Cette composition de plusieurs fiches est proposée pour les candidats qui souhaitent une synthèse complète, chronologique et multi-thématique sur la Révolution française, de 1789 à 1804. Chaque fiche est crée à partir de la lecture d’un ensemble d’ouvrages généraux ou de monographies sur des sujets comme la Terreur, le mythe de Robespierre-roi, la place des femmes en Révolution, le coup d’Etat de Bonaparte, la Contre-Révolution, le rôle de la presse… Elles tiennent également compte de l’historiographie classique, mais aussi et surtout des débats historiographiques récents et des nouveaux champs de recherche actuels. Cette cinquième fiche porte sur l’Etat et les religions au cours de la Révolution française.
Elle peut être accompagnée de la lecture de la Documentation Photographique, dossier numéro 8141, CNRS éditions 2021 (numéro dirigé par Pierre Serna)
Les autres fiches du dossier:
La Révolution française (1): Les débuts de la Révolution française
La Révolution française (2): Les débuts chaotiques de la Première République
La Révolution française (3): La République en crise
La Révolution française (4): Les nouvelles expériences électorales
La Révolution française (5): Les femmes dans la Révolution
La Révolution française (7): La Contre-Révolution
La Révolution française (8): Le symbole révolutionnaire
VI. Les affaires religieuses : l’Etat et les cultes
Le sujet ne concerne en fait qu’une courte période à l’intérieur de la Révolution française, mais qui est d’une importance capitale car elle divise profondément la société et renforce la contre-Révolution. Avant, le catholicisme est la religion officielle du royaume de France et Louis XVI est roi de France par la grâce de Dieu, sacré à Reims. Après, le catholicisme est « la religion de la majorité des Français » : elle est tolérée et reconnue au même titre que le protestantisme et le judaïsme.
Il ne s’agit pas d’affirmer que la Révolution a détruit l’Eglise catholique ! Ce serait totalement faux. La déchristianisation a commencé avant 1789 : c’est un processus de moindre fréquentation des églises et d’abandon de certaines fêtes religieuses, une liberté prise avec le dogme que Michel Vovelle appelle la « piété baroque », qui se développe tout au long du XVIIIe siècle. La masse des Français reste chrétienne, marquée par une certaine forme de religiosité à laquelle seuls certains révolutionnaires radicaux (Robespierre, Marat) ont essayé de s’attaquer. Les approches ont été diverses : d’abord, dans l’esprit des Lumières, la tolérance a été appliquée par l’accès des protestants et des juifs aux emplois civils et militaires (décembre 1789 et janvier 1790). Puis, la monarchie ayant fortement besoin de liquidités, la solution proposée par le député Talleyrand en novembre 1789 a été de nationaliser les biens du clergé pour les vendre. Les résistances ont existé mais elles ont été facilement surmontées.
La vraie difficulté naît avec la Constitution Civile du Clergé le 12 juillet 1790. Les clercs français acceptent de ne plus être directement soumis au Pape à Rome, mais à l’Etat qui en échange paie leur salaire. L’Etat impose à tous les prêtres de prêter serment à cette Constitution. Or, selon les Evangiles, « nul ne peut servir deux maîtres » : il est donc impossible à un clerc de prêter serment à une autre personne qu’à Dieu. Mais l’Assemblée insiste. Plusieurs décrets imposent le serment des prêtres, sous peine de déportation en Guyane. Le 11 mars 1791, le Pape condamne cette Constitution : il n’en faut pas plus pour que les prêtres refusent catégoriquement de prêter serment et que ceux qui ont déjà prêté le serment reviennent sur leur parole.
« La réception du bref pontifical condamnant la Constitution civile du clergé donne lieu le 3 mai 1791 à un autodafé au Palais-Royal : l’effigie du pape, d’abord promenée sur un âne avec les armoiries vaticanes, y est brûlée avec son texte. La scène, qui a connu un grand succès populaire et fait pleurer quelques fidèles (ici, un évêque), est reprise en arrière-plan de la caricature et, pour que nul n’ignore l’identité du souverain pontife, un rébus est proposé au lecteur : une pie poursuit un chiffre romain (Pie VI). Au premier plan, l’humour scatologique carnavalesque a été privilégié, avec ce sans-culotte au sens propre, si l’on peut dire, du terme. Mais l’allusion politique est aussi présente : le papier toilette de circonstance indique l’abbé Royou, et c’est bien lui, accompagné du cardinal de La Rochefoucauld, très conservateur évêque de Rouen, qui tient la lorgnette et mesure l’outrage. Autrement dit, l’entremise des journalistes et ecclésiastiques monarchistes, actifs propagandistes des « Noirs » de l’Assemblée nationale, qui a conduit le pape à sa décision, est supposée et dénoncée ». Histoire de France 9, Révolution, Consulat, Empire (1789-1815), Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli |
Ainsi, la France se divise entre un clergé constitutionnel et un clergé réfractaire. Il existe deux Eglises. A la fin du XVIIIe siècle, l’Ouest est, avec le Midi, l’une des régions les plus catholiques de France. Une partie de la paysannerie et de la bourgeoisie urbaine a bien accueilli la fin du système féodal, surtout quand elle peut accéder à la propriété par l’achat des biens nationaux.
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Bibliographie:
- BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française, enjeux, débats, tendances historiographiques, 1787-1804, Armand Colin, 2004
- BIARD Michel, DUPUY Pascal, La Révolution française, Dynamique et ruptures, 1787-1804, Armand Colin, 2008
- BIARD Michel (dir), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Tallandier, 2010
- BIARD Michel (dir), 1792. Entrer en République, Dunod, 2013
- BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Sylvia, Révolution, Consulat, Empire (1789-1815), Belin, 2014
- DUPUY Roger, MORABITO Marcel (dir), 1795. Pour une république sans révolution, PUR, 1996
- LIGNEREUX Aurélien, La France. Révolution et Empire (1788-1815), Dunod, 2024
- MARTIN Jean-Clément, La Révolution française, une histoire socio-politique, Belin, 2004
- MARTIN Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, Perrin, 2012
- SERNA Pierre, La Révolution Française, La Documentation Photographique, n°8141, 2021
- VOVELLE Michel, Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Plon, 1973
- VOVELLE Michel, Nouvelle histoire de la France contemporaine. Vol. 1. La chute de la monarchie : 1787-1792, Seuil, 1999
- VOVELLE Michel, La Révolution française, Armand Colin, 2015 (3e édition)
- WAHNICH Sophie, La longue patience du peuple. 1792. Naissance de la République, Payot, 2008
- WAHNICH Sophie, La Révolution française : un événement de la raison sensible (1789-1799), Hachette, 2012