Une grande synthèse d’histoire comparative sur les empires et les conquêtes coloniales, très utile pour commencer la préparation de la question au concours.

Sur le même sujet, voir l’excellent L’Exploration du monde. Une autre histoire des Grandes Découvertes (Direction Romain Bertrand, Coordination Hélène Blais, Guillaume Calafat, Isabelle Heullant-Donat), Seuil, 2019 et L’Empire des géographes (Direction Rémi Knafou, Pierre Singaravélou), Belin, 2008) et, de manière générale, les travaux de World History de Pierre Singaravélou.

 

Préface

« Toute histoire est une histoire contemporaine » (Benedetto Croce) → en 1933, Gabriel Hanotaux (ministre des Colonies et des Affaires étrangères dans les années 1890) affirme qu’« en occupant Alger la France remplissait la mission que la Providence et l’Histoire lui avaient confiée ». Poursuit avec les habituels éloges du désintéressement, de la générosité. Même type de discours lors de l’indépendance du Congo (discours de Baudouin le 30 juin 1960). Le même jour, Patrice Lumumba prend aussi la parole et évoque les réalités profondément inégalitaires de la colonisation. Pourtant, dans les années cinquante, Lumumba invitait à mettre sur la balance le bien et le mal tirés produits par la colonisation et concluait par le besoin de « reconnaissance » pour une « œuvre grandiose ».
Quel que soit le point de vue sur le colonialisme, chacun est d’accord pour dire que ses effets ont été considérables : on peut parler d’école maximaliste. Une école minimaliste existe aussi, en particulier dans l’historiographie asiatique : pour celle-ci, les impacts sur ces civilisations séculaires seraient minimes.

I) EVOLUTIONS A LONG TERME (1815-1919)

Colons au sens strict = « ceux qui s’établirent durablement dans les colonies et y fondèrent par exemple des entreprises agricoles ». En 1914, 700 000 Français vivent dans les colonies dont 500 000 en Algérie, 25 000 au Maroc, plus de 45 000 en Tunisie et presque 25 000 en Indo. Emigration de populations non européennes : 1,6 million de travailleurs indiens sous contrat quittèrent leur pays dont 450 000 pour les colonies britanniques et 80 000 pour les Antilles françaises.
Rapport particulier aux femmes surtout dans les premiers temps de la conquête : la mission de Ségou (Mali) est saisie de plaintes contre un sergent français de 52 ans qui a fondé une famille africaine mais qui charge tous les jours un soldat de lui ramener deux jeunes femmes attrayantes. Son propre commandant avait 6 femmes dont 5 entre 10 et 15 ans. Aspects souvent pratiques pour découvrir la langue et la culture du pays : la « petite tonkinoise » est ainsi vue comme un « dictionnaire allongé ». En Angleterre, on fonde l’United British Women’s Emigration Association imitée en France par la Société d’émigration des femmes aux colonies.
Au XVIIe siècle, il faut un an pour aller d’Amsterdam à Java. Vers 1850, il faut 3 à 4 mois et en 1900 seulement un mois. Début XIXe, les navires rapides reliaient Londres à Calcutta en deux mois ; en 1914, il ne faut plus que deux semaines. Le canal de Suez permet de réduire la distance Londres-Bombay de 41 %. Entre 1870 et 1914, le prix du fret baisse d’environ 50 %.
Question de la violence : l’Europe a, entre 1750 et 1913, dû sacrifier 300 000 de ses ressortissants pour conquérir 34 millions de km2 de territoire africain et asiatique et soumettre 534 millions d’individus. Chez les colons, le nombre de victimes directes de ces guerres s’est situé entre 800 000 et un million. Le nombre de victimes imputable aux déplacements de population, aux famines, etc qui ont accompagné ces conflits s’est élevé à environ 25 millions. Caractère particulier des guerres coloniales : le but est d’assujettir → y a-t-il vraiment un vainqueur et un vaincu ? Le colonel C.E. Callwell précisait que dans ces small wars, il était très difficile d’identifier et de définir l’adversaire (premières formes de guerres populaires avant la décolonisation). Différence à faire entre les pays « civilisés » (structure politique, etc) et les « non-civilisés ». Pour la conquête du Tonkin, les Français disposent de 35 000 hommes dirigés par 9 généraux et 700 officiers. Supériorité technique des Européens : fusil rechargeable par la culasse, mitrailleuse (la Maxim est brevetée en 1884 et grand effet lors de la bataille d’Omdurman, Soudan en 1898). Cependant, tous les aspects de la supériorité militaire ne peuvent pas toujours être utilisés. Lors de la bataille d’Atjeh, le commandant du corps maréchaussée envoie ses hommes au combat munis uniquement de sabres. Force européenne également de nature socio-culturelle. Désavantages à prendre en compte également : Calwell qualifie les guerres coloniales de « campagnes contre la nature ». Durant la guerre des Boers, les Anglais perdent 13 000 hommes à cause du typhus et 7 000 au combat.
Le colonel Kemball s’empare de Sokoto avec 1 200 hommes dont la moitié de porteurs et contre 30 000 adversaires.
Armée indo-néerlandaise : dépôt d’enrôlement colonial à Harderwijk. Comporte entre autres des soldats autochtones : les Ambonais généralement chrétiens considérés comme élite militaire, les Javanais, aussi des noirs.
Méthode de pacification « Gallieni-Lyautey » : composée de l’action lente (utiliser les éléments politiques utilisables et pas les autres) et de l’action vive (leur bourrer la face). Le système du protectorat apparaît à la fin du XIXe siècle notamment afin d’éviter trop de frais mais la différence avec les colonies diminue par la suite : l’influence française est en définitive quasiment la même au Maroc, en Tunisie et en Algérie.
Le concept d’assimilation remonte à la Révolution : la Constitution de 1795 décrète les territoires d’outre-mer « parties intégrantes de la République » et les subdivise en départements. Le concept d’association remonte aux années 1890 : Jules Harmand, Domination et colonisation (1910) → pour préserver sa domination, le colonisateur doit user d’une administration indirecte et respecter les us et coutumes. Différence entre le chief anglais et le chef français : le premier est un chef légitime même avant l’arrivée des Anglais ; le second est choisi sans légitimité préalable et parfois dans des zones éloignées de celles où il exerce : ce sont des instruments. Dans l’administration britannique, le fait que beaucoup étaient issus de la gentry accentuait leur plus grand respect des pouvoirs traditionnels.
En France, l’Algérie relevait du ministère de l’Intérieur jusqu’en 1871. Ensuite, les colonies relèvent du ministère des Colonies (apparu brièvement en 1881 puis persistant comme secrétariat d’Etat puis vrai ministère à nouveau en 1894 au pavillon de Flore puis rue Oudinot dès 1910) et les Protectorats du ministère des Affaires Etrangères. En Allemagne, les questions coloniales relèvent du ministère des Affaires étrangères : le Geheimer Legionsrat Heinrich von Kusserow en est chargé. En 1890 est créé le Kolonial Abteilung. Un ministère autonome est institué en 1907. Création tardives de ministères propres : 1911 pour le Portugal et 1912 pour l’Italie.
Formation des fonctionnaires coloniaux : c’est aux Pays-Bas que l’on en crée une le premier. En 1825, le gouvernement exige une conduite irréprochable, un niveau minimal de connaissances et délivre le Brevet de fonctionnaire colonial. Un cursus propre de 4 ans (malais, indonésien, sciences naturelles, comptabilité, …) est créé en 1843 à Delft et conditionne l’accès aux postes supérieurs. Pour les rangs inférieurs, il suffit de présenter le « petit examen fonctionnaire ». En 1864 est créé à Delft l’Institut des Indes.
Dans le système français, création de l’école cambodgienne en 1886 pour familiariser les jeunes indochinois avec la langue française. Renommée en 1888 école coloniale. Le recrutement anglais est plus élitiste puisque beaucoup font partie de la gentry et sortent des public schools : lord Luggard voyait le fonctionnaire anglais comme « un gentilhomme anglais animé par une conception de l’équité, de la protection du faible et du respect des règles du jeu ».
Ecole coloniale fondée en 1893 à Bruxelles. Kolonialinstitut fondé à Hambourg en 1908. A Java, vers 1890, il y avait 300 fonctionnaires néerlandais alors qu’il y en avait 900 pour toute l’Inde. Les mieux payés sont les anglais : en 1914, le gouverneur général du Nigéria gagne 1,5 fois le traitement du ministre des Colonies et deux fois celui du plus gradé des militaires.
En matière de justice, les Français au Maghreb conservent les différents droits déjà existants mais décident la primauté de la jurisprudence française. Aux Indes néerlandaises, il y a deux systèmes : l’un pour les européens qui se rapproche du métropolitain et celui propre de la population autochtone. En Inde ou en Afrique occidentale, aucun colon ou presque ne tente de s’attribuer des terres agricoles. Dans l’Etat indépendant du Congo, il y avait une règle selon laquelle toute possession sans maître appartenait à l’Etat.
Différence de perception des différentes aires géographiques : l’Asie et en particulier la Chine, est vue comme une vieille civilisation qui est entrée en léthargie (Hegel, Marx…) ; au contraire, l’Afrique a toujours été vue comme l’incarnation de la sauvagerie primitive. Samuel Baker, grand explorateur de l’Afrique, affirmait qu’il ne fallait pas condamner les noirs sur le plan de l’intelligence par rapport aux blancs car on ne peut comparer que ce qui est comparable.
Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905) : né à Rome dans une famille de 12 enfants. Incité à s’intéresser à la Marine. Chargé d’une expédition en Afrique en 1875 : remonte l’Ogoué et découvre une voie d’accès aisée au bassin du Congo supérieur.
Débat entre occidentalistes et orientalistes : prend ses sources pour l’Angleterre dans un article ambigu de la charte de l’East India Company en 1813, précisant qu’il fallait enseigner les langues et les sciences (mais lesquelles ?). Partage à la fois les Anglais et les Indiens : en 1823, Ram Mohan Roy s’insurge contre l’établissement du Sanskrit College à Calcutta. Thomas Babington Macauley, estimant qu’une simple étagère de bibliothèque occidentale valait davantage que tous les savoirs indiens et arabes, ambitionnait de créer une catégorie de personnes « indiens par le sang et la couleur mais anglais dans leurs goûts, leur moralité et leur intelligence ».
Incidences de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat : les écoles de mission perdent alors leurs subsides et dans les services publics, les anciens élèves des écoles publiques eurent la priorité. En 1914, le gouvernement décida d’interdire tout développement futur de l’enseignement privé.
Charles Martial Lavigerie (1825-1892) : grande figure du réveil catholique français.  Professeur d’histoire ecclésiastique à la Sorbonne. Evêque de Nancy puis archevêque d’Alger. Crée la Société des Pères blancs en 1868 à Alger. Se voit comme le successeur de Saint Augustin (porte le titre d’archevêque d’Alger et de Carthage, primat d’Afrique).
1890 : création du Corps de santé coloniale et début du développement des Instituts Pasteur dans les colonies.
A Java, toute la population de l’ile fut vaccinée contre la variole et plus tard, en 1911, des opérations de désinfection chimique de grande ampleur furent pratiquées pour lutter contre la peste.
Peinture : Femmes d’Alger (Delacroix, 1834) ou Bain turc (Ingres, 1862) → monde mystérieux et sensuel.

Attention toutefois à ne pas tomber dans le piège de l’orientalisme! Voir Edward Saïd, Orientalism (1978); Syrine Snoussi, « La Barbarie ou l’Orient : critique de certaines idées orientales » (2011) ; Jocelyne Daklhia, Le divan des rois (1998), L’empire des passions (2005) et Le harem et le rôle politique des femmes (2016)

A partir de 1879, lorsqu’est inauguré le Trocadéro, les Français peuvent découvrir l’art africain mais il faut attendre le début du XXe siècle pour qu’il inspire Matisse, Picasso ou Braque. En littérature : Rider Haggard King Solomon’s Mines. Joseph Conrad, marin polonais qui devient écrivain anglais fait paraître Au cœur des ténèbres en 1899 en feuilleton. Evoque un voyage en bateau vers l’intérieur de l’Afrique. Commentaires amers sur les pratiques des colonisateurs.
Louis Couperus (1863-1923), fils d’un conseiller à la Cour suprême des Indes. Ecrit Vieilles gens et choses qui passent : parle de deux personnes âgées qui ont été impliquées dans un crime passionnel à Java. Dans La force des ténèbres, il prédit le déclin inéluctable de l’hégémonie hollandaise aux Indes.
En France, Zola écrit Fécondité, plaidoyer en faveur de la colonisation du delta du Niger.
Charles de Foucauld (1858-1916) : aristocrate militaire de carrière, sert en Algérie avant de se convertir au catholicisme : conversion radicale car devient trappiste. Vit pendant onze ans en ermite dans une cabane au Sahara. Y élabore une version Touareg de l’Evangile mais est assassiné par une bande de rebelles.

 II) LA PREMIERE MOITIE DU XIXe SIECLE (1815-1870)

Smith, Mill, Bentham, Cobden, Bright, Jean-Baptiste Say ou encore Charles Gide, libéraux, sont
opposés aux colonies qu’ils trouvent surtout inutiles et allant à l’encontre des théories libre-échangistes.
Dans l’Afrique précoloniale, les spécialistes estiment que sont parlées 1 500 langues.
Situation de l’Egypte : rôle fondamental de Mohammed Ali (1769-1849), négociant en tabac de Kavalla qui arrive en Egypte en 1799 à la tête d’un régiment albanais au service du sultan turc. Evince le gouverneur turc et se fait reconnaître comme tel. En 1811, son pouvoir est établi : il est le premier khédive. L’Egypte est alors dans les faits une puissance indépendante. Modernise le pays et conquiert le Soudan. De grands groupes de propriétaires terriens apparaissent. Introduction de la culture du coton sous M. Ali. Dans les années 1860, le coton représente 75 % des exportations égyptiennes. Les turco-égyptiens dominent l’armée mais les européens dominent l’économie. Ils sont 100 000 en 1882, dont 40 % de Grecs.
En Algérie, au début du XIXe, il y a moitié arabes – moitié berbères. Coup d’éclat en Algérie à mettre en relation avec le contexte de politique intérieure en France : besoin en période de difficultés (Charles X est peu apprécié) de rappeler la grandeur du pays et des grandes batailles de la Révolution et de l’Empire. Il y avait aussi eu un précédent en 1827 : le consul de France avait été frappé sur le nez par le dey à l’aide d’une tapette (devaient parler du remboursement des prêts de blé par l’Algérie durant la Révolution). Troupes : 635 navires et 34 000 hommes. Débarquent à Sidi-Ferruch, 27 km à l’ouest d’Alger. En 1833, l’Angleterre affirme que cela ne la dérange pas que la France reste en Algérie : Louis-Philippe reste, appuyé notamment par des marchands marseillais et des cercles de l’armée. On crée le Bureau arabe. Question de la résistance : très modeste à Alger mais vigoureuse en dehors. Abd El-Kader (1808-1883) : musulman illustre dont les racines remontent au Prophète. Lettré et érudit, s’inspire de Mohammed Ali sur le plan politique. Avec 10 000 hommes, il combat les Français dès 1832. En 1837, Bugeaud est envoyé en Algérie car a acquis une expérience en matière de contre-guérilla en Espagne. N’y va pas de gaieté de cœur. Part du principe qu’il ne se bat pas contre une armée hostile mais contre un peuple hostile. Utilise des colonnes peu nombreuses, légères mais qui peuvent agir rapidement partout. Signe le traité de Tafna avec Abd el-Kader en 1837 mais finalement le combat à nouveau dès 1839. Nommé gouverneur général en 1841 ; soumet Abd el-Kader en 1847. La guerre contre les Kabyles continue dans les années 1850 et l’Algérie n’est pacifiée que dans les années 1860. Vision moderne de Napoléon : considère que les Européens ne doivent s’implanter que dans les villes et ne doivent se distinguer que par la banque et le commerce. Ne doit pas être une affaire de colons et d’agriculteurs.

Indes néerlandaises : c’est l’Indonésie actuelle. C’est l’anthropologue anglais JR Logan qui utilise le terme le premier vers 1850. Recouvrait à l’époque l’actuelle Indonésie,  les Philippines et quelques fois Taïwan et  une partie de l’Indochine. Unité territoriale et politique qui est le fait des néerlandais. L’Islam y progresse depuis le Xe siècle. Liens à faire avec les changements politiques intérieurs : JJ Rochussen, conservateur, quitte son poste de ministre des Colonies en 1861 et est remplacé par le libéral van de Putte en 1863. En parallèle, on démantèle la pratique des plantations forcées : la culture du thé s’arrête en 1860, celle du poivre en 1862, celle de l’indigo en 1863 et celle du tabac en 1864.
Indochine : le terme est utilisé à l’origine par Conrad Malte-Brun. Désigne alors tout territoire situé entre l’Inde et la Chine : c’est ce que l’on nomme aujourd’hui l’Asie du Sud-Est. Présence de la dynastie des Nguyen au Vietnam ; capitale à Huê. En 1803, la Chine donne l’autorisation au prince de se présenter comme souverain du Vietnam (le terme utilisé reste cependant Annam, qui signifie Sud soumis). Règne aussi sur le Tonkin et la Cochinchine. Toutefois, ne contrôle réellement qu’un quart de son propre territoire. Cour organisée sur le modèle chinois, assisté d’un conseil secret. Habite la Cité pourpre interdite.
Si la France souhaite prendre pied en Asie, la seule solution reste l’Indochine. Prétexte : l’empereur d’Annam était responsable du meurtre de prêtres catholique français et espagnols ainsi que d’Annamites chrétiens. Paris envoie alors une expédition punitive. Le 5 juin 1862, traité de Huê qui instaure la liberté de culte en Annam et donne à la France pleine souveraineté sur la région de Saïgon. En 1863, le roi du Cambodge se place sous le protectorat français.

« Dr Livingstone, I presume? »

Ernest Doudart de Lagrée (1823-1868) : orphelin d’une grande famille, collège de Jésuites de Chambéry. Ecole polytechnique puis entre dans la Marine en 1845. En 1866, il est chargé d’une importante mission exploratrice sur le Mékong. Meurt de la fièvre. La mission est reprise par Francis Garnier (1839-1873) de l’Ecole navale qui participe à la marche sur Pékin en 1860 et aux opérations sur Saïgon en 1861. Se passionne pour l’Indochine et écrit La Cochinchine en 1864 et De la colonisation de la Cochinchine. Meurt dans sa lutte contre les drapeaux noirs (décapité et foie arraché).
Au Japon, le commodore Perry (USA) arrive le 7 juillet 1853 dans la baie d’Edo pour proposer de nouer des liens commerciaux. En 1854 est signé le traité de Kanagawa qui ouvre certains ports au commerce. En 1868, l’Empire est restauré.

III) L’IMPERIALISME MODERNE (1870-1914)

Question des théories raciales : appui semi scientifique du darwinisme social. Selon une note du colonial Jean Chrétien Baud, gouverneur des Indes néerlandaises et ministre des Colonies, « le droit de domination est […] considéré au sens strict comme une propriété de la race blanche pure ». John Crewford affirmait que les Arabes pouvaient se mélanger aux nègres mais pas aux Anglo-Saxons car la différence est trop grande. En 1905, le gouverneur allemand d’Afrique du Sud-Ouest interdit les mariages mixtes parce que de telles unions nuisent à la race. Darwin, dans De l’origine des espèces et La descendance de l’homme, il montre que lorsque les civilisés rencontrent les barbares, les combats sont brefs : d’aucuns en concluent que la « race nègre » est condamnée à l’extinction. Conan Doyle, dans La ceinture empoisonnée (1913) explique que les Africains et indigènes sont très vulnérables, que les Français du Sud le sont plus que ceux du Nord, que les Slaves le sont davantage que les Teutons, … etc. En 1845, un capitaine de vaisseau anversois avait offert au zoo de sa ville un jeune noir de dix ans. En 1874, en Allemagne, Karl Hagenbeck est le premier à organiser une exposition de peuples du Pacifique et de Laponie.
Aspects « scientifiques » : S.G. Morton affirmait avoir démontré que les Caucasiens avaient un volume cérébral plus important que les noirs. James Hunt se base sur Crania Americana (1839) de Morton pour montrer les différences innées entre blancs et noirs. Ces théories ont aussi cours en Asie et Hoang Cao Khai en 1909 estime naturel que la race forte soit victorieuse.
Théories impérialistes : J.A. Hobson, Imperialism. A Study, 1902. Hobson, publiciste critique de la politique impérialiste anglaise donne au terme impérialisme son sens moderne (expansion des puissances européennes et domination politique sur des portions de l’Afrique, de l’Asie, …). Pour lui, l’impérialisme vient en premier lieu des milieux financiers de la métropole. Secondairement des politiques, des militaires, des missionnaires. Pensée en partie similaire à celle de Marx : expansion afin de bénéficier de nouveaux marchés ou de nouveaux secteurs d’investissement. Différence notable avec les marxistes : Hobson ne pense pas l’impérialisme inévitable comme Lénine (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916). Chez Hobson, la réflexion sur le sort de l’Afrique est centrale ; chez Lénine apparait à peine.
Gallagher et Robinson, « The Imperialism of Free Trade », article paru en 1953 : selon eux, l’impérialisme britannique des années 1880-1914 différait seulement par les méthodes de celui des mid-Victorians. Expliquent les chosent davantage de façon géopolitique (comblement de vides politiques, crises de frontières, …). Tendent à évacuer le concept d’impérialisme économique. Dans leurs études suivantes, ils montrent que l’impérialisme britannique a d’abord été défensif et réactif mais qu’il changea de caractère.
Plaidoyers en faveur de l’expansion anglaise :
– Charles Dilke, Greater Britain, 1868.
– John Seeley, The Expansion of England, 1884.
– James Froude, Oceana, 1886.
Joseph Chamberlain (1836-1914) : pense que l’avenir appartient aux grands empires. Pour lui, l’Angleterre doit se maintenir dans la course avec les USA et la Russie. Raisonnement économique.
Lord Rosebery (1847-1929) : libéral mais impérialiste de raison car les autres puissances l’y obligent.
Etude de Cain et Hopkins (British Imperialism, 1993) : ils parlent de Gentlemanly Capitalism. Mettent en valeur le secteur des services + rôle central de la City.
En France, en 1960, parait Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français 1871-1914, d’Henri Brunschwig. Il admet qu’il y a bien eu un moment impérialiste en France mais affirme aussi qu’il est impossible d’expliquer la cause de l’impérialisme français par les motivations économiques. Pour lui, l’Empire français ne rapportait aucun profit. Pour lui, la cause est à chercher du côté du nationalisme bon teint blessé par la défaite.
Il existait en France une doctrine colonialo-économique fondée par Paul Leroy-Beaulieu (1843-1916) : De la colonisation chez les peuples modernes, 1874. Différencie ancienne colonisation (exportation de personnes) et nouvelle colonisation (exportation de capitaux). S’enthousiasme pour la seconde. Séduit Gambetta et Ferry.
Gambetta (1838-1882) : colonialiste convaincu. Pense de façon obsessionnelle que la France pourrait échanger les territoires perdus contre quelques colonies. Les colonies seraient aussi une réponse à la question sociale, un exutoire pour les mauvais éléments de la société.
Jules Ferry (1832-1893) : théoricien de l’impérialisme moderne. Discours célèbre de 1885 qui exprime des raisons économiques (reprend Leroy-Beaulieu), humanitaires (devoir des races supérieures de civiliser les inférieures) et politiques (se refaire un prestige). Passage sur le parti colonial.
En Allemagne : Friedrich Fabri, Bedarf Deutschland der Colonien, 1879 et Wilhelm Hübbe-Schleiden, Deutsche Kolonisation, 1881 sont à la base de l’idéologie coloniale. Volonté d’étendre la germanité (Deutschtum). Influent sur la création du Kolonialverein le 6 décembre 1882 (plus de 10 000 membres en 1885). Fusionne avec la Gesellschaft für deutsche Kolonisation pour donner la Deutsche Kolonialgesellschaft. Rôle prépondérant de Bismarck qui au début n’est pas du tout un esprit colonial (trop cher, pas de flotte, pas de sociétés commerciales, …). Change cependant radicalement à partir de 1884-1885. Deux courants explicatifs :
– Pour AJP Taylor : « primat de la politique étrangère »
– Pour HU Wehler : s’explique par des questions de politique intérieure et constitue une forme d’impérialisme social (détourner les yeux des difficultés de la crise de 1873).
Bismarck reste de toute façon un pragmatique. Après Bismarck, durant la période de la Weltpolitik, on se divise entre motivations économiques et politiques.
En Belgique, rôle quasi-exclusif de Léopold II (1865-1909) car le gouvernement ne voulait pas de colonies car pouvait nuire à la neutralité du pays. C’est à titre privé que le roi développe la pratique coloniale. Motivé par les réussites des Pays-Bas en la matière. Il fait appel à des organisations internationales créées par lui-même afin d’acquérir le Congo (motivations fortement économiques).
Au Portugal : impérialisme présenté comme une forme d’« uneconomic imperialism » notamment par Hammond qui montre que le Portugal n’avait rien à faire en Afrique (pas de gain économique, les Portugais s’en balancent, ceux qui émigrent vont au Brésil…). Sont en réalité motivés par la recherche du prestige et la nostalgie d’un grand passé : « les Portugais ne voulaient posséder des colonies que pour les regarder sur une carte de géographie ». Cette thèse est contredite par Gervase Clarence-Smith qui reprend des arguments économiques et présente les motivations comme néomercantilistes.
L’Espagne et Cuba : l’île est divisée entre autonomistes et unionistes. Soumise à un régime douanier protectionniste dont profitent les colons espagnols. Les Cubains ne parviennent pas à acquérir d’autonomie et un parti révolutionnaire se crée, dirigé par J. Marti, homme de lettres haïssant les Espagnols. Donne le signal de la révolte en 1895. Assassiné peu après. Les insurgés pratiquent la guérilla. Grosses pertes espagnoles du fait des maladies. Mettent en place des camps de concentration. En 1897, le nouveau gouvernement donne l’autogestion à Cuba, ce qui mécontente les unionistes qui réagissent virulemment. Les USA envoient un cuirassé pour protéger leurs ressortissants ; il est coulé par une mine, ce qui provoque l’intervention américaine. Cuba placée sous administration américaine de 1898 à 1902 puis devient officiellement indépendante (est en réalité une sorte de protectorat américain du fait de l’amendement Platt qui permet d’y intervenir s’il y a des troubles). Porto Rico et les Philippines deviennent de facto des colonies américaines. Marque profondément la « génération de 1898 » en Espagne.
En Italie, Francesco Crispi devient Premier ministre en 1887. Combine éléments économiques et démographiques + considérations historiques et aspects messianiques.
Le concept d’impérialisme néerlandais pose problème car les Pays-Bas ne sont pas une grande puissance et même les théoriciens marxistes le reconnaissent du fait que l’on n’y connait pas de capitalisme monopolistique. De plus, le XIXe s. est pour les Pays-Bas un siècle de retrait (d’Inde, de Ceylan, d’Afrique du Sud, de la Côte de l’or…). Ils ne font qu’affirmer leur domination dans les Indes néerlandaises. Et encore : l’archipel n’est pas reconnu comme sphère d’influence indiscutable. Ils mettent les choses au clair car c’est l’époque qui le veut (frontières…).
Russie : pour les marxistes, il ne peut y avoir d’impérialisme soviétique car le pays n’est pas capitaliste. Affirment cependant qu’elle a pu l’être sous la période tsariste. Le problème principal est que l’extension se fait sur des territoires contigus aux frontières existantes, ce qui d’ordinaire caractérise la formation des Etats. Expansion principalement vers le Sud (Caucase, Arménie, Azerbaïdjan) et vers l’Est. Turkestan (6 millions d’habitants surtout musulmans) assujetti dans les années 1860-1890 : fournit des matières premières (coton). La Sibérie est une vraie colonie de peuplement. Mouraviev en est le premier gouverneur en 1847 et en 1860 est fondée Vladivistok (« maître de l’Orient »). Traité de Saint-Pétersbourg en 1875 : la Russie reçoit Sakhaline et le Japon les îles Kouriles. En 1857, on mandate un envoyé pour mettre l’Alaska en vente auprès des USA ; la vente est actée en 1867 (7 millions de dollars + reprise des dettes de la Compagnie russo-américaine). Volonté de disposer de ports libres de glace et un accès à la mer Baltique. Importance du comte Witte, ministre des Finances de 1892 à 1903. Mise en place du transsibérien en 1891.
Pourquoi y a-t-il eu un moment impérialiste voire un siècle impérialiste pour certains pays à cet endroit de la frise chronologique et pas avant ou après ? Nécessité de prendre en compte le déséquilibre des forces considérables entre certains pays, l’augmentation graduelle des moyens technologiques ou médicaux + motivations économiques, diplomatiques, idéologiques (nationalisme, racisme). Ne pas oublier les changements intervenus outre-mer eux-mêmes.

IV) L’IMPERIALISME EUROPEEN EN AFRIQUE

En 1914, il n’y a que deux pays africains qui ne sont pas des colonies : le Libéria et l’Ethiopie. C’est en Afrique que les « petits » peuvent acquérir des colonies : le Congo belge est 80 fois plus grand que la Belgique. Le partage du continent commence avec l’occupation de la Tunisie par la France en 1881 et s’achève en 1902 avec la paix de Vereeniging. Peut être découpé en trois phases : 1881-1882 (cantonnement au monde méditerranéen), 1882-1898 (intérêt pour l’Afrique profonde puis pour celle de l’Est) et 1898-1902 (lutte pour l’hégémonie sur le Nil et opposition Anglais/Boers).
L’Angleterre et l’Allemagne invitent la France à intervenir en Tunisie en 1878 : la première pour offrir compensation (elle vient d’annexer Chypre) et la seconde pour détourner l’attention de la ligne bleue des Vosges. Gambetta se décide en 1881 car craint que les Italiens ne s’y installent. Prétexte : aider le Bey de Tunis à restaurer son autorité (lequel signe le 12 mai le traité du Bardo qui met fin à l’indépendance de la Tunisie).
En Egypte, le khédive Ismaïl arrive au gouvernement en 1863 et entame une politique de modernisation (train, télégraphe, écoles, raffineries de sucre). Coûte cher → emprunte et contracte de lourdes dettes auprès de l’étranger. Se développe un mouvement occidentalisé à caractère nationaliste et pro-islamique qui déclenche la révolution. Arabi Pacha, militaire, en est le chef. Prennent pour cible le khédive et les européens. 1881 : prise du pouvoir par les officiers. Les intérêts anglais et français sont menacés. L’amiral britannique Seymour longeant la côte observe la construction de fortifications dans le port d’Alexandrie. Ne pouvant intervenir directement, il fait croire que ces fortifications sont une menace pour sa sécurité et demande permission de canonner. Les Français se dégonflent mais les Anglais autorisent le bombardement et les troupes débarquent en juillet 1882. Bataille décisive le 13 septembre à Tel-el-Kebir. Arabi est exilé à Ceylan. L’Etat égyptien ne parvenant pas à se remettre d’aplomb, les Anglais sont contraints de rester jusqu’en 1951. Rôle central d’Evelyn Baring (ou encore Lord Cromer) (1841-1917), officier issu d’une famille de banquiers. Membre de la commission franco-anglaise pour résoudre la crise de la dette égyptienne en 1877. Devient en 1883 agent et consul général du R-U en Egypte. Pouvoir quasi illimité et main ferme jusqu’en 1907. Politique strictement financière → assainit les finances rapidement. Gorst le remplace jusqu’en 1911 puis c’est le tour de Kitchener. Lors de la Première GM, l’Empire Ottoman s’allie à l’Allemagne, du coup, l’Egypte devient officiellement Protectorat britannique.
Maroc : a été conquis par les Arabes mais n’a jamais fait partie de l’Empire Ottoman. Le sultan y est indépendant et est vénéré comme chérif (descendant du Prophète). Endettement du sultan. France, Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne y ont des intérêts. En 1906, la conférence d’Algésiras confirme que la France a un rôle à jouer au Maroc. La France conclut un accord de partage avec l’Espagne, s’arrange avec l’Italie et l’Angleterre mais est confrontée à l’Allemagne. En 1912, un envoyé français arrive à Fès pour présenter un traité de protectorat au sultan. Un traité similaire est signé la même année entre l’Espagne (qui obtient une zone côtière et une zone méridionale) et le Maroc.
En Algérie, réforme importante entre 1896 et 1898 : le Conseil supérieur de l’Algérie compterait dorénavant des membres élus + création d’un conseil élu du budget algérien + droit des Français d’Algérie d’avoir 3 sénateurs et 6 députés. Administration qui se calque sur le modèle français. Les communes se divisent en communes de plein exercice, mixtes et indigènes. Dès 1884, certains Algériens (1%) sont autorisés à voter aux élections des conseils communaux. Les Algériens gardent leur propre jurisprudence. Code de l’indigénat appliqué : certaines choses sont punies en Algérie (pour les Algériens) mais pas en France : outrage au drapeau français, impolitesse envers un fonctionnaire, …
En Tunisie, les « dirigeants » français sont le résident général (ministre des Affaires étrangères et président du conseil des ministres du Bey) + conseil des ministres composé du Premier ministre et du ministre de la Plume. L’ancien appareil administratif reste en place sauf pour la justice et l’enseignement.
Afrique de l’Ouest : commerce des Anglais et des Français qui se concentrent sur le delta du Niger. Les premiers avec George Dashwood Goldie-Taubman (1846-1925) et la West Africa Company. Auparavant, les contacts avec l’intérieur se font par l’intermédiaire des middlemen africains. A partir des années 1870, des liens directs se créent avec les producteurs d’huile. Goldie, ambitieux, veut créer une colonie anglaise, ce qui génère des tensions avec les Français. Du côté français, les militaires ont un rôle prédominant : le colonel Brière et le général Gallieni obtiennent l’appui de Paris pour mettre en place une liaison entre le haut-Sénégal et le haut-Niger → guerres contre les Toucouleur et Samori. La diplomatie cède la place à la violence avec l’arrivée du commandant Gustave Borgnis-Desbordes. Prise de Ségou (capitale Toucouleur) en 1890 ; en 1893, les derniers territoires manquants sont annexés.
Samori : surnommé « Samori le sanglant », bénéficie de la reconnaissance de ses qualités guerrières de la part des Français (« le Bonaparte du Soudan », le « Vercingétorix africain »…). Décrit par l’historiographie nationaliste postcoloniale comme LE résistant africain. Né vers 1833 dans une famille ayant renié l’Islam et retourné au paganisme. Se fait soldat mais est un chef-né. En 1861, il prête un serment d’amitié avec 6 camarades ; 20 ans plus tard, il règne sur 300 000 sujets. En 1873, ses fantassins sont armés d’un fusil, d’un sabre et d’un poignard. Conquiert puis consolide. Converti à l’Islam, il en fait le ciment de son empire. 1881-1885 : guerre des Français contre Samori ; 1886 : traité de paix et de commerce et délimitation de zones ; 1891 : début de la guerre de 7 ans. Samori évacue ses territoires et reconstitue un empire ailleurs au Soudan. En 1898, son fils anéantit une colonne française → les Français s’attaquent de nouveau à Samori et le capturent le 29 septembre.
AOF : fédération rassemblant Sénégal, Côte d’Ivoire, Dahomey et Guinée en 1893 (le Soudant reste sous administration militaire). 1904 : obtention de l’autonomie budgétaire. En 1911, on a en plus le Haut-Sénégal, le Niger, la Maurétanie, le Tchad-Niger.  Comprend plus de 125 dialectes dont le mandé, le wolof ou le haussa. En 1913, 1/3 de Musulmans et le reste d’animistes. Essentiellement du troc. Maisons de commerce : bordelaises au Sénégal, marseillaises en Guinée.
Togo et Cameroun : obtenus par le traité de 1884. Le Togo est rentable du point de vue commercial et colonial. Attire cependant peu d’Européens : 96 en 1914. Perspectives intéressantes de l’intérieur du Cameroun. Le Nord-Cameroun est assujetti vers 1900 et l’Islam est respecté puisque l’on y interdit les missionnaires. Tenu en main par les Polizeitruppen et les Schutztruppen.
En 1876 a lieu la conférence géographique de Bruxelles. On y crée l’Association internationale africaine, présidée par Léopold II : c’est un échec. En 1878, il fonde le Comité d’Etudes du Haut-Congo, qu’il préside. Stanley est envoyé au Congo par Léopold en même temps que Brazza l’est par la filiale française de l’AIA. Brazza signe un traité avec des locaux et le texte est ratifié en 1882 par la Chambre. Le Portugal craignant pour ses possessions, il se tourne vers l’Angleterre qui reconnait en 1884 la souveraineté sur toute l’embouchure du Congo. Une conférence est réunie à Berlin pour mettre tout le monde d’accord. Léopold propose l’inclusion du Katanga (sera la province la plus importante), ce qui est accepté. L’Etat du Congo ne disposant pas de ressources financières propres, il est contraint de vivre de ressources en nature, ce qui aboutit à un système d’exploitation extrêmement dur : violences, viols, mutilations, assassinats, … Ne devient le Congo belge qu’en 1908. Avant, Léopold est le patron. En 1904, un rapport alarmant de Roger Casement, consul britannique au Congo fait état des débordements et des disfonctionnements. Une commission d’enquête internationale publie un rapport en 1905 qui va dans le même sens. Les pressions internationales font que le gouvernement belge prend les commandes peu après. De 1880 à 1890, la population était passée de 20 millions à 10 millions (maladie du sommeil, famines et massacres).
29 avril 1887 : la convention franco-congolaise règle la question des frontières du Congo français et de l’Etat indépendant du Congo : il y a désormais 2 Congo. En 1906 est créée une fédération (l’AEF de 1910) composée du Gabon, du Moyen-Congo et de l’Oubangui-Chari. On y met en place un système de sociétés concessionnaires (monopoles accordés la plupart du temps pour 30 ans) auxquelles on demande de récolter l’impôt individuel. Succès : en un an, (1898-1899), 70 % du territoire est réparti entre 40 entreprises. La Compagnie des sultanats du Haut-Oubangui couvrent 140 000 km2 (4 fois les Pays-Bas). Peu de capital investi cependant : économie davantage prédatrice (caoutchouc, ivoire) et travail forcé. Assez peu de résultats économiques la plupart du temps, malgré des pratiques douteuses. Vers 1905, les grandes exportations d’ivoire et de caoutchouc cessent. Reste sous-développé.
Deutsche Ost-Afrika Gesellschaft (DOAG) : acceptée par Bismarck à condition qu’elle ne coûte rien. Elle met donc en place des impôts sur les enterrements, sur le cacao, sur les transports, un impôt individuel et d’autres encore + autorisations, obligations, mesures dans la plus grande tradition prussienne → révolte le 22 septembre 1888 à Bagamoyo et s’étend. En janvier suivant, le Reichstag vote les crédits pour rétablir l’ordre. Un commissaire recrute alors une armée locale ; il est arrêté et condamné. Après 1890, on décide que les agissements ne seront dorénavant que financiers. Hermann von Wissmann puis Julius von Soden mettent une administration ordonnée, mélangeant aspects militaires et civils. Associent des chefs. L’Allemagne supporte toutefois la moitié des dépenses. Début XXe, on met en place un système obligeant les hommes à travailler une partie de l’année dans des fermes modèles → en 1905 éclate la plus grande révolte de l’histoire coloniale de l’Afrique : la rébellion des Maji-Maji. Jugulée en avril 1906 mais 150 000 Africains tués, de même que des planteurs, des fonctionnaires, des missionnaires. A partir de 1910, l’Urundi et le Ruanda sont placés sous administration allemande.
East African Protectorate (EAP) : divisée en quatre provinces placées sous la direction d’un subcommissioner. Ne présente pas de structure préexistante assez importante sur lesquelles se baser. N’est pas d’un très grand intérêt : ne serait utile que pour relier à l’Ouganda. Début XXe, on effectue une scission de la province orientale de l’Ouganda pour la joindre à l’EAP qui désormais possède une partie territoriale cultivable et un climat plus sympa → en 1902 germe l’idée de faire du Kenya une colonie de peuplement. Attire énormément de Sud-Africains d’origine néerlandaise.
En Ouganda, existent des entités politiques de grande envergure : ainsi, dans le Bouganda, Johnston signe une convention avec le Kabaka qui est dès lors reconnu comme seigneur, est autorisé à nommer un Premier ministre, un juge suprême et un conservateur du Trésor. Revenu de 1 500 livres (presque autant que le gouverneur britannique du Kenya). Impôt sur les huttes. Mise en place du train Mombassa-Kampala.
Impérialisme italien : comme aucune possibilité de colonisation n’est présente au début dans la Méditerranée, ils s’orientent vers la mer Rouge. En 1869, une entreprise y avait acquis la baie d’Assab. En 1882, Assab devient officiellement la première colonie italienne après que le gouvernement a repris les droits. Prennent Massaoua en 1885. En 1887, l’Italie acquiert un bout de territoire sur la pointe de l’Afrique (futur Somaliland). En 1891, à la suite de concertations, l’Angleterre accepte cette position mais l’Italie ne devra pas aller dans la vallée du Nil. Intérêt pour l’Ethiopie : en 1887, ils se font bourrer la face à Dogali.
→ montent une armée plus grande et tentent de monter l’empereur Johannes et son rival Ménélik l’un contre l’autre. Ce dernier prend le dessus et déclare la guerre à l’Italie. Mobilise 100 000 guerriers contre 18 000 pour l’armée italienne. 20 000 n’ont que des lances mais le restant est équipé. Victoire écrasante des Ethiopiens à Adoua en 1896. Côté italien : 6 000 morts, 1 500 blessés, 1 800 prisonniers. Le 26 octobre, signature du traité d’Addis-Abeba reconnaissant l’indépendance de l’Ethiopie.
Sud-Ouest africain allemand : élevage extensif dans une partie du territoire + montagne et désert pour le reste. Rôle de Frans Adolf Eduard Lüderitz (1834-1886), aventurier, gros héritage. Se met en contact avec Heinrich Vogelsang qui achète en 1883 la « Bay Agra Peguena ainsi que les terres adjacentes 5 milles dans toutes les directions ». La même année, le territoire est à nouveau étendu. Sur place, les Allemands combattent les Herero et les Nama. Ce n’est qu’en 1884 que ces derniers reconnaissent le protectorat. Toutefois, l’arrivée de sociétés concessionnaires et de paysans européens déclenche la guerre Herero en 1904, menée par Samuel Maherero. Le général von Trotha vainc les insurgés à Hamakari. Les violences continuent car Trotha déclare la guerre totale et déclare qu’à l’intérieur des frontières allemandes, tout Héréro avec ou sans fusil sera abattu → de 80 000 en 1904, la population Héréro passe à 20 000 en 1906. De l’autre côté, sur 17 000 européens, 2 000 meurent. Les Nama s’insurgent également et sont matés en 1907.

V) L’IMPERIALISME MODERNE EN ASIE

En Inde avant la révolte des Cipayes, il y avait déjà eu des mutineries de soldats européens mais surtout d’indiens : de 1780 à 1857, 14 régiments sont dissous pour cause de mutinerie. En moyenne, les soldats indiens reçoivent 1/6 du salaire des européens. L’armée des Indes se compose principalement de Brahmanes, cultivateurs propriétaires fonciers. Développement relativement détaillé de la révolte de 1857.
Afghanistan : la première fois que Sherlock Holmes rencontre le Dr Watson, il en déduit instantanément que celui-ci rentre d’Afghanistan. Première guerre anglo-afghane de 1839 à 1842 afin de consolider sa position par rapport à la Russie. Deuxième guerre de 1878 à 1880 : une mission russe se pointe à Kaboul → le gouvernement demande à envoyer une mission. L’ultimatum étant dédaigné, 3 armées attaquent. Le 26 mai 1879, le fils de l’Amir mort signe le traité de Gandarmak qui accepte le contrôle de la politique étrangère par un diplomate anglais en poste à Kaboul. Le 3 septembre, des soldats tuent l’envoyé et sa suite. Victoire en 1880 pour l’honneur mais partent ensuite (décision de Gladstone). Les Russes viennent en 1885 et les Anglais aident à ce moment-là les Afghans.
Birmanie : 1ère guerre anglo-birmane en 1824 → cède l’Assam et accepte un résident à Ava. Rupture du traité de Yandaboo en 1840 → les Anglais occupent Rangoon en 1852. En 1885, les Anglais envahissent le nord du pays. A chaque fois, ce sont les négociants anglais qui se plaignent. En 1886, toute la Birmanie est annexée. Devient une province des Indes britanniques.
Indochine (bonne partie sur le sujet) : en 1862, l’Empereur d’Annam avait cédé quelques provinces du delta du Mékong qui dès 1867 deviennent la Cochinchine, administrée par des officiers de marine qui la laisse d’autogérer en grande partie. A partir de 1877 (Républicains en France), est gérée par des fonctionnaires civils. On met en place un Conseil colonial et les Français de Cochinchine élisent un délégué au Parlement français. En 1863, le Cambodge avait été instauré en protectorat mais le roi Norodom (lui-même soumis au roi du Siam) gardait nombre de prérogatives. En 1879, le représentant républicain à Saigon appelle à un contrôle plus net et strict. On envoie en 1884 une canonnière à Phnom Penh. Suivent des émeutes mais le roi n’est déposé qu’en 1897 → le pouvoir est confié à des ministres contrôlés par le résident. On cherche alors à mettre la main sur l’Annam qui ouvre les portes au Tonkin (qui fait l’objet d’un véritable mythe). Explorations sous la houlette ou l’influence de Jean Dupuis (homme d’affaires), de l’amiral Dupré, et de Garnier sur le terrain → en 1874, traité reconnaissant l’Annam comme pays indépendant mais soumis à la tutelle française. La Chine refuse cette tutelle (détient la suzeraineté sur l’Annam). En 1884, la France règne sur toute l’Indochine. Un nouveau conflit éclate pourtant à la suite d’un incident militaire franco-chinois → « cinquante millions ou la guerre » (J. Ferry). Les troupes françaises atteignent la Chine méridionale. Le colonel de réserve Herbinger, ivre, cède à la panique et fait part d’une armée chinoise gigantesque, de lourdes pertes. Son supérieur transmet ces inquiétudes mais des fuites permettent à la presse d’être mise au courant → boucan énorme, notamment à la Chambre où l’on évoque un nouveau  Sedan. Dans la rue, des gens crient « Ferry à l’eau », « Ferry à la lanterne ». Chute du gouvernement le 30 mars 1885 en parallèle de quoi on vote un crédit de 200 millions de francs pour doubler le corps expéditionnaire. Ferry ne pouvait pas alors parler des discussions secrètes entre Français et Chinois. Le 6 juin, une convention est signée qui voit la France renoncer à l’indemnisation et la Chine à la suzeraineté. La Chambre de l’époque était pourtant profondément opposée au protectorat et il y régnait une atmosphère anti-coloniale : en décembre 1885, le chapitre relatif à l’Annam et au Tonkin lors d’un vote budgétaire pour les colonies n’est adopté que 273 voix contre 267.
Dans un premier temps, l’autorité effective de la France ne se limite qu’à quelques villes du delta du Tonkin ainsi que Lang Son et Huê. En juillet 1885, des Annamites ouvrent le feu sur les positions françaises de Huê et le lendemain, l’empereur part en emportant ses affaires. Huê est pillé par les Français, sa bibliothèque pillée. Un fils adoptif de Tu-Duc est nommé contre-empereur, ce qui déclenche la révolte des lettrés. Sur les 140 000 chrétiens présents au Vietnam, 40 000 sont assassinés. Seuls JL de Lanessan et J. Harmand se rendent comptent qu’il s’agit d’une forme de résistance patriotique voire nationaliste. La situation n’en n’est pas moins plus ou moins réglée.
Le Tonkin reste, lui, une zone assez anarchique : pillages et maraudages car les digues ont parfois été laissées à l’abandon et la famine a frappé. Le territoire est traversé par des warlords ou des commandos chinois. Jusqu’en 1891, la présence française y est très limitée (postes + colonnes). On tente une répression systématique mais qui n’arrange pas les choses. En 1892 arrive Gallieni (1849-1916), épaulé par Lyautey dès 1894. Gallieni est né dans un village pyrénéen d’un père d’origine italienne militaire professionnel. Admis à Saint-Cyr, il intègre l’infanterie de Marine et participe à la guerre de 1870 (prisonnier). Sert ensuite à la Réunion, au Sénégal, à la Martinique et au Soudan. Lyautey était issu d’une grande famille catholique de tradition militaire. C’est un catholique-social. En 1897, le Tonkin est en grande partie pacifié.
Le premier résident général est Paul Bert (1833-1886), issu d’une famille aisée d’Auxerre. Etudes de droit puis de sciences naturelles. A 36 ans, il accède à la chaire de physiologie de la Sorbonne. Député de l’Yonne en 1872. Membre de l’Académie des sciences et ministre de l’Instruction publique. Part à Hanoï en avril 1886 accompagné de sa famille et de collaborateurs anticléricaux et francs-maçons (2 cathos sont nommés résidents de l’Annam et du Tonkin pour équilibrer). Epuisé, il décède en 1886. En 1887 on crée l’Union Indochinoise qui relève du ministère des Colonies. Reste essentiellement sur le papier.
En 1891, la situation au Tonkin étant à nouveau mauvaise, Freycinet nomme Jean-Louis de Lanessan (1843-1919) gouverneur général. Reçoit la totalité des pouvoirs. Lanessan est médecin et physiologue, athée, anticlérical, expert des questions coloniales. Croit aux Lumières et au Progrès. S’inspire de l’exemple des Pays-Bas aux Indes Néerlandaises → décentralisation (le gouverneur général doit recevoir de grandes responsabilités) et association (associer les peuples à la colonisation en harmonisant intérêts et valeurs). Persuadé que le Tonkin et l’Annam n’étaient pas antagonistes et que la résistance est de nature nationaliste. Les Français devront collaborer avec les autorités traditionnelles. Fait construire une ligne de chemin de fer de Hanoï à Lang Son. Il est rappelé en France peu après par Delcassé.
Paul Doumer (1857-1932) : forte personnalité, autorité, ancien ministre des Finances, membre important de la franc-maçonnerie et du parti Radical. Met en place une administration pesante et bien payée (5 683 fonctionnaires européens en Indochine en 1911). Crée des services compétents pour les finances, les travaux publics, l’agriculture, le commerce… Les dépenses publiques totales consacrées à l’Indochine entre 1860 et 1895 ont été estimées à 750 millions de francs. Problème : le Tonkin par exemple ne rapporte en 1887 que 15 millions de francs. On étend le système des impôts indirects, des recettes douanières et des monopoles. En 1896, le déficit est encore de 43 millions. On passe ensuite  un autre système lorsque le pays est pacifié : impôts directs (foncier et individuel) alors qu’il n’y a alors ni cadastre ni recensement. Au final, les surplus permettent de lancer des emprunts coloniaux et de grands travaux infrastructurels : entre 1898 et 1913, l’Etat investit près de 800 millions (les investissements privés sont à hauteur de 500 millions entre 1898 et 1918.
Indes néerlandaises : le traité de Sumatra donne aux Pays-Bas une entière liberté de mouvement sur Sumatra mais le sultan d’Atjeh refuse de reconnaitre leur autorité. On pense alors que celui-ci va demander de l’aide à l’Italie ou aux USA → en 1873 débute la guerre d’Atjeh qui ne s’achève officiellement qu’en 1903. Se compose en réalité d’une série de guerres : expédition punitive qui échoue puis prise du Kraton (palais). Les princes locaux refusent toujours la tutelle hollandaise. En 1878, le gouverneur général nomme le général-major K. van der Heijden qui mène des opérations pour terroriser la population. Il est remplacé en 1880 par un administrateur civil. On passe alors à une phase de guérilla. On tente une forme fixe de défense qui échoue (forts concentrés autour de Kotaradya. On tente ensuite de diviser les princes et de gratifier ceux qui plient (en 1896, Teuku Amar, initialement loyal, passe de l’autre côté munis des armes reçues des Néerlandais). On envoie alors un fort contingent pour laver l’affront. J. B. Heutsz (1851-1924) est nommé par la suite : en 1898, il devient gouverneur civil et militaire d’Atjeh et dépendances. En 1904, il devient gouverneur général des Indes néerlandaises. Réputation ternie par quelques anicroches : pour écrire l’Assujettissement d’Atjeh, il avait sollicité un futur prof de Leyde qui deviendrait le plus illustre arabisant des Pays-Bas (Christian Snouck). Snouck voulait montrer à la population que le but n’était pas de s’opposer au sultan mais de poursuivre son œuvre. Préconise une stratégie musclée contre les ulamas. Après cela, il faudrait axer la promotion sur la prospérité. La fin de la guerre intervient après une dernière phase de terreur vis-à-vis des résistants (mort d’1/3 de la population).
Du point de vue de l’organisation, on est face à un système de type quasi-féodal. L’administration néerlandaise et l’indonésienne se côtoient. Le régent indonésien est sous la protection d’un administrateur néerlandais et bénéficie de pourcentages dans le domaine des cultures, de corvées accomplies pour son compte personnel, … etc. Le régent perd son influence dans les régions les plus juteuses comme autour de Java.
L’Allemagne dans le Pacifique : missionnaires, explorateurs et négociants sont actifs dans le Pacifique-Sud.   La colonie allemande la plus importante serait le Kaiser-Wilhelms-Land dans le N-E de la Nouvelle-Guinée. Impérialisme de type préemptif. La NGK (Neu Guinea Kompagnie) qui obtient une concession n’engrange malgré ses capitaux que peu de recettes.

VI) LA PREMIERE GUERRE MONDIALE ET LES COLONIES

Impérialisme source de conflits sur les différents continents entre les puissances coloniales (Fachoda, Tanger, etc). Le monde colonial est l’un des théâtres d’opérations durant la Grande Guerre : le 6 août 1914, les Français envahissent le Togoland à partir du Dahomey. Le Togo est pris dès le 27 août par les Britanniques et les tirailleurs sénégalais. Davantage de résistance au Cameroun : engagent 25 000 hommes. Les derniers Allemands y résistent jusqu’en février 1916. Pertes : 1 668 Britanniques, 2 567 Français. L’Afrique du Sud-Est est aussi envahie en septembre 1914. Les Alliés doivent faire avec le passage à l’ennemi du colonel Maritz. Les jeux sont faits à l’été 1915, les pertes sont minimes : un peu plus de 100 morts de chaque côté.
En Afrique orientale, le colonel Paul von Lettow-Vorbeck donne du fil à retordre. Dans la région, les Allemands envahissent la Rhodésie, l’Ouganda et le Congo belge. Lettow-Vorbeck, pour parer au différentiel numérique (un peu plus de 20 000 contre 130 000 hommes) mène une guérilla. Se replient en zone portugaise puis tiennent jusque 2 semaines après la capitulation.
En Asie, le Japon déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août 1914. La Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et l’archipel Bismarck sont occupés par les troupes néo-zélandaises. Les Japonais lancent l’offensive sur la baie de Kiao Chow et de Ch’ing-Tao.
Pour l’Empire Ottoman, la guerre se déroule essentiellement en Mésopotamie : défaite britannique en 1916 à Kut mais succès et prise de Bagdad en 1917. En Syrie, les Anglais lèvent 300 000 hommes, menés par Allenby → prise de Jérusalem en 1917, de Damas en octobre 1918.
Participation des populations de l’Empire britannique : l’Afrique du Sud fournit 55 000 blancs. Plus de 65 000 noirs sont engagés comme personnel auxiliaire non combattant en plus de ceux qui prennent part aux combats. L’Inde fournit 1.4 million d’hommes. 62 000 Indiens meurent au front, ce qui représente un sacrifice supérieur à celui de l’Australie ou du Canada en chiffre absolu mais légèrement inférieur en proportion. La part de l’Empire dans les troupes anglaises est d’un tiers.
En France, on établit le service militaire pour les Africains en 1912. En 1915, 50 000 sont appelés sous les drapeaux mais 40 000 seulement se présentent. Joost van Vollenhoven est nommé en 1917 gouverneur général de l’AOF à 39 ans. Démissionne en janvier 1918 après une opposition avec sa hiérarchie, notamment en matière de recrutement. Se réengage et est tué en juillet. Dorénavant, le recrutement des soldats en Afrique est tenu par le haut-commissaire de la République au Recrutement, Blaise Diagne. Pendant la guerre, 170 000 Africains de l’Ouest, 300 000 Nord-Africains, 41 000 Malgaches, 48 000 Indochinois et 60 000 autres furent enrôlés : 600 000 au total.

CONCLUSION

Jean Stengers a calculé que le Congo belge avait coûté à l’Etat belge jusqu’en 1950 300 millions de francs belges et lui avait rapporté 90 millions. Mais ne concerne que les dépenses publiques.
Pour les Pays-Bas, les Indes néerlandaises ont été une vraie bonne affaire mais d’après les calculs de J.B.D. Derksen, et de Jan Tinbergen, en 1938 la contribution des Indes néerlandaises au revenu national des Pays-Bas ne dépasse pas 13.7 %.
Pour l’Allemagne, les colonies représentèrent un intérêt économique complètement négligeable, de même que pour l’Italie.
Pour l’Angleterre, L. Davis et R. Huttenback du California Institute of Technology posent la question dans Mammon and the Pursuit of Empire : l’Empire a-t-il rapporté ? La réponse est non : après 1880, les marges bénéficiaires très élevées qui étaient perçues initialement sur les investissements coloniaux commencèrent à diminuer pour passer en dessous de recettes tirées d’autres destinations.
Jacques Marseille, dans Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce conclut que dès 1896 l’Empire était devenu un partenaire commercial important mais moins que la GB (comparable toutefois à l’Allemagne à la Belgique et au Luxembourg réunis). Rentable pour certaines exportations : 88.4% des exportations de bougies sont destinées aux colonies. 95 % du riz et 90 % des vins importés venaient de l’Empire. Marseille constate une rupture relationnelle entre capitalisme et colonialisme : jusqu’en 1930, le mariage est heureux car la France a besoin de la sécurité d’un marché protégé  mais à partir de 1930 le protectionnisme fait obstacle à une modernisation industrielle → la décolonisation a donc été une bénédiction pour le capitalisme français.