Cette composition de plusieurs fiches est proposée pour les candidats qui souhaitent une synthèse complète, chronologique et multi-thématique sur la Révolution française, de 1789 à 1804. Chaque fiche est crée à partir de la lecture d’un ensemble d’ouvrages généraux ou de monographies sur des sujets comme la Terreur, le mythe de Robespierre-roi, la place des femmes en Révolution, le coup d’Etat de Bonaparte, la Contre-Révolution, le rôle de la presse… Elles tiennent également compte de l’historiographie classique, mais aussi et surtout des débats historiographiques récents et des nouveaux champs de recherche actuels. Cette deuxième fiche porte sur les débuts chaotiques de la Première République française.

Les autres fiches du dossier:

La Révolution française (1): Les débuts de la Révolution française

La Révolution française (3): La République en crise

La Révolution française (4): Les nouvelles expériences électorales

La Révolution française (5): Les femmes dans la Révolution

La Révolution française (6): Etat et religions

La Révolution française (7): La Contre-Révolution

La Révolution française (8): Le symbole révolutionnaire

II. Les débuts chaotiques de la Première République française

A. Valmy célèbre la réunion de la Convention (septembre 1792-mars 1793)

Horace Vernet, Bataille de Valmy, 1826, National Gallery de Londres

La situation bascule à la fin du mois de septembre 1792. Le 20 septembre, les armées fédérées remportent la victoire de Valmy sur les armées autrichiennes et repoussent les menaces d’invasion. Dumouriez et Kellerman avaient joint leurs forces la veille. C’est en chantant la Marseillaise et au cri de « Vive la Nation » que des soldats enflammés repoussent pour la première fois les austro-prussiens épuisés et frappés par la dysenterie.

Le même jour, à Paris, la nouvelle Convention élue se réunit. Le 22 septembre 1792, les députés proclament dès la séance d’inauguration la fin de la monarchie. De fait, le député Collot d’Herbois, en proclamant la déchéance de la monarchie, proclame la Première République.

L’assemblée mêle rapidement les pouvoirs exécutif et législatif, pouvoirs qu’elle a repris à la Commune de Paris qui les contrôlait depuis le 10 août. Beaucoup des députés ont déjà élus dans l’assemblée précédente. Ils se retrouvent donc aux mêmes postes mais avec des pouvoirs étendus. Au sein de cette assemblée, les Girondins comptent entre 150 et 180 députés, soit 20% des sièges ; les Montagnards en comptent entre 270 et 300, soit 35% ; au centre, la Plaine est une majorité dispersée qui appuie l’un ou l’autre des groupes en fonction des sujets. Ce sont par exemple les Girondins qui dominent les premiers mois de la Convention, jusqu’aux émeutes du 2 juin 1793.

Assemblée de la Première République
R. Dessol (https://hg-lycee.eklablog.com/h1-4-la-terreur-a214493777)

Girondins et Montagnards s’affrontent sur la thématique de la régénération de la Nation. Deux conceptions se profilent, selon Mona Ozouf : l’une est « spontanée et miraculeuse », l’autre est « dirigiste et laborieuse ». Les Montagnards cherchent à s’appuyer sur les sans-culottes pour valoriser cette première conception. Ils peuvent s’appuyer sur une Convention qui, pour la première fois, a été élue au suffrage universel masculin. Les sans-culottes participent de manière assidue, depuis l’été 1792, aux assemblées sectionnaires et aux réunions des clubs, relayés par un réseau de militants et de journaux, à Paris et en province. Même si la Commune insurrectionnelle de Paris a rendu son pouvoir à la Convention après son élection, elle continue de former une force populaire majeure qui peut peser sur les décisions de l’assemblée en manifestant et en agitant la foule dans les rues.

Le premier sujet de l’opposition est la rédaction d’une nouvelle Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui doit figurer en préambule d’une nouvelle Constitution. En juin 1793, la nouvelle Constitution (« Constitution de l’an I ») insiste sur les droits naturels. Les Montagnards et les sans-culottes emportent ce premier conflit et mettent en avant l’égalité, le droit au bonheur, à la subsistance, au travail, à l’éducation, à l’insurrection. L’Assemblée punit tout de même les violences du 10 août et les massacres de septembre. Mais le rôle de l’Etat n’est pas de punir des violences légitimes : il est d’abord de limiter les effets des inégalités sociales, ce qui empêchera, à l’avenir, l’éclosion des violences.

Le deuxième sujet d’opposition est le sort du roi déchu. Le roi a perdu sa légitimité le 10 août ; il est donc possible de le juger. Les députés se demandent alors s’il doit être jugé en tant que citoyen (bien que le roi ait clairement rejeté le pacte social qui le liait à la Nation), ou en tant qu’ennemi et que conspirateur. Pour Saint-Just, le roi a déjà été jugé le 10 août et la Convention n’a qu’une sentence à rendre. Pour les Girondins, un procès équitable du roi doit être organisé en prenant garde à ne pas renforcer la haine des autres princes européens envers la nouvelle République. Pour les uns, le roi n’est pas un individu comme les autres puisque, malgré son évidente trahison, il est roi « par la grâce de Dieu » ; il est déjà révolutionnaire de l’avoir mis aux fers, il ne faut pas renforcer le sacrilège. Pour les autres, il est un conspirateur qui mérite la mort : ce n’est d’ailleurs pas tant Louis qui est jugé que la monarchie ; pour d’autres encore, le roi mérite la prison ou la mise en résidence surveillée, ce à quoi certains rétorquent qu’il pourrait toujours bénéficier de l’aide de certains pour s’enfuir et resterait dans ce cas un danger pour la longévité du nouveau régime. Pour Merlin de Douai, « un roi, même dans les fers, menace toujours la liberté ; les léopards ne s’apprivoisent jamais et quiconque leur pardonne est l’ennemi du genre humain ».

Le 11 décembre 1792, le procès de Louis XVI s’ouvre au Manège. Les premiers débats sont très vigoureux. Deux jugements doivent être rendus : Louis XVI est-il coupable de ses crimes ? Quelle peine mérite-t-il ? Lors de ces débats, Maximilien de Robespierre se fait remarquer par la force oratoire avec laquelle il pousse les Montagnards à voter la mort du roi. « Louis a été détrôné par ses crimes. Lorsqu’une nation a été forcée de recourir au droit de l’insurrection, elle rentre dans l’état de nature à l’égard du tyran. Comment celui-ci pourrait-il invoquer le pacte social ? Il l’a anéanti […]. Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive ».

Le 15 janvier, à la fin des premiers débats, 691 députés déclarent Louis XVI coupable de ses crimes. Le 19 janvier, ils sont 288 à proposer la détention à vie, 387 la mort (dont 46 avec sursis). Le roi est donc condamné à mort. Il est guillotiné devant la foule réunie le 21 janvier 1793, vers 10h du matin. L’exécution du roi est le dernier acte de sa désacralisation.

Le troisième sujet de discorde entre les partis est la poursuite de la guerre. Pour les Montagnards, la guerre contribue à la « mission » de la nation française qui est de répandre les idées de liberté et de justice aux peuples de l’Europe. La Révolution protégée après la victoire de Valmy, la levée des sièges de Lille, Longwy et Verdun (octobre 1792) puis la victoire de Jemappes (6 novembre 1792) doit gagner un nouvel élan régénérateur et une nouvelle dimension en Europe. Les armées de Dumouriez et de Kellerman sont entrées en Belgique, puis sur la rive droite du Rhin en octobre ; Nice, la Savoie et la Rhénanie demandent alors leur annexion à la France entre le mois de novembre et le mois de janvier suivant.

La « lutte contre la tyrannie et pour la libération des peuples » est d’ailleurs inscrite dans le décret du 15 décembre 1792 :

« Dans les pays qui sont ou seront occupés par les armées de la République, les généraux proclameront, au nom de la nation française, la souveraineté du peuple, la suppression de toutes les autorités établies, des impôts existants, de la noblesse et de tous les privilèges. Ils annonceront au peuple qu’ils lui apportent paix, secours, fraternité, liberté et égalité ».

Néanmoins, les victoires françaises ne durent pas longtemps. Dumouriez est battu par les Autrichiens à Neerwinden le 18 mars 1793 et les troupes fédérées doivent abandonner les Pays-Bas Autrichiens. A l’intérieur de la France, plusieurs révoltes intérieures sont nées dans l’Ouest depuis le mois d’août 1792 : celles de Jean Chouan en Mayenne et de La Rouerie en Bretagne, puis la révolte vendéenne en mars 1793. Ce climat entraîne la mise en place de la Terreur.

B. La Terreur (10 mars 1793-28 juillet 1794)

Les Clionautes multi-écran

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Bibliographie:

  • BACZKO Bronislaw, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Gallimard, 1989
  • BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française, enjeux, débats, tendances historiographiques, 1787-1804, Armand Colin, 2004
  • BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française Dynamique et ruptures, 1787-1804, Armand Colin, 2008
  • BIARD Michel (dir), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Tallandier, 2010
  • BIARD Michel (dir), 1792. Entrer en République, Dunod, 2013
  • BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Sylvia, Révolution, Consulat, Empire (1789-1815), Belin, 2014
  • BIARD Michel, La liberté ou la mort, Tallandier, 2015
  • BOULAN Antoine, La Révolution française. Vérités et légendes, Perrin, 2023
  • DUPUY Roger, MORABITO Marcel (dir), 1795. Pour une république sans révolution, PUR, 1996
  • GUENIFFEY Patrice, La Politique de la Terreur : essai sur la violence révolutionnaire (1789-1794), Fayard, 2000
  • LIGNEREUX Aurélien, La France. Révolution et Empire (1788-1815), Dunod, 2024
  • MARTIN Jean-Clément, La Révolution française, une histoire socio-politique, Belin, 2004
  • MARTIN Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, Perrin, 2012
  • SERNA Pierre, Que demande le peuple? Les cahiers de doléance de 1789, Textuel, 2019
  • SERNA Pierre, La Révolution Française, La Documentation Photographique, n°8141, 2021
  • VOVELLE Michel, Nouvelle histoire de la France contemporaine. Vol. 1. La chute de la monarchie : 1787-1792, Seuil, 1999
  • VOVELLE Michel, La Révolution française, Armand Colin, 2015 (3e édition)
  • WAHNICH Sophie, L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution, Albin Michel, 1997
  • WAHNICH Sophie, La longue patience du peuple. 1792. Naissance de la République, Payot, 2008
  • WAHNICH Sophie, La Révolution française : un événement de la raison sensible (1789-1799), Hachette, 2012