Introduction

L’intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie dans l’OTAN

*Accroche

Lorsqu’en juillet 2016 se tient le sommet de Varsovie rassemblant les 28 pays membres de cette alliance, la mise en perspective donne le vertige. Moins d’une décennie après l’effondrement du Bloc de l’Est l’OTAN, créé dans un contexte de Guerre Froide, s’est élargie à d’anciens pays membres du pacte de Varsovie et ce dès 1999. Chose impensable alors que Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev se rencontraient à Genève en 1985, d’anciens territoires de l’URSS, les Pays Baltes, ont rejoint l’Alliance en 2004.

*Redéfinition

Le sujet invite à s’interroger sur la nature de ces élargissements vers l’Est et leurs conséquences géopolitiques et militaires. La France, qui a retrouvé le commandement intégré de l’OTAN en 2007, est concernée par des élargissements qui l’obligent en vertu de l’article 5 du traité signé en 1949 stipulant que « les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique-Nord ». En 1949, l’ennemi était de l’autre côté du rideau de Fer et l’URSS clairement identifiée. Si l’emploi de la force armée n’est pas obligatoire, l’assistance l’est et l’intégration des anciens pays du pacte de Varsovie est devenue une question centrale de notre défense, sauf à considérer que l’OTAN soit accessoire pour la sécurité de la Nation. Or si l’ancien adversaire soviétique a disparu, la Russie demeure une puissance majeure qui voit dans l’OTAN son principal adversaire, comme l’a montré la rédaction d’une nouvelle doctrine militaire en 2010, posture depuis confirmée au Kremlin.

*Problématique

En quoi l’élargissement de l’OTAN vers les anciens pays du pacte de Varsovie est facteur de sécurité ou de déstabilisation pour notre défense ?

*Idée maîtresse

La France est souveraine quant aux questions de défense et dispose, avec le feu nucléaire, d’un réel outil de dissuasion. Pour autant, nous sommes engagés par des traités et l’OTAN n’est pas le moindre de ces derniers, dans un contexte de défense européenne à tout le moins embryonnaire. Pour les anciens pays de l’Est, l’OTAN et les USA sont un bouclier face à la Russie et l’intégration européenne une question secondaire. Le positionnement de l’OTAN, ses capacités, engagent donc la Nation et sa sécurité. La question de l’élargissement de l’Alliance jusqu’aux portes de la Russie, la monté en charge de cette dernière vis-à-vis de ces interventions militaires ou hybrides, nous oblige.

*Annonce plan

J’organiserai mon exposé autour de deux idées directrices :

1 – Cet élargissement est une opportunité majeure de renforcer la cohésion sécuritaire européenne, de palier aux limites de la politique de défense et de sécurité commune (PDSC).
2 – Elargie aux marches de la Russie, l’OTAN peut présenter, dans la logique de Moscou, une menace directe, ainsi que les crises géorgiennes ou ukrainiennes l’ont montré. Cet élargissement pose donc la question de l’équilibre géopolitique de l’Europe et de son projet commun.

Développement – L’intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie dans l’OTAN

1 – Cet élargissement est une opportunité majeure de renforcer la cohésion européenne, de palier aux limites de la politique de défense et de sécurité commune (PDSC).

3 idées secondaires (IS)
1 exemple par IS

• IS1 : d’un point de vue stratégique cet élargissement offre l’avantage d’accroître la profondeur stratégique de l’OTAN et de la France. Ces nouveaux pays représentent plus de 70 millions d’habitants et plus de 700 000 kilomètres carrés. Alors que la Guerre Froide voyait, par le Fulda Gap, la frontière française à portée relative des forces du pacte de Varsovie, l’espace sécuritaire de l’Alliance s’est largement dilaté vers la frontière russe. De facto les équilibres stratégiques sont fragiles et appelés à évoluer au gré des vicissitudes politiques. L’OTAN a su pousser son avantage face à une Russie certes affaiblie, certes pas ennemie mais toujours désireuse de pousser ses propres avantages lorsqu’elle le peut, à l’instar de l’actuel chaos syrien.

• IS2 : l’accueil de ces nouveaux états au sein de l’Alliance permet de sécuriser des démocraties jeunes et fragiles. L’exemple yougoslave des années 1990 a tragiquement rappelé aux Européens la fragilité de la paix. L’OTAN pose ainsi à l’Est les bases d’une cristallisation démocratique au sein de pays restés un demi-siècle, ou plus, sous le joug de pouvoirs autoritaires. Pour l’Europe c’est une chance d’autant que le processus d’intégration à l’OTAN précède très souvent de peu celui, plus complexe, d’une adhésion à l’Union Européenne (par exemple Pologne, République tchèque ou Hongrie intègrent l’OTAN en 1999, l’UE en 2004). La grille de lecture sécuritaire de ces pays vis-à-vis des chars russes reste plus importante que l’adhésion à une simple communauté économique ou politique. La sécurité est le premier pas vers une intégration plus poussée de cette Europe de l’Est à un projet européen plus abouti.

• IS3 : ces états ont été équipés par Moscou pendant un demi-siècle. Cette ouverture est donc une occasion unique pour nos industriels de pouvoir équiper des armées entières en lieu et place des Migs et autres T72. L’OTAN exige de répondre à un cahier des charges technique et opératif bien différent de ce que représentait la tutelle du Pacte de Varsovie. Ce marché potentiel est donc stimulant pour les industriels européens, et notoirement français avec par exemple le potentiel achat de sous-marins par la Pologne à Naval Group. La mutualisation des moyens de recherche et création offre une perspective intéressante pour des programmes tels le A400M, les drônes ou le domaine de la cybersécurité. Dans ce cadre, par exemple, le centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération de Tallinn soutenu par l’OTAN offre une première piste prometteuse. La cohésion européenne, les échanges avec ces pays aux cultures militaires différentes des nôtres sont autant de moments à creuser pour le bien commun.

Transition : la PDSC n’étant pas, pour le moment, véritablement aboutie d’un point de vue opérationnel, l’OTAN reste pour les pays de l’Est le seul bouclier crédible. Cet élargissement peut assurément être aussi profitable à la sécurité de la France par certains aspects. Cependant, l’équilibre mis en place en 1949 est grandement bouleversé et l’OTAN, dominé par les USA, peut aussi apparaitre comme un facteur de déséquilibre géopolitique. Il peut aussi être le frein à toute défense européenne indépendante.

2 – Elargie aux marches de la Russie, l’OTAN peut présenter, dans la logique de Moscou, une menace directe, ainsi que les crises géorgiennes ou ukrainiennes l’ont montré. Cet élargissement pose donc la question de l’équilibre géopolitique de l’Europe et de son projet commun.

• IS1 : pour la Russie l’OTAN demeure le principal adversaire. La réflexion stratégique de Moscou va dans ce sens et, depuis les crises géorgiennes et ukrainiennes, les tensions sont perceptibles. L’élargissement vers l’Est permet aux USA d’étendre leur offre de bouclier antimissile ; c’est aussi la mise sous contrôle d’une partie de l’espace russe par l’OTAN et donc par Washington. Cette approche peut être perçue comme agressive et pousser Moscou dans une logique de confrontation. Ainsi la crise ukrainienne peut être lue comme une volonté pour Moscou de marquer son territoire, de reposer cet espace comme celui d‘une zone tampon sous influence ou tutelle partielle du Kremlin. Les dynamiques actuelles comme le rapprochement avec la Turquie pour la vente de S400 ou les exercices de septembre « ZAPAD 2017 » en Biélorussie et Russie sont autant de signaux à surveiller. Ainsi le président du comité militaire de l’Alliance atlantique, le général Petr Pavel affirmait suite à cet exercice « C’était un exercice très complexe, qui n’était que très partiellement centré sur le contre-terrorisme », précisant qu’il s’agissait « d’une préparation pour une guerre majeure contre un ennemi situé à parité ».

• IS2 : cet élargissement répond à la volonté sécuritaire des anciens pays de l’Est vis-à-vis de Moscou. De facto cette quête se fait au détriment du projet de défense européen. Pour Varsovie ou Sofia, Washington est la clé de leur sécurité, bien au-delà des espoirs économiques fondés, ou non, dans Bruxelles. Le renforcement de l’OTAN ne permet pas, pour l’heure, à une défense européenne d’émerger. La PSDC reste très en deçà des espoirs initiaux. Ainsi la France agit-elle au Mali sans autre aide que ponctuelle de ces alliés européens. Quant aux projets de défense commune, il y a un gouffre entre les déclarations et les actes. Il n’existe en réalité pas de vision stratégique claire au niveau européen, chacun des membres de l’UE défendant ses propres intérêts. De leur côté, les pays de l’Est dépensent plus pour leur sécurité, contrairement aux pays de l’Ouest ; la France, par exemple, vise la règle otanienne des 2%, loin derrière la Pologne. Donald Trump n’a pas manqué de rappeler que les Européens devaient payer pour leur sécurité, mettant dans la balance l’existence même de l’OTAN. Aujourd’hui hors de l’OTAN, il n’existe pas de défense européenne pour les anciens pays de l’Est.

• IS3 : largement financé et équipé par les USA, l’OTAN est aussi profondément structuré autour des concepts du Pentagone. Si Naval Group peut espérer vendre des sous-marins à la Pologne, force est de constater que la mise à niveau matérielle des anciens pays de l’Est s’est faite, assez largement, au profit des industriels de l’Oncle Sam. C’est le cas pour les ventes de F16 au détriment de Rafales, de Blackhawk au détriment de Caracal. Le renforcement de l’OTAN permet de compenser la faiblesse d’une politique de défense commune au niveau européen, mais permet aussi aux USA de défendre leurs intérêts. L’élargissement vers l’Est offre à Washington une fenêtre directe sur le Russie et permet aussi de garder son influence l’espace européen. Dans ce cadre, l’axe polono-balte renforce la position de Washington face à Moscou, alors que Berlin et Paris n’ont pas de position tranchée depuis 2014 sur une ligne claire à tenir face à Vladimir Poutine. La question d’une agression potentielle de Moscou à l’Est pourrait remettre au coeur des réflexions la solidarité européenne de défense.

Conclusion – L’intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie dans l’OTAN

=> + ID1 + ID2 + IM

L’élargissement de l’OTAN aux anciens pays du Pacte de Varsovie peut être perçu comme une chance de court terme, stabilisant des états faibles au sortir de la Guerre Froide. Cependant cette rupture d’équilibre est porteuse de lourdes problématiques qui font de l’ombre à nos relations avec la Russie et rendent hypothétique tout projet crédible à moyen terme d’une défense européenne.

=> Ouverture

La PSCD est partie intégrante de notre Défense tout comme notre alliance dans le cadre de l’OTAN. Pierre angulaire de notre sécurité, la dissuasion échappe néanmoins aux débats décisionnaires de Bruxelles et la France ne peut réellement compter sur une aide massive de l’UE dans ses OPEX. De son côté l’OTAN semble perdre en cohésion. Il existe un réel problème turc, il existe une réelle fracture entre la vision des pays comme l’Italie, la Belgique ou l’Espagne d’un côté, les pays baltes et la Pologne de l’autre. Dans les deux cas les adversaires potentiels se jouent des divisions et il est urgent de penser, enfin, la question d’une stratégie européenne de défense claire et pérenne, sauf à continuer à déléguer cette dernière à Washington.

 

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Sites annexes et bibliographie – L’intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie dans l’OTAN

Les relations de l’OTAN et de l’UE – Diploweb

La relation Russie-OTAN : entre le marteau et l’enclume – Diploweb

L’Otan fait-elle à nouveau de la Russie son adversaire principal ? – L’Humanité.fr

De la Turquie à la Biélorussie, l’armée russe inquiète l’Otan – Les Echos.fr

L’OTAN doute de sa capacité de réaction en cas d’offensive russe – Le Monde.fr