Un mot d’historiographie
L’histoire des émotions est une discipline neuve qui s’institutionnalise autour de l’an 2000 en devenant un objet d’histoire, bien que la question fût déjà traitée dans un contexte de monté des extrêmes en Europe (Johan Huizinga, L’Automne du Moyen-Age, 1919 : Norbert Elias, La civilisation des mœurs, 1939 : Marc Bloch et Lucien Febvre, La revue des Annales, 1941-1943).
Puis, dans le courant des années 1990-2000, on assiste à une rationalisation de l’émotion qui est alors considérée comme le produit de l’environnement et peut donc être étudié comme tel. Barbara Rosenwein est en tête de ce domaine d’étude, rapidement rejoint par Damien Boquet et Piroska Nagy. C’est dans ce contexte que Laurent Smagghe débute ses recherches, au sein d’un champ d’étude nouveau, nous laissant imaginer l’incroyable sensation de primauté qu’ils ont dû ressentir au fur et à mesure de leurs découvertes.
Les conclusions qu’ils tirent contrastes fortement avec l’image que J. Huizinga pouvait avoir de l’émotion au Moyen Age ; irrationnelle, non maîtrisée, débordante. Les médiévaux passent en effet, dans les sources, du rire aux larmes de façon souvent brutale, sans paliers intermédiaire, ce qui lui fera penser qu’ils ont des têtes d’enfants sur des corps d’homme. Toutefois, la « nouvelle vague » d’historiens des émotions démontre qu’au contraire, en plus d’être entièrement rationalisé et théorisé, les émotions médiévales font l’objet d’une attention toute particulière puisque les gouvernants doivent les manier pour affirmer leur autorité. Véritable instrument aux fonctions politiques, sociales et religieuses, l’éducation émotionnelle des Princes est donc prise en charges par des traités sur la politique (Gilles De Romes, De regimine principium). Rien d’étonnant, donc, lorsqu’à la fin de la période dite médiévale, Nicolas Machiavel (Le Prince) affirme que « Qui ne sait feindre ne peut gouverner ».
Propos liminaire
Les travaux de Laurent Smagghe sont en ce sens déterminants et participent à la relecture et à l’attention toute particulière que les historiens doivent porter à la question des émotions au Moyen Age.
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