Cet ouvrage collectif dirigé par David Motadel montre que tout au long de l’ère moderne, des révolutions simultanées se sont propagées à travers les frontières des Etats, engloutissant des régions entières, des continents et, parfois, le globe. Les auteurs examinent la propagation des soulèvements au cours des grands moments révolutionnaires de l’histoire moderne. Les chapitres explorent la nature de ces vagues révolutionnaires, retraçant l’échange d’idées radicales et les mouvements des révolutionnaires à travers le monde. Ici ne sont traités que l’introduction et le chapitre 1. Les autres chapitres portent sur des Révolutions globales postérieures à la question de l’agrégation interne, telles que le Printemps des Peuples de 1848, les Communes de 1871, les révolutions bolchéviks de 1917, la révolution islamique, l’anticommunisme de 1989 ou encore les Printemps Arabes de 2011.

Global Revolution, David Motadel

Les contemporains de toutes les révolutions ont accordé une valeur universelle à leur mouvement : le début d’une nouvelle ère pour l’humanité.

La première vague révolutionnaire de l’histoire moderne a été celle des révolutions atlantiques, qui ont commencé avec la Révolution américaine de 1776 et, en 1789, ont balayé la France. Inspirés par l’idée de liberté, les révolutionnaires se sont battus contre les anciennes élites aristocratiques et les dirigeants coloniaux. Ils ont déclenché la révolution haïtienne de 1791, la rébellion irlandaise de 1798 et les guerres révolutionnaires en Amérique latine. À peu près à la même époque, des révolutions similaires ont éclaté aux Pays-Bas, en Belgique, en Pologne et dans l’Empire ottoman.

L’intérêt du livre offre des manières de considérer le sujet de l’agrégation.

Les chapitres du livre examinent les similitudes et les différences entre des révolutions qui ont éclaté à peu près au même moment dans différents pays. Le livre retrace aussi les liens, à la fois indirects et directs, entre des révolutions simultanées. Certains de ces liens ont été remarqués par les contemporains. D’autres peuvent être reconstitués par les historiens, mais n’étaient pas visibles pour ceux qui vivaient les événements à l’époque.

Premièrement, il pourrait y avoir des liens indirects entre des révolutions simultanées par le biais de transformations externes (structurelles) similaires – telles que des guerres majeures, des crises économiques mondiales ou l’effondrement d’empires – qui ont conduit à des luttes de pouvoir révolutionnaires conjoncturelles dans différents pays.

Deuxièmement, il pourrait y avoir des liens directs entre les mouvements révolutionnaires au-delà des frontières nationales. Après tout, les révolutions modernes ont eu lieu dans un monde de connexions mondiales grâce à l’impérialisme, aux échanges et au commerce, et grâce aux moyens modernes de communication et de transport. Au fur et à mesure que le monde devenait plus intégré, la propagation des révolutions à travers les villes et les provinces, les nations et les empires, les régions et les continents, s’est accélérée.

Enfin, il pourrait y avoir une autre forme de lien direct entre des révolutions simultanées, qui n’impliquait pas nécessairement le mouvement des révolutionnaires ou le transfert d’idées. Une révolution dans un Etat pouvait provoquer une instabilité politique, économique et sociale majeure dans un autre, conduisant à une situation révolutionnaire dans ce pays. L’exemple le plus évident d’un tel choc est la Révolution américaine, soutenue par d’importants fonds français, qui a conduit à la crise économique en France, entraînant à son tour la Révolution française.

Voir Lynn Hunt, “The Global Financial Origins of 1789” dans Suzanne Desan, Lynn Hunt, and WilliamMax Nelson (dir), The French Revolution in Global Perspective (Ithaca, NY, 2013), p. 32-43.

Pour comprendre ces connexions, il faut porter le regard sur l’agency des grandes figures révolutionnaires ainsi que sur des révolutionnaires moins connus qui ont eux aussi parcouru les territoires et les océans. Ils ont souvent créé de nouveaux espaces transnationaux de coopération et de société révolutionnaire mondiale. Parfois, ils étaient liés à des régimes révolutionnaires qui tentaient d’exporter leurs révolutions dans d’autres pays (Thomas Jefferson, Benjamin Franklin, plus tard Karl Marx ou Giuseppe Garibaldi).

Plus important encore, les idées révolutionnaires (et le langage dans lequel elles étaient véhiculées) résonnaient souvent au-delà des frontières de l’Etat. La plupart des révolutionnaires de l’ère moderne ont fait des revendications universelles, promouvant des idées comme le républicanisme, le constitutionnalisme, le communisme ou le libéralisme, et ont cherché à remplacer les anciens dirigeants par des formes populaires de gouvernement, qui avaient toutes un véritable attrait pour les mouvements révolutionnaires à travers le monde.

Les chapitres suivants examinent la manière dont les idées et les slogans révolutionnaires se sont répandus et ont changé de sens dans différents contextes locaux, en tenant compte des différences de conditions politiques et sociales. Les médias utilisés pour diffuser des messages révolutionnaires étaient divers. Les idées pouvaient être véhiculées dans des textes savants, des photographies, des chansons, des poèmes, des œuvres d’art et de nombreuses autres formes.

Mais il faut sortir de l’écueil d’une simple diffusion d’un centre vers les périphéries. Dans de nombreux cas, l’Europe n’était même pas l’épicentre du mouvement révolutionnaire ! Parfois même, les idées révolutionnaires européennes étaient même influencées par des transformations venues de l’extérieur !

Voir James M. Blaut, The Colonizer’s Model of the World: Geographical Diffusionism and Eurocentric History, 1993

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