS, 1993
  • LIGNEREUX Aurélien, La France. Révolution et Empire (1788-1815), Dunod, 2024
  • MARTIN Jean-Clément, La Révolution française, une histoire socio-politique, Belin, 2004
  • MARTIN Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, Perrin, 2012
  • TANCHOUX Philippe, Les procédures électorales en France de la fin de l’Ancien Régime à la Première Guerre mondiale, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2004
  • SERNA Pierre, Que demande le peuple? Les cahiers de doléance de 1789, Textuel, 2019
  • SERNA Pierre, La Révolution Française, La Documentation Photographique, n°8141, 2021
  • VOVELLE Michel, Nouvelle histoire de la France contemporaine. Vol. 1. La chute de la monarchie : 1787-1792, Seuil, 1999
  • VOVELLE Michel, La Révolution française, Armand Colin, 2015 (3e édition)
  • WAHNICH Sophie, L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution, Albin Michel, 1997
  • WAHNICH Sophie, La longue patience du peuple. 1792. Naissance de la République, Payot, 2008
  • WAHNICH Sophie, La Révolution française : un événement de la raison sensible (1789-1799), Hachette, 2012