Dans Décolonisations ? Elites, jeunesse et pouvoir en Afrique occidentale française (1945-1960), Nicolas BANCEL s’interroge sur les ruptures ou les continuités qu’ont pu provoquer les décolonisations en Afrique, en articulant à la fois histoire politique et histoire sociale focalisée sur la jeunesse. Son travail s’inscrit dans un renouvellement important au sujet des décolonisations que Guillaume BLANC, dans sa présentation de la question résume en trois principes majeurs. Le premier est de penser l’Afrique au-delà de la césure colonies indépendances car finalement ces indépendances ne constituent une césure que pour les métropoles mais ne changent rien pour les société africaines. Le deuxième principe auquel s’attache Nicolas BANCEL est de penser par le bas, en gardant en tête que les Africains ont toujours eu une capacité d’action face aux autorités coloniales. Enfin, ces élites sont au cœur des rencontres et des connexions permanentes au sein même de l’Afrique (AOF pour la période étudiée par Nicolas BANCEL) et entre l’Afrique et le monde, comme dans le cadre du scoutisme.

L’ambition de cet ouvrage est d’articuler l’évolution des mouvements de jeunesse et du sport avec d’autres mutations sociales de fond (en particulier le mouvement syndical) et les transformations institutionnelles et politiques, pour envisager sous un autre angle l’histoire de la période menant aux décolonisations.

Prologue

L’auteur présente le choix du sujet dans le cadre de sa thèse soutenue en 1999 avec d’abord la thématique de la décolonisation d’un point de vue administrato-institutionnel puis intégration dans un groupe de travail sur le scoutisme, notamment britannique, et passage vers un sujet sur jeunesse et décolonisation.
Il a travaillé sur les sources écrites (archives, presse de scoutisme, presse des étudiants noirs présents en France) et sur les témoignages oraux (et aussi à travers des questionnaires à destination des anciens administrateurs coloniaux).
Nicolas Bancel présente ensuite le contexte post-1945 dans les colonies françaises avec notamment la prise en compte de la nécessité de faire de la colonisation autrement (mise en place de l’Union française).

1945 constitue un tournant pour l’AOF car la France décide alors d’investir en masse dans cette partie de l’Empire (FIDES). Ce nouveau financement par la métropole permet notamment d’investir dans le domaine scolaire, permettant ainsi l’émergence d’une nouvelle élite lettrée et la disparition des écoles rurales . Ce qui veut dire que la jeunesse se retrouve au cœur du dispositif du « coloniser autrement ». L’évolution politique de l’AOF est lente entre 1946 et 1956 puis la loi cadre Deferre constitue une véritable rupture dans le sens où les colonies choisissant leurs propres trajectoires, cela brise le côté fédérations de l’Union française et ouvre aux futures décolonisations.

L’ouvrage cherche à mettre en évidence le rôle des élites africaines durant la période menant à la décolonisation. Mais ces élites ne forment pas un bloc homogène, même si après la guerre la nouvelle élite est une élite essentiellement scolarisée et urbaine. L’auteur distingue dans ce groupe trois temps dans le processus de segmentation des élites :

o 1946-1952 avec des élites dites de transformation prises en charge par des structures d’encadrement contrôlées par les autorités coloniales type CJUF (Conseil de la jeunesse de l’Union française).
o 1953-1956 marquée par l’autonomisation d’une partie des élites de transformation qui créent des associations autonomes mais qui restent sous tutelle coloniale mais qui finissent par se radicaliser et par avoir des positions clairement anticoloniales (contre la colonie et contre les élites de compromis formées pendant l’Entre-deux-guerres et qui occupent les postes).
o 1956 aux indépendances marquée par une rupture frontale entre 1ère et 2ème génération.

Pour accompagner cette fiche:

Sur Clioprepas:

« Les sociétés coloniales du côté des femmes », L’Histoire, n° 371, janvier 2012

Anne Stam, L’Afrique, de la colonisation à l’indépendance, PUF (Que Sais-Je?), 2003

Sur CAIRN:

Nicolas Bancel, Daniel Denis, Youssef Fates, De l’Indochine à l’Algérie. La jeunesse en mouvements des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962, La Découverte, 2003

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